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Rechercher : faits d'hivers

  • Le temps retrouvé

    Qui émerge dans le paysage lunaire? Avec des habits de toréador ou de cérémonie. Au milieu des rochers blancs qui effleurent, des ruines. Ils dessinent une carte étrange. Le temps se dilue, et la musique va en cercles. Le corps peut-il y échapper? Par gestes tantôt géométriques et affectés, tantôt primaires et viscéraux, qui ramènent aux ballets russes qui ramènent à l’animalité, qui ramène à avant.

     

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    Elle fait l’amour aux rochers, à l’univers entier. Un rituel se répète, comme la mémoire inintelligible, mais incarnée, d'évenements ancestraux, oubliés. Reste ces traces. Elle songe, adossée, à… ? Remplit les intervalles, ceux du temps, entre les rochers blancs, lentement, rapidement, à l’intérieur, toujours prisonnière. L’Ennui plane. J’apprends la patience, voit le temps se perdre en courses accélérée dans l’espace clos. Pourtant le rythme de la musique n’a lui pas varié d’un iota. Les lumières m’engourdissent. J’accepte la fatalité, j’ai perdu le temps et elle évoque Proust. Pas une note de piano plus appuyée que la précédente, il faut imaginer les pulsations entre, et voir monotones les répétitions, déclinaisons, recompositions d’une danse à maturité, le glissement du civilisé à l’animalité.

     

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    Le corps fait son superbe avant de s’avachir, le visage grimace et s’enlaidit au ralenti. Il faut croire alors en la magie. Comme cela devrait durer jusqu’au vertige et l'abandon complet, la fin me prend par surprise, c’est une interruption.

    C’était Androcéphale de Jesus Sevari, dansé sur Vexations d’Erik Satie et sur des sculptures et lumières de Yann Le Bras. Vu à Micadanses, dans le cadre du festival faits d’hiver.

    Guy

    photos par Laurent Paillier /photosdedanse.com avec l'aimable autorisation de Jesus Sevari.

     En photos, par Laurent Paillier

    en radio, avec pièces détachées

    lire aussi: paris-art

  • Des regrets: un réseau translucide

    L'effet d'annonce rivalise ce soir avec celui atteint par l'image des musiciens en armes de "Ne pas toucher aux oeuvres". Il s'agit pour le coup de la première performance chorégraphique qui soit énergiquement auto-suffisante: "le corps et le mouvement sont des producteurs d’énergie qui agissent dans la faisabilité du spectacle : ainsi, lumière et son sont produits par l’énergie des danseurs, qui n’est plus une dépense mais une production concrète". C'est à peu près tout ce qui est dit du projet, assez pour beaucoup promettre autour d'un vrai thême. Je me souviens sans en atendre l'équivalent, dans un autre genre, de l'intègre performance des décroissants australiens d'Acrobat. J'attends tout logiquement que la forme ce soir rejoigne le fond, non pas par un discours ou une démonstration, mais avec des correspondances, des évocations. J'ai soif comme d'une circularité. Je me place donc à l'affût du sens, en cohérence. Las, il y a bien, fonctionnellement, un velo actionné à tour de rôle pour alimenter le réseau, mais le reste s'aventure ailleurs. Je ne sais où. Suivre les mouvements pour y retrouver le sujet annoncé me masque la danse. Mal engagé, je manque l'occasion de m'y intéresser juste pour ce qu'elle est. Je dépense en vain mon attention, egaré par les déambulations des interprêtes à travers un labyrinthe de macarons, il me semble que l'energie s'y disperse, irrémédiablement...Je ne lirai plus les programmes!

    C'était un réseau translucide de Prue Lang, présenté à Micadanses, dans le cadre du festival Faits d'Hiver.

    Guy

  • Chaud!

    On pourrait se croire dans une salle de danse: au centre deux blues brothers, le blanc et le noir, qui assurent en costard et lunettes, noeux pap', impec'. Ils bougent à l'économie, multiplient les fausses entrées et vraies sorties. Plus qu'un message ou un état ou un récit, c'est l'apparence érigée en art. Ne pas trop en faire, et l'air de ne pas se fatiguer, cool avant tout cool, tout dans la sape et la classe.

