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Rechercher : Point Ephémère

  • Brèves Rencontres

    Même à la troisième occurrence, c'est encore un jeune festival avec de jeunes artistes qui cette fois envahissent les recoins du Point Éphémère (que je ne visite pas tous). Ces formes courtes se prêtent à l'intime et à la simplicité, de bref récits du "je", voix et corps confondus à cueillir sans à priori. L'amour toujours: Sara Tan et Marine Colard, nées en 1989, partagent sur la terrasse le parfum de leurs souvenirs, en pèlerinage de naïveté. Fortes et fraîches, ces évocations fleur bleue: main dans la main, chastes baisers, pop songs pré-pubères. Se prépare un piquant contraste entre ces explorations de l'éternelle adolescence et ce qui suit l'étage plus bas: des confidences gaies, crues et précise dans la promiscuité de la douche. Emmanuelle Coutellier y adapte "Insurrection ! En territoire sexuel" de Wendy Delorme. Au delà du manifeste sexuel, au milieu des poses alanguies: une ode à la vie. C'est tout autant touchant, finalement.
     

    @simonlemarchand-emmanuellecoutellier.jpg

     
    c'était au festival Chimique(s) #3 à point Éphémère le 1' juin 2018
     
    Guy
     
    Photo de Simon Lemachand avec l'aimable autorisation de chimique(s)
  • Accent Circonflexe: le jeu- mode d'emploi.

    medium_ACCENT.gifMais pourquoi l'accent circonflexe? Pas expliqué vraiment, et cela pourrait être n'importe quelle autre contrainte sans doute, juste un point de départ, presque un point d'interrogation. Un point commun imposé à tous les textes écrits ad hoc pour ce projet théâtral. L'accent est soit sujet du texte, soit le matériau excentrique de sa composition. Cet accent a bien sûr un petit parfum Oulipien. Et comme toute contrainte, cette contrainte-ci se retrouve à tout propos détournée. Mais peu importe: l'effet est atteint à plein, tout au milieu. L'effet de nous faire toucher chaque fois au coeur l'intensité du jeu et du texte. En renversant dans l'immédiateté et l'ambiguïté des morceaux de quotidien. Ni crescendo, ni construction: le hasard seul ordonne les séquences jouées. Dés la projection du comédien sur scène, rien ne survit de l'instant précédent, maintenant cinq ou dix minutes saisies par l'acteur pour faire exister un état ou une situation, et un rapport très proche entre nous. Par tous moyens. Travail d'épure, travail d'athlète. Compteurs mis à zéro à chaque nouvelle arrivée. L'éphémère théâtral est porté à son point d'ébullition, dans un bain de féconde inquiétude, des vapeurs de jubilation et éclats d'hilarité. Beau projet.

    C'était "Accent Circonflexe ou « La tragédie ne fait plus effet depuis qu’elle court les rues »" mise en scène par Françoua Garrigues-companie Infraktus, de Benjamin Bodi, Max Denes, Thibault de Vivies, Nicolas Dyon, Nicole Genovese, Michael Ghent, Ariane Gibrat, Clémence Grand D’Esnon, Pascal Joly, Maryline Klein, Véronique Lechat, Claire Legoff, Ronan Le Nalbaut, Priscilla Berges, Adélaïde Pralon, Yatto Titah.

    avec Alexandra Bardol, Agnès Belkadi, Virginie Bihorel, Adélaïde Bon, Paul Bouffartigue, Adrien Cauchetier, Hélène Chrysochoos, Clara Dumond, Aurore Monicard, Sandra Reno, ou alors plus ou moins
    Au Bouffon Théatre, jusqu'à mi-avril.
    Guy
  • Festin froid

    L'espace se déplie sobre, respire comme celui d'un jardin zen, insensiblement: quelques objets, juste elle. Autant de possibilités silencieuses pour un récit en pointillés. Ce plan elle y obéit, avec quelle logique? Ne pas mettre les équilibres en péril, ne pas déranger cette cérémonie composite. Au corps de la performeuse de se plier en poses pour prolonger la stricte géométrie des choses, de supporter sur la pointe des pieds le poids de l'enclume. Les gestes en ordre. Elle est si proche, mais seules les rumeurs du dehors troublent l'ailleurs de cette étrange temporalité. Le kimono est sage, il se gèlerait ici tant de distance, s'il n'y avait parfois l'ombre de ce sourire sur son visage. Sans une plainte, sa bouche porte la lame du couteau, alors qu'elle se renverse: frisson et danger. Soudain, et sans ciller, l’oignon est offert en sacrifice. C'est un festin froid, d'une ironique frugalité. Nature morte: seules les lumières soulignent l'émotion. Durant ce parcours somnambulique, mon attention pourtant ne faiblit pas, même si ma raison reste coite. Le partage s'affirme enfin avec un verre de vin.

