Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

performance

  • Good Vibrations

    Des mois de grisaille, enfermé, le printemps confiné. Puis le temps de la lourde lumière de l'été, la canicule qui nous fige dans l'oubli.

    Ce soir enfin reviennent les mouvements, les rythmes, les couleurs. A recevoir en plan d'ensemble, à explorer, de loin, de près, en s'égarant dans le mystère des textures, des autres réalités. Ces couleurs, les danseuses s'en saisissent à bras le corps, s'y glissent, les éprouvent, s'y faufilent. Elles renvoient les vibrations qui irradient des œuvres partout aux murs, ou offertes au sol, elles jouent avec le vif des tissus. Qui s'envolent et nous éclaboussent de vitalité. Ça a commencé- on ne saurait dire vraiment quand- sans frontières, aux hasards de la musique, de même que cet espace ouvre assez de génerosité pour nous faire oublier le dehors du dedans. Ça restera beau, toujours inachevé, sans cesse à recommencer. Une minute de danse trouve sa place dans l’œil d'une camera, mais autour le mouvement s'étend, renvoyé d'un corps à l'autre sans plan ni contrôle. On ne demande rien, prêt à accepter, on se laisse porter, bien.

     

    2020-09-12 21.36.23-2.jpg

    Reciprocal de Bernard Bousquet, installation et performance avec:  Musicien.ne.s : HBT, Laurent Melon, Reïne
    Danseur.se.s : Maita Aubel, Link Berthomieux, Léa Bridarolli, Sijia Chen, Isabelle Clarençon, Lea Dasenka, Éléonore Dugué, Frida Enciso, Lucile Grémion, Lucas Hérault, Delphine Jungman, Malou Linocier, Federica Miani, Biño Sauitzvy, Yvonne Smink, Eneas Vaca Bualo, Nadia Vadori-Gauthier
    Stylisme : Token Monde

    Vu le 12 septembre 2020 au Générateur

    Guy

  • L'histoire de Lucia J.

    Elle est dés le début perchée, sur un échafaudage, Lucia in the sky, seule en scène et dans le flux de son monologue sans issue. Elle cherche les mots à l'horizon. Ils fusent et elle bondit. A notre rencontre. Spectateur, connait-on, ou non, le destin de la fille de James Joyce? Selon, on goûte la connivence, ou alors le plaisir curieux de la découverte, au fil du texte en détours d’Eugène Durif. Dans les deux cas on sait qu'un soir on reviendra voir la pièce, pour se placer dans de nouvelles perspectives. Pour revoir Lucia folle malgré son père illustre, folle à cause de lui ? Là est l'un des enjeux, sans doute destiné à rester irrésolu. Ses mots meurtris, ses gestes vifs, s'adressent à nous, au cœur, s'adressent à la mère, au géniteur. 
    L'histoire de Lucia J., c'est ce voyage au bout de la folie, où nous entraîne l'actrice Karelle Prugnaud, en générosité absolue, qui court, pleure, danse, lutte, séduit, crie, chute, s'enlaidit. C'est peut-être, ou ce n'est pas, l'histoire de l’héroïne de papier de Finnegans Wake: Anna Livia Plurabella. Lucia se révolte, veut être, si fort, mais le docteur Carl Jung ne veut ou ne peut rien pour elle, le jeune Samuel Beckett non plus, encore moins les électrochocs et les internements psychiatriques. 
    Après des mois de sevrage, d'isolement et d'anesthésie sociale, il est beau de revivre le théâtre ainsi, si intense, le lieu de la rencontre et du dérangement, sur la ligne de crête entre l'intelligence et la physicalité. 

    théatre,performance,théatre 14,karelle prugnaud,eugène durif

    Guy

    Le cas Lucia J.(un feu dans dans sa tête) d'Eugène Durif, mise en scène d'Eric Lacascade, vu le 14 juillet 2020 au gymnase Auguste Renoir avec le Paris Off Festival du théatre 14.

    photo de Jean Michel Coubart (avec l'aimable autorisation de la compagnie)

  • Fenêtres sur cour

    Depuis 10 jours on se parle tous par écrans- familles, amis, professionnels, étudiants- ce soir la performance se trouve un chemin là dedans, et fait la nique au confinement. Ose. Rendez-vous sur ZOOM dans un Générateur virtuel, qui agrège en mosaïque les espaces personnels des performeurs chez eux. 
     

    le générateur,performance,confinement

     
    Évidemment au début ça balbutie -et tant pis- ça cafouille, chacun dans son coin, distancié. Les règles sont à réinventer avant de les enfreindre: belle confusion, avec la voix des spectateurs qui ont oublié de couper le micro. Tous réduits en cadre fixe et en deux dimensions, comme au début du cinéma, comme nos vies en ce moment. 
    L'espace virtuel s'organise, une quinzaine de petites fenêtres s'ouvrent pour qu'on s'y engouffre. On dirait la façade d'un immeubles, rideaux ouverts sur autant de scènes vivantes. On réagit à ces invitations , et l'on zoome d'écran en écran comme on arpenterait la salle du Générateur pour s'approcher d'une performance ou d'une autre. Propositions bavardes ou laconiques, visions inexpliquées, belles, loufoques, dans les salons, chambres, couloirs, escaliers ou salles de bain, sans dessus-dessous. Chants, dessins, corps immobiles ou en mouvement. Ou juste le regard attentif de spectateurs dont la camera est allumée. Tous unis par la volonté de ne pas renoncer.
    On sourit. Et le moment est aussi émouvant à la mesure de ce qui manque, à la mesure de la frustration de ne pas pouvoir plus s'approcher, une promesse d’après.
     