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    Ils s'approuvent et se renforcent du regard. Et font le show, efficaces et performants, se dépensent en danses afro, « coupé-décalé » et « warba » en lent, vitesse normale, accélérée. On est content et eux très contents d'eux? Ostensiblement, trop, mais la bonne humeur déborde et se communique à nous, mécanique. Jusqu à un certain point seulement. C'est-à-dire jusqu'à l'épuisement, thématique et physique, lorsque que cela se détraque, lasse, fatigue. Ils font le show, frénétiques, et on est emballé jusqu'à ce que cela s'emballe de trop, vers nous les projecteurs retournés. Pourquoi à un certain point, la magie spectaculaire doit elle s'évaporer. La question est habillement posée, drôlement, avec d'intéressantes correspondances avec « Paul est mort ? » vu dans le festival deux jours plus tard.

    Ce soir, le show est cassé. La rivalité, la jalousie s'insinue, entre les deux danseurs, sourires forcés et couteaux tirés, regards en coin, crocs en jambes et coups fourrés. Les gnons volent bas. Ca rigole plus entre les frères ennemis, on pourrait croire pour de vrai. Mais on a jamais rejoint la réalité. Artifice de théâtre, le sang n'a pas vraiment coulé. De là le show reprend ses droits. Poussé dans ses limites le noir danse magique et épate le blanc, qui se nourrit de ses mouvements. Enfin c'est champagne et musiques douces, derrière une facade bling-bling, un monde s'écroule.

     C'était ShowTime, de Philippe Ménard, avec Philippe Ménard et Boukary Sere, au théâtre de l'étoile du nord dans le cadre de faits d'hiver.

     Guy

     Photo par Christian Rausch

     

  • UBL: sous vos applaudissements!

    Ubl ose. Et pose des questions, qui ouvrent, béantes, troublent. En sautant sans précautions aux conclusions: saluts, applaudissements. Le grand moment de rencontre, l'offrande obligée, le pic d'émotion. Sauf qu'ici hors contexte. Evidé du contenu: sans rien avant.

    © Matthieu Barret-_DSC0125.jpg

     

    Alors, que valent ces gestes encore? Les causes de la relation perdues, le phénomène nu, que voit-on ? Il y a t il encore une rencontre? Est ce nous- les spectateurs- projetés en image de synthèse, reduits aux postures, aux gestes mécaniques des applaudissements. Est-ce eux les artistes, qui n'offrent plus qu'eux-même? Reduits aux seuls saluts, à leur soif de reconnaissance, éperdue. Ivres de cette émotion et fragiles à se briser. La situation se décline, jouée, dansée, en nuances, du factice au paroxysme. Compris les efforts attendus du chauffeur du salle aux accroches éculées, là une demonstration d'une triste normalité. Tout s'emballe sans complaisances jusqu'au vacarme qui assourdit le sens. La répétition accélérée jusqu'à l'épuisement, l'artiste s'affaisse. Que reste-t-il, de ce qui se passe entre nous et eux ? Nous sommes déchargés de la mission d'applaudir nous mêmes les artistes tournés vers d'autres publics aux quatre coins de la scène. Nous considérons ces publics virtuels, renvoyés à une reflexion sur notre propre fonction de spectateurs. Sans réponses proposées: il n'y a d'autres commentaires que ceux dans les gestes et les mots de circonstances. Avec ironie et connivence. La performance est réduite jusqu'à l'os. Décapée, le resultat est décapant. Avec un goût amer, provoquant. Salutaire?

    © Matthieu Barret-_DSC0185.jpg

     

    C'était Klap ! Klap ! de Christian Ubl, avec Fabrice Cattalono, Marion Mangin, Christian Ubl. Texte, scénario, et film de François Tessier, musique de Fabrice Cattalano. A Micadances, avec Faits d'hivers.

    Guy 

    Photos par Matthieu Barret avec l'aimable autorisation de la compagnie Cube.

    A lire: le tardorne, avec lequel cette piece entretient une relation particulière...