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    Not I de Camille Mutel, vu le 28 janvier 2019 au Point Éphémère dans le cadre du festival Faits d'hiver .

    Guy

    Photographie de Charlène Yves avec l'aimable autorisation de faits d'hivers

    A propos de Camille Mutel

    A propos de faits d'hiver

    propos de Point éphémère

     

     

  • Transit: retour aux sources

    Vendredi soir dernier l'Espace Culturel Bertin Poiréefaisait cave pleine (pour ceux qui l'ignoreraient, Bertin Poirée est une enclave nippone au coeur du Paris bobo). Et peut-être même que parmi les spectateurs il n'y avait pas que des danseurs de buto. C'était au moins avéré s'agissant de cette jeune femme à la candeur bienvenue, qui demandait à l'entracte à un chorégraphe au français hésitant quelle histoire racontait au juste la danseuse prostrée au début de son solo, ou si elle cherchait quelque chose qu'elle aurait perdu par terre avant.

    medium_Cinzia_et_Cecile_-_Buto_18_1.jpgMais pour un public "initié", ce solo, celui de Cinzia Menga évoquait ce que l'on peut habituellement voir de sincère et de bon niveau dans cette même salle. Une performance à tout point de vue dépouillée, mis à part les "Grains de Sable"répandus sur le tapis de scène. Dans tout celà le plus original était le corps en lui-même- car c'est de corps dont il s'agissait avant tout, un corps proche de la nudité, un corps aux formes réinventées par la lenteur toute hypnotique des mouvements. Ce corps offrait en premier lieu juste un peu plus de rondeurs que celles que les danseuses s'autorisent généralement. Cela suffisait, exascerbé par le contexte, pour qu'il en devienne charnel à l'extrème. Surtout c'était un corps occidental, et non pas japonais, et sur les mêmes gestes notre regard en était changé.

    Le buto est né bruyamment il y a bientôt 50 ans, au Japon mais fruit des amours illégitimes et passionnées de forcesmedium_1er_fragment.jpg culturelles issus de divers points du globe, et de diverses disciplines. Juste retour aux origines, il est passionnant de voir aujourd'hui en France, aux cotés de Moeno Wakamatsu, de Maki Watanabe, Gyohei Zaitsu,de Yuko Ota, pour n'évoquer que la dernière génération(la 4° ou la 5°, mais on arrêté de compter), des artistes venus d'autres horizons, tels Camille Mutel, Inbal Fichman, Regina Georger, Moh Aroussi , Noura Ferroudj, Céline Angèle, Maléna Murua, Cécile Raymond...

    Ces trois dernières danseuses, de la même compagnie Transit, assuraient la seconde partie, et créaient la surprise. Un ouragan radioactif semblait avoir dévasté, durant l'entracte, la salle de spectacle, envahie désormais de divers reliefs de la société de consommation: sacs plastiques, canettes vides- ne manquait que le polonium 210. Espace habité par trois mutantes, primitives ou post industrielles, pitoyables survivantes de cataclysmes intimes ou planétaires, enlaidies, hagardes, gémissantes, habillées de rebuts en "Fragments", maquillées de projections vidéo et de sons en direct. Elles se tordaient, rampaient, déambulaient imprévisiblement, frayaient leur voie à travers les grappes d'un public privé de sièges et de tout point de repère, pour créer les nouveaux chemins de la laideur et de la beauté.

    Nous étions un peu bousculés, au propre et au figuré, pour regagner ainsi un peu de liberté d'esprit, ce qui n'avait pas de prix.

    C'était la Compagnie Transit, Bertin Poirée.

    Guy

    P.S. : et Kazuo Ohno a eu 100 ans, le 27 octobre dernier.

    P.P.S. du 25/2: On a rajouté, avec l'aimable autorisation de Transit, 2 photos (signées Estelle Fenech) de cette soirée.