    le générateur,performance,confinement

     
    Zoom Your Frasq sur l'application Zoom par les artistes du Générateur, le 29 mars 2010.
  • Spectacle vivant

    Le spectacle vivant se voit, vit et se meurt à chaque instant. (A son sujet écrire ne sert à rien, ni tenter de retenir, mais pourtant encore ici j'écris, avant d'oublier....) 
    Donc maintenant sur scène Christine Armanger, en douceur, vit, égrène les instants - ce soir nous en partageons ensemble 2900 -pour les laisser s'enfuir, elle mesure ceux écoulés depuis sa naissance. Considère les états de soi depuis alors: enfant, fille, jeune femme... et  tous ceux à venir jusqu'à la mort. La mort. Le mot est lâché. En toute lucidité.
     
    Il y a d'abord une incroyable audace, regarder la mort en face, au mépris de toute considération commerciale en faire d'emblée le sujet de cette proposition, ni juste un ressort dramatique, ni l'angle mort du récit.
     
    Il y a le regard, calme et résolu, cette lucidité. Ni pathos ni détachement. L'ironie œuvre en toute intelligence, à l'inverse d'une dérision qui viendrait miner le propos. A vue méditent les vanités: le crâne, ce train électrique qui roule inlassablement...  La voix raconte et renverse les points de vue, le corps s'engage en nudité dans des tableaux saisissants pour échapper à l'étroitesse du présent. Sont évoquées sur ce thème les sensibilités des siècles passés, de l'effroi à la truculence, dans une indispensable relativité. Jusqu'à l'ultime rendez-vous, quand entre le personnage tant attendu: M le maudit.
     
    Il y a enfin la vie, et toutes les surprises que celle-ci peut réserver. Ce soir très particulier, le corps de la performeuse est fort d'un enfant, à quelques jours de la délivrance. Extraordinaire circonstance pour la création de la pièce, celle-ci ayant été conçue antérieurement. Les formes puissantes du ventre, des seins, disent, encore plus que les mots, des millénaires de filiations, remettent le sujet en perspective. C'est plus de la vie que de la mort dont elle parle ici.
     
     
    Guy
     

    83940193_10221703048949595_2737060457331294208_o.jpg

    Photo GD

  • Génération Mahaut

    Direct en connexion avec Mahaut, la belle debout à 1 mètre, et séduit aussitôt. De rires en rires, depuis 2 ans le show s'est épuré. Mis de coté les tics du stand up, 100 % authentique. Le personnage continue à se construire autour de la personne, drôle et excessive, sensuelle et féminine, tendre et caustique, superficielle et érudite, trash et raffinée, charnelle et intellectuelle, en bref Drama Queen. Piles de la génération fin XXème siècle, les anecdotes dessinent une belle mosaïque. Dans la fausse candeur de ses confidences de fêtes et d'after, on recherche les contours de la vérité. On suppose que plus c'est incroyable, plus c'est vrai. Mais de toute façon on croit ce qu'elle veut, on rit quand elle le décide, à ses prises de risques, sa présence appuyée sur l'intelligence des textes et la richesse des langages. Politique, sexe, travail, société... Tout est tourné en dérision et tout reste à vif, la génération M cherche sa place dans le labyrinthe, fébrile. Avec la joyeuse élégance de ne pas en faire un drame.
     

    69698833_2203404303116221_3171869052159131648_n.jpg

     
    Drama Queen de Mahaut , vu à la Petite Loge le 8 décembre 2019.
    Les dimanches à 19H00 jusqu'au 22 décembre.
    Guy
     