  • Spectacle vivant

    Le spectacle vivant se voit, vit et se meurt à chaque instant. (A son sujet écrire ne sert à rien, ni tenter de retenir, mais pourtant encore ici j'écris, avant d'oublier....) 
    Donc maintenant sur scène Christine Armanger, en douceur, vit, égrène les instants - ce soir nous en partageons ensemble 2900 -pour les laisser s'enfuir, elle mesure ceux écoulés depuis sa naissance. Considère les états de soi depuis alors: enfant, fille, jeune femme... et  tous ceux à venir jusqu'à la mort. La mort. Le mot est lâché. En toute lucidité.
     
    Il y a d'abord une incroyable audace, regarder la mort en face, au mépris de toute considération commerciale en faire d'emblée le sujet de cette proposition, ni juste un ressort dramatique, ni l'angle mort du récit.
     
    Il y a le regard, calme et résolu, cette lucidité. Ni pathos ni détachement. L'ironie œuvre en toute intelligence, à l'inverse d'une dérision qui viendrait miner le propos. A vue méditent les vanités: le crâne, ce train électrique qui roule inlassablement...  La voix raconte et renverse les points de vue, le corps s'engage en nudité dans des tableaux saisissants pour échapper à l'étroitesse du présent. Sont évoquées sur ce thème les sensibilités des siècles passés, de l'effroi à la truculence, dans une indispensable relativité. Jusqu'à l'ultime rendez-vous, quand entre le personnage tant attendu: M le maudit.
     
    Il y a enfin la vie, et toutes les surprises que celle-ci peut réserver. Ce soir très particulier, le corps de la performeuse est fort d'un enfant, à quelques jours de la délivrance. Extraordinaire circonstance pour la création de la pièce, celle-ci ayant été conçue antérieurement. Les formes puissantes du ventre, des seins, disent, encore plus que les mots, des millénaires de filiations, remettent le sujet en perspective. C'est plus de la vie que de la mort dont elle parle ici.
     
     
    Guy
     

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    Photo GD

  • Lilith enchainée

    Nue et fardée, attachée en cordes shibari, Lilith se balance d'une nonchalance d'esclave impudique. Ressent-elle peine, ou plaisir? Passée une première latence en clair- obscur, la femme se pose et plonge dans un songe lent. Elle se délasse, peu à peu se délie aussi. S'étire, s'ouvre et s’étend. La nudité qui s'offre à voir, mais sans consentir à un début de connivence, suggère le contrôle et l’autorité. Des poses pour soi, être vue juste pour s'affirmer. Plane une riche ambiguïté: les liens étaient-ils dés le départ un leurre? Et la soumission: une illusion, juste un jeu consenti ? Était-elle attachée mais déjà libre, totalement? Seul notre regard captivé ... sans être tout à fait dupe pourtant. Se manifestent de l’intérieur des pulsions irrépressibles, doublées par les percussions, une effusion de gestes et de sons. Dans un crescendo d'une juste construction dialoguent l'animalité et l'élaboration d'une sensualité plus sophistiquée, c'est un rite joyeux et hédoniste. Il y a un contraste entre les rondeurs lentes et la frénésie rythmique, détente et tension. Les gestes lascifs s'émancipent du sol en sauts espiègles. Lilith en tenue d'Eve conquiert l'espace scénique entier et abolit les frontières, trouble au sol la noire ligne de poussière en un beau chaos. Elle s'expose sexuelle, franche et souveraine. Sa vulve à vue telle celle de Baudo, emporte tout. Tout au long de cette parade gaie, le corps est érotique bien sur, avec autant d'évidence politique, manifeste d'un féministe qui se libère de tout puritanisme et de toute morale utilisée comme instrument de domination. 

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    Là, se délasse Lilith... de Mariette Dozeville , avec Uriel Barthélémi (musique), vu le 18 février 2019 au Générateur avec le festival Faits d'Hivers
     
    Guy
    photo d'Alain Julien avec l'aimable autorisation de la compagnie
     
  • L'Eden d'avant Adam

    S'imposer sur scène dés avant l'arrivée des spectateurs, avec tant de force et sérénité, c'est d'abord affirmer une sensation de réel, une continuité d'avant la représentation. Un état stationnaire. Aussi déjouer d'emblée par la nudité en pleine lumière, toute interprétation érotique pour s'affirmer ailleurs. D'évidence dans le domaine du féminin, de la communauté, en toute égalité. It's a woman's world.
     