  • Obstiné

    La première qualité de Sweat Baby Sweat, c’est d’exaspérer. Jusqu’à nous emporter, m’emporter. Pour imposer un (vrai) point de vue coûte que coûte, par cette lancinance de la répétition, se répète dans le couple ce rapport sensuel et entêté qui semble ne jamais pouvoir se résoudre. Les deux corps s’accrochent l’un à l’autre, sans satiété. Une ballade acoustique s’étire au-delà du raisonnable. Au mur les mots s’affichent, au-delà de la  banalité, pour atteindre la vérité, à force. Cela dure, la danse, et l’effort se voit, à chaque instant. L'effort en surface celui de danser, mais surtout celui de s’aimer, une lutte sans répit, longue, obstinée.

     danse,jan martens,les plateaux

    Sweat Baby Sweat,  de Jan Martens vu à la Maison des Arts de Créteil le 28 septembre dans le cadre des Plateaux.

    Guy

    photo de  Klaartje Lambrechts.avec l'aimable autorisation de la compagnie

    A propos de A small guide on how to treat a lifetime companion, lire ici.

  • Des regrets: le cabinet des figures

    Mais à quoi bon? Ou va-t-on? Et aprés?... Que me reste-t-il de cette heure formelle, découpée en parcelles, par passages réguliers du noir à la lumière, avec deux corps morcélés sur fond géométrique, le tout égalisé par un bourdonnement hypnotique? Le temps d'un inventaire méthodique, millimétré, de centaines de postures, de points de vue. Je suis gagné par le même desintérêt qu'à la vision de la pièce de Charmatz consacrée à Cunnigham. Témoin d'une étape peut-être obligée dans l'évolution de la chorégraphe, mais que partage-t-elle avec moi, avec nous? Quelques instants d'amusements, de bizarre? Des poses "figure" cachée, dos en métaorphose, m'évoquent le travail de Sofia Fitas avant de s'en éloigner. Les dernières minutes, avec un duo presque de marionettes, font regretter ce qui aurait pu être, espérer ce qui sera peut-être.

    C'était le Cabinet des figures de Vanessa Le Mat, au Centre National de la Danse

    Guy

  • Aprés le Diable

    Comment se révèle-t-elle, cette étrangeté en nous, cette monstruosité, que Maxence Rey fouille de pièce en pièce? On ne croit plus au diable et en ses tentations, mais l'inexpliqué toujours nous inquiète, le point mort de notre rationalité, l'incontrôlé. C'est par le corps des interprètes qu'il surgit ici, entre grotesque et beauté. Ceux ci nous font toucher du doigt cet instant paniqué de la transformation, où la résistance abdique. De la fête de village selon Rubens à la la fête techno, le mouvement traverse les époques. Les pulsions se libèrent avec force, les visages grimacent, les ventres s'agitent et se tendent, les sens s'ouvrent, les regards s'aiguisent, avides. Quelques frôlements, des gestes francs, et explosent des orgasmes raides et muets. Les poses sont convulsées et les cris libérés, loin de la tête les bassins dansent. Dans sa troublante viscéralité, l'œuvre parait sévère jusqu'à ce que la drôlerie l'emporte, culminant irrésistiblement en une chanson folklorique réinventée.

    Teaser - LE MOULIN DES TENTATIONS - Cie Betula Lenta - Maxence Rey from Romain Kosellek on Vimeo.

    Le Moulin des tentations de Maxence Rey vu le 6 février au CDC-Atelier de Paris-Carolyn Carlson dans le cadre de faits d'hiver.

    Guy

  • Soldé

    Le théâtre à force de prétendre accomplir sa révolution en revient parfois à son point de départ, chargé de procédés et effets. La représentation du deuil est prétexte à dérision pour provoquer des rires mécaniques, suivi de chansons en chœurs pour jouer aussi sur l’émotion, la moindre action commentée pour verrouiller toute interprétation, des éclats et des pleurs peuvent passer pour de l’intensité, la platitude pour de la clarté, des pas pour de la danse, la mise en scène des conflits pour une réflexion politique, l’évocation de la pédophilie pour de l’audace, l’usage alterné de l’anglais et du français pour de l’internationalisme, l’accumulation visuelle pour de la densité, les vessies pour des lanternes, et un peu de neige prétend à toute la beauté de l’hiver. La mélodie du bonheur en amateur.

    Place du marché 76 mis en scène par Jan Lauwers, vu au théâtre de Genevilliers le 3 mars

    Guy

  • Tombée en enfance

    La Confusion, pièce de Marie Nimier mise en scène par Karelle Prugnaud, au Théatre du Rond Point jusqu'au 7 avril.