  • Seule, ensemble

    Soulèvement: le sujet serait dans le titre. Mais n'est ce pas paradoxal de danser la révolte en solitaire? Toute seule (et soulevée?), la chorégraphe et danseuse, sous les regards bi-frontaux des sages spectateurs de Chaillot. Sous des clameurs enregistrées- de meetings, de match, de concert? - le personnage de la jeune femme de tout son corps s'emporte et s'excite. Cette rave est-elle un rêve, un fantasme dansé en chambre? Une contagion paradoxale par l'ivresse collective, les écouteurs aux oreilles, regard en dedans? Chacun est star dans son miroir, ou dans son selfie: le personnage se transforme Mylène Farmer par escalade de play-back, boots, bonds et fringues argentées. C'est plus que physique, c'est jubilatoire.
    En s'appropriant une culture très populaire Tatiana Julien fait le grand écart avec les voix enregistrées de Gilles Deleuze et autres Edgar Morin, hédonisme frivole et sérieuse politique se superposent. Dans l'audience séduite mais impassible, je tape du pied et m'interroge à rassembler ces contrastes en une cohérence, tandis que la performeuse danse seule, et toujours plus fort, ce qui ailleurs remue habituellement en groupe. Cela nous suggère-t-il que, peu importe le sujet social en jeu, il ne serait que prétexte, le soulèvement serait lui la rencontre et l'exécutoire des trop pleins d’énergie? 
    Lorsque la transe l'a portée jusqu'au bout de l'épuisement, la danseuse devenue boxeuse, prend voix- et c'est un moment fort- pour porter les mots de Camus, partager la difficulté d'être au monde, seul ou ensemble. Et elle trouve peut-être la réponse en une nudité surprise et joyeuse, pour sauter, glisser et bondir dans le public souriant et complice, lui distribuer des câlins mouillés. In extremis, par cette belle rencontre et le concours bienvenu des incantations de Patti Smith, le passage au collectif est bien consommé.
     

    danse,performance,tatiana julien,théatre national de chaillot

     
     
    Guy
     
    photo d'Hervé Gozula avec l'aimable autorisation de la compagnie
  • Corps et cordes

    Depuis Man Ray, qui peut encore ignorer les correspondances entre le violoncelle et le corps féminin? 
    Ce soir la rencontre se fait à nouveau, une fusion qui s'opère en trio: deux danseuses et un instrument. Qui évoluent ensemble avec délicatesse et fragilité, entre les trois on ne pourrait glisser une feuille de papier. Le regard creuse les gestes, interroge ces interdépendances, et refuse toute impatience à voir ces lentes évolutions, prudentes. Ces mouvements se vivent sur le mode des sens sans facilités, de la profondeur, sans brusquerie comme de peur que l'instrumentent en suspend ne tombe, que le charme ne se rompe. Refus du spectaculaire, temps retardé et pesanteur abolie, mais dans l'espace concentré au milieu de l'obscurité prospèrent les détails: rondeur de la chair démentie par l'aigu de l'archet, vertèbres dorées des dos nus en harmonie avec le vernis ... Rien autour si ce n'est l'obscurité pour laisser le champ libre à l'espace musical. Cette dimension s'avère essentielle, consubstantielle. La note tient, ample, consistante. Sa vibration constante installe la permanence. Née du frottement des cordes, elle s'amplifie, se renforce d'harmoniques et entoure les corps en retour, leur rend le sens, nous aussi plongés dans ce cocon de son.

    MARSYAS_atelier du plateau.jpeg

     
    Marsyas de Flora Gaudin, vu au Point Ephémère le 25 octobre dans le cadre du festival Zoa
     
    Guy
     
    Photo de Jeff Humbert avec l'aimable autorisation de Zoa
  • L'homme est-il bon?

    Ils reviennent loin avant. Profondément. Avant la culture, avant le langage, les vêtements, avant les codes sociaux qui ordonnent les distances entre leurs corps. Les sept performeurs dansent le retour à un état premier. Impossible utopie, nus, ils la tentent.
    C'est dire qu'aucune construction d'ensemble n’apparaît, mais des évidences crues: chacun laissé libre de creuser obsessionnellement sa gestuelle, sa frénésie, son obsession. chacun explore des gammes d'émotions comme vierges: excitation, douleur, agressivité, plaisir, sexualité... Mais un trait d'union: le rythme des percussions qui fait converger les danseurs dans un même crescendo. Et la scénographie brute des tas de bois, dans l'espace  bétonné du sous sol du C.N.D.. On y voit une représentation évidente du niveau zéro de la sociabilité, celui du rassemblement primitif autour du feu. ce dispositif induit un premier embryon d'organisation, des rondes qui vont tout autour s'accélérant, et le bois devient accessoire, arme, instrument, alors que les performeurs partout se déploient.
    Se pose la question de la relation. De la relation entre eux, sans que la notion de méchanceté mentionnée dans le titre ne m'apparaisse évidente au vu des interactions que j'observe. J'y vois surtout de la rudesse, mais de l'innocence. Le groupe tend à exister, interagir, se structurer, peut-être avec des dominants/dominés, des pulsions, on ne peut le nier, mais sans intelligence. Des idiots ensembles. Surtout quelle est la relation avec nous, qui avons été invités dans le même espace réduit qu'eux, sans sièges, ni conventions ni repères. Les plus prudents collés aux les murs, les plus téméraires assis au milieu. Où se placer, se déplacer, par rapport à ces corps dénudés? Nous sommes fascinés et embarrassés, confrontés à ces démonstration de force et de puissance, bousculés sur le trajet d'une horde suante, au delà de l'épuisement. Pas le temps de spéculer sur des implications politiques. Le rythme nous gagne aussi, à leur unisson, sans repères temporels. Gardons nous cette distance, sommes nous tentés nous aussi par la sauvagerie ? 

    C'était A Invenção da