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    Tranquilles, elles mangent: pommes, raisins, fruits du jardins... Est-ce ici une utopie? Dans cet Eden: ni homme, ni péché, ni serpent et c'est bien ainsi, pour laisser place nette à d'autres enjeux. Le texte de Monique Wittig me traverse sans vraiment m'éclairer, comme musical il me laisse des repères évocateurs. Ces mots me renvoient à la sororité: diversité des corps de tous âges et tempérament, des peaux claires ou mates, mais que les gestes unissent. Ce soir les regards, mouvements et énergies de chacune semblent s'offrir avant tout au groupe. Nous en sommes les heureux témoins, à l'orée de la clairière. La communauté se constitue en cercle, se divise, apprend des contributions de chacune, s'étire et revient. Ces modulations s'épanouissent avec une grande richesse. Les bassins ondulent lents, les protocoles se transmettent en duo-miroir, figurent des échanges d'où rapports de force sont absents. Il y a de la vigueur pourtant, quand les amazones s’entraînent pour un combat qui ici n'aurait pas à être livré, courses, rougeurs, sueurs et claquements. Mais une vigueur joyeuse, sans violence. Avec amour.
    Sans doute qu'on ne nait pas sœurs, qu'on le devient.
     
     
    Amazones: conception et chorégraphie Marinette Dozeville. Interprétation Léa Lourmière, Elise Ludinard, Florence Gengoul, Frida Ocampo, Delphine Mothes, Lucille Mansas, Dominique Le Marrec. Musique Dope St Jude. Voix Lucie Boscher, Dope St Jude. Conseillère artistique Julie Nioche. Dramaturge Rachele Borghi.
     
    Vu le 2 février au Carreau du temple avec le festival Faits d'hiver
     
    Guy
     
     
    Photo de Marie Maquaire avec l'aimable autorisation de la compagnie
  • Ali Fekih ouvre les portes

    Ce vendredi soir, Faits d'hivers est à quelques heures de retourner hiberner. A 19H c'est le dernier moment des découvertes. Commençant par l'exploration d'une salle obscure avec Jean-Pierre Bonomo. Juste à peine éclairée par quelques lampes de poche, et encore, placées face aux murs. Quelque part dans cette pièce il y a une danseuse, que l'on voit peu, par éclipses de lumière dévoilant des tableaux figés. C'est sûrement dans cette frustration, dans l'attente et la parcimonie, en déplacements furtifs, que se joue le concept, chic et plastique. Soit. C'est vrai qu'on est toujours chaque fois curieux de la nouvelle position que l'on découvre, en suivant pas à pas l'inconnue jusqu'à ce qu'elle  émerge entre deux obscurcissements. A terre. Contre le mur. Debout. Inerte. Vivante. Au milieu de la pièce. Les membres étayés de planches. Habillée. Torse nu. Le dos envahi de plastique. Affublée d'un nez rouge démesuré, qui mute en béquille. Équipée d'ampoules. La belle bleue, la belle rouge! Joli. Interpellant. Mais à chaque extinction des feux, on revient au tout début. Pour une nouvelle, toute belle, image fixe... sans scénario? On cherche sa place. On finit par s'asseoir, prés de là où la danseuse finira bien par venir poser. Et cela continue, chic et relaxant, où sont les petits fours?

