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Livre

  • Tous nos Moebius

    Chacun a son Gir, ou son Moebius, bien à lui. Si tout le monde est censé avoir lu au moins un Blueberry dans sa vie, d’autres ont d’abord exploré les Jardins d’Edena ou le Garage Hermétique. Chacun d’entre nous se souvient de sa propre porte d’entrée parmi des centaines possibles dans cette œuvre multiforme: le Spectre aux balles d’or dévoré durant l’enfance, ou une image particulièrement belle de L’Incal, ou encore, s’agissant des admirateurs les plus tardifs, des grands formats vus à l’exposition de la Fondation Cartier. Autant de relations fortes et particulières du lecteur avec le créateur de BD.

    Tous ces Gir, Giraud, Moeb’ ou Moebius, Numa Sadoul nous permet de les rencontrer grâce à ces libres conversations menées à des décennies d’intervalle tout au long de 40 ans d’amitié, jusqu’aux derniers mois de la vie de Jean Henri Gaston Giraud (1938-2012). Je ne connais pas d'équivalent dans le domaine biographique à cette entreprise de longue haleine, le résultat est évidement riche d'informations, et d'émotions. On parle bien sur beaucoup dans ce livre des œuvres, depuis l'apprentissage jusqu’aux ultimes parutions dont les Inside Moebius sardoniques et introspectifs qui ne cèdent en rien en modernité aux graphic novels de ses cadets. Il y est question des processus de création, mais tout autant, indissociablement, de l’homme. De ses évolutions, de ses contradictions qui inévitablement s’accusent lorsque l’interviewer revient sur un sujet abordé 20 ans avant, avec bienveillance… mais sans complaisance. Le livre est donc heureusement complexe et désordonné, sans tentative artificielle de simplification. Dans la tension complice de ces échanges nous est montré un Giraud qui crée, doute, cherche, dont la quête de sens, de discipline et d’utopies peut le jeter dans les bras du premier gourou venu, ou sous les influences plus heureuses de maitres comme Jijé ou Jodorowsky. Sa trajectoire l’amène de Fontenay à Montrouge… en passant par le Mexique, Tahiti et L.A.. L’artiste mute de même, toujours surprenant, brouille les genres et oscille entre les styles. Il multiplie les collaborations comme autant d’expériences de Charlier jusqu’à Van Hamme ou Stan Lee en passant par Ridley Scott et Luc Besson. Et va et vient entre ligne claire et réalisme pointilleux, technique rigoureuse et création instinctive, il combine, mélange. Mais le trait de tous ces Gir et Moebius, miraculeusement, reste toujours reconnaissable…

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    J’ai deux petits dessins originaux, l’un signé Gir et l’autre Moebius, dont je n’ai vu l’équivalent dans aucun album, et je veux fermement croire qu’il n’en existe aucun au monde qui leur soit identique. Le bouquin de Numa Sadoul prouve aujourd’hui comment un artiste-tout simplement un homme- peut s’autoriser à sans cesse changer, tout en restant lui-même, original et vrai.

    Docteur Moebius et Mister Gir- Entretiens avec Jean Giraud, un livre illustré de Numa Sadoul chez Casterman. En librairie le 14 octobre.