    C’est l’histoire d’une femme, mais dont l’identité se brouille, dont la voix se module, d’une jeune fille, d’une vieille femme. Qui parle à son chien crevé dans un appartement reclu où s’accumulent des souvenirs piégés dans les objets du quotidien: le fer à repasser, la tringle à rideaux, la machine à laver. Une enfant qui ressasse ces souvenirs d’une vieille voix mais qui retombe en enfance, une vieille fillette manga aux cheveux bleus noyée dans un cimetière de peluches.

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    L'actrice- Hélène Patarot- joue à nous perdre. On est pris dans ce trouble, dans cette confusion. Il est question d’elle-Sandra- et de son compagnon Simon, de jeux d’enfant, de jeux d’inceste, d’enjeux lourds et déçus. Il est question de tout cela, et d’une maison disparue. Puis volent les peluches, et les lambeaux de l’enfance comme des feuilles mortes, le temps d’un autre trouble. A la mise en scène, Karelle Prugnaud a le sens du cérémonial, de l’inquiétant et de l’inattendu. Tout au long les trouvailles visuelles fusent, denses comme rarement, oniriques, s’accumulent. Ceci force la beauté de la pièce, peut-être aussi la limite. L’histoire en est floue, les mots de Marie Nimier émergent comme des piques. Dans des cages, les mannequins immobiles se transforment en loups ou en hommes, et quand les masques commencent à tomber, en personnages indéfinis qui lui ressemblent et en musiciens qui jouent punk.

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    Les rôles flottent. Au premier plan le solo s’invite en duo, par la visite- rêvée ? -de Simon l’ami, l’amant, de l’amour d’enfance. Les rites et souvenirs se rejouent une fois de plus encore entre eux deux comme la répétition infinie d’un vieux jeu. Mais l’heure tourne comme le tambour de la machine à laver, comme le temps qui décaperait sans pitié corps, illusions, masques et vieux vêtements pour ne laisser survivre que la vérité nue. C'est beau et fort, peut-être en manque d'économie.

    C'était La Confusion, pièce de Marie Nimier mise en scène par Karelle Prugnaud, au Théatre du  Rond Point jusqu'au 7 avril.

    Guy

    photo par Giovanni Cittadini Cesi avec l'aimable autorisation du théâtre du rond point

    lire aussi: Neige à Tokyo

  • La blonde et l'infini

    Au commencement : le silence, une lumière crue, un fond blanc, un être nu. C'est un solo absolu.

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    Au point zéro de la danse: sa nudité. Ni académique, ni triviale, ni érotique: de l’origine. Sa posture nait de rien, elle dépouillée et rien de caché, puisque rien ne semble y préexister. L’âme reste hypothétique. Juste, ses gestes la définissent, le premier instant et chaque instant d'aprés. Puis s’oublient, allégés de toute volonté de faire une histoire, de laisser des traces. Seule. Ses gestes surprennent. Elle frappe la terre, fouette les airs. Comment croire que tout ne se crée pas dans l’instant? D’où en elle? Les mouvements naissent comme animaux, buto. Bras, jambes, torse, ignorent toute convention, toute utilité motrice, sociale. Ils inventent de nouveaux appuis, des enchainements inédits. Pas de narration, d'émotions, de sentimentalité. Il nous faut renoncer. Un point de repère: s’évidence, sans tricheries, d’une pure anatomie. Les os, la chair, la peau, relâchements et tensions. La vie et la respiration. On voit des transmutations. Dans une forêt invisible, un chat, une biche, un poisson, un oiseau qui envole. Elle chante. Ample. Sa voix tenue suspend le rythme, prolonge le silence. Quelle musique en elle, quand elle se tait? Elle reprend. Elle s’invente. Les mains montrent, surprennent, tremblent. Le corps oscille, des fulgurances. Le temps se déroule, sans retour en arrière.

     

    Brusquement, du dehors, le fracas du monde fait irruption. Un bruit mâle, guerrier, percussif. Mais sitôt oublié, comme on aurait ouvert, puis refermé une fenêtre. Il n’a jamais existé. Elle poursuit en dedans, semble danser dans l’ivresse. Titube et apprend à naitre, retourne au silence, regarde l’invisible, s’échappe et bondit à faire bouger le ciel. L’ange blond, bras tendus, dort, nue, sans sens ni morale, se passe d’âme.

    c'était Blondes have no soul de Pé Vermeersch, vu à l'Avant Scène, théatre de Colombes

    Guy

    photo avec l'aimable autorisation du théatre de Colombes.

    lire aussi: Making the skies moves