    Après cette performance en pointillés et clair-obscur, détonne la présence frontale, évidente, atypique et assumée d'Ali Fekih. Qui se paye le 975308699.jpgluxe d'attaquer son solo par un face à face silencieux avec le public. Est ce pour affirmer une fois pour toutes: "Je suis bien là"? C'est vrai qu'il est très improbable que le personnage ait pu arriver jusque sur une scène de danse contemporaine, avec sa dégaine à lui demander ses papiers, avec sa polio et sa patte folle, avec sa taille en dessous des normes. Mais Ali est bien là, avec ses béquilles, ses expériences tous-terrains, et pas mal de crânerie. Sans ses masques ce soir. Il est là, et tant mieux. Dés cette entrée la partie est en passe d'être gagnée. Aucune baisse de tension ne déçoit ensuite, le danseur se joue des styles pour devenir marionnettiste, animant par moulinets de béquilles des personnages de papier de journal. La même élégance est mise en oeuvre quand le solo en revient à la danse. A un corps inhabituel, un nouveau vocabulaire chorégraphique à inventer, qui exploite ses particularités physiques, un style marqué par une énergie bien mise en évidence. Puissance du torse, lutte de la force et de la souplesse contre les contraintes physiques. Contre la vulnérabilité. Ce combat-vérité est organisé avec le souci du spectaculaire, et un sens infaillible du tempo. "Il est fou Ali!" répète un enfant au premier rang. On a notre hypothèse pour expliquer cette efficacité. L'artiste vient de l'école du spectacle de rue et cumule sûrement bien plus d'heures de travail-sans filet et face au public- que beaucoup de ses camarades confinés aux seuls studios. On se lamentait en choeur, il y a quelques temps, à l'initiative de Faits d'Hiver et en présence de Nicolas Maloufi et d'Ali Fekih justement, sur la grande misère de la danse contemporaine, et toutes les difficultés à faire connaître la discipline au delà d'un milieu d'initiés. Que les gens d'Uterpan  poussent la logique jusqu'au point 0, l'hara-kiri artistique, est symptomatique. Mais qu'Ali Fekih, ovni dans ce milieu, soit accueilli ici, qu'il puisse ouvrir les portes, pour aérer le genre, est un signe beaucoup plus encourageant. Et il reste un malentendu à éviter: Ali Fekih n'a pas besoin de son handicap pour être un danseur remarquable. C'est plutôt sa danse qui nous fait voir le handicap autrement.

    C'était Ceci est mon corps ♥♥, de Jean-Pierre Bonomo, avec Vanessa Tadjine  (ou Tiana Delome?), et Des équilibres... à quoi ça tient ♥♥♥♥♥, de et avec Ali Fekih,co-mis en scéne par Anne-Catherine Nicoladzé, à 650845841.jpgMicadanses dans le cadre du festival Faits d'hiver, clos ce vendredi 1er fevrier.

    Guy

    Post scriptum le lendemain, samedi, quelque part dans Paris. Une fête d'école, mais d'une école pas tout à fait comme les autres. Réunissant des enfants scolarisés à la maison grâce au dévouement de leurs enseignants et de bénévoles. D'autres béquilles, des chaises roulantes, ou dans beaucoup de petites têtes de grosses difficultés à trouver les moyens d'affronter le monde. Certains ne peuvent venir, on pense à eux. Suivent des spectacles, préparés avec coeur et sérieux: certains enfants montent sur scène, pour se montrer à tous autrement, pour quelques instants. Souvenirs de la veille. La danse aide a comprendre la vie.

    photo d'Ali Fekih avec l'aimable autorisation de Jerome Delatour-Images de Danse

  • HS (Épilogue aux entretiens avec Katalin Patkaï)

    Quand Katalin Patkaï crée HS en février dernier au Générateur, il me faut un peu de temps pour prendre conscience qu'il s'agit en un sens de la conclusion de nos entretiens initiés pas loin de deux ans auparavant. Je me demandais pourquoi cela avait pris tant de temps, même après sur des heures d'enregistrements plus d'heures encore de transcription, de collage et de rédaction pour tenter d'être plus fidèle que le texte. Puis le projet qui reste en pause, passé en arrière-plan des vies et envies de l'une et de l'autre. Enfin à l'approche de la création d'HS, K. qui revient, relit et corrige sans rien censurer, juste les formes et rien du fond. Car il y avait là pour elle bien plus qu'un moyen de promotion: une nécessité de sincérité qui tenait à la pièce ... Plutôt j'ai pris conscience que les entretiens en constituaient la préparation. Non seulement parce que cette pièce en gestation, K. m'en parlait tout au long des entretiens, même quand nous n'avons pas Ernesto dans les pattes. Non seulement en raison de la logique qui venait peu à peu au jour dans ce cheminement artistique, partant des pièces au sujet du genre, des femmes, des mères (M.I.L.F.), de l'innocence (Jeudi), jusqu'à l'aboutissement d'aujourd'hui. Je comprends maintenant que parler sans retenir faisait partie du travail de création d' HS. Il fallait ce temps là. Ce que K. livre sur scène avec cette pièce est la chose la plus intime qui soit: le fruit de sa chair, et l'amour le plus absolu qui puisse exister. L'enfant. La mise en scène, les textes, la drôlerie, ne peuvent faire diversion, masquer ce fait. Le travail de mise en scène est ici nécessaire, il n'est pas essentiel. Ce travail dessine juste un cadre autour de ce qui est important, au vrai travail, celui de l'accouchement. L'enfant chahute, s'échappe des jupes de sa mère, prend son vélo, roule son chemin autour de nous et fait exploser le cadre de la scène. Il grandit déjà et bientôt cet instant ne sera plus. Ni la pièce. Tout fuit, incertain. C'est cela le plus important et après cela il n'y a plus de secret qui tienne en paroles, ou sur scène K. où ose, dit son age- plus fort que de se mettre à poil- parle de son père. Des proches la lisent et la comprennent mieux. De mon coté, il me faut un peu de temps. Attendre quelques semaines plus tard, de revoir K., et comprendre. Sans doute comprend-elle de son coté qu' HS, dans sa radicalité, comme un don impudique qui porte en lui sa fin, sera peu compris. Mais il suffira qu'il soit assez aimé.

    HS créé par Katalin Patkaï le au Générateur de Gentilly dans le cadre de Faits d'hiver, sera joué à nouveau au Regard du Cygne le mardi 22 mars à 14h30 dans le cadre du festival Signes de Printemps

    Guy

  • Le principe de solitude: 5 fois Heddy Maalem

    On a retrouvé ce soir 5 raisons de ne pas désespérer de la danse (La pure, la vraie danse, celle qui se tient à l'écart de medium_solitude_5.jpgtoute pluridisciplinarité, à la différence par exemple des performances de Roser Montllo Guberna et Brigitte Seth, remarquables mais dans un autre genre). 

    5 expériences passionnées qui nous guident loin des écueils sur lesquels nous nous étions naufragés lors de nos dernières errances: le néant conceptuel d'un coté (Vera Mantero), la démonstration virtuose de l'autre (Emio Greco). 5 solos et pour une seule soirée c'est presque trop, tant à chaque fois tout semble neuf et réinventé.

    5 solos dirigés par Heddy Maalem. Dont deux au moins- "Un petit moment de faiblesse" medium_solitude_3.jpgpar Aline Azcoaga et "Reconstruction de Vénus" par Laia Llorca Lezcano"-seraient sans doute de nature à ravir même les inconditionnels de la danse classique. Pour peu que ceux ci ne soient pas rebutés par les tenues: slip et bonnet de bain excentrique pour la première danseuse, simple nudité par la seconde- on va céder à la facilité et qualifier cette nudité de boticellienne.

    Des styles contrastés pourtant: quand Laia Llorca Lezcanolà virevolte en pas enchaînés sur fond de Vivaldi, puis s'introverti délicatement, Aline Azcoaga joue plutôt en continu sur la décontraction et le rebondissement, évolue en balancements. Pour surprendre d'autant plus lorsqu'elle revient plus tard medium_solitude_1.jpgnous exposer "La formule des hanches": c'est une toute autre atmosphère qu'elle installe, plus abstraite et géométrique- la musique de Stockhausen n'est sans doute pas pour rien dans cette impression-et- même plus surprenant encore- sans alors ennuyer.

    Les garçons- Serge Anagonou et Shush Tenin, trichent et nous font le solo de "La pratique de l'ombre"à deux. A moins qu'il y ait là une énigme à résoudre: on choisira de croire qu'il n'y a qu'un seul personnage qui à force de heurts et de sensualité se découvre en miroir, qu'il est peut être question de gemmeléité.

    Pas moins fascinante et pas seulement pour son physique, Simone Gomis, dans un crescendo athlétique et quasi- medium_solitude_4.jpgterrifiant, qui se résout en un alanguissement final, d'une exceptionnelle charge érotique.

    C'était Le Principe de Solitude d'Heddy Maalem, ce soir au théatre Artistic Athévains, et surtout c'est demain encore.

    Dans le cadre du festival Faits D'hiver dont on saura tout bientôt avec le Tadorne, en blog et en live à la fois.

    Guy

    P.S. : On a rajouté plus haut 4 émouvantes photos (mais comment choisir!), avec l'aimable autorisation de Vincent Jeannot (Photodanse) 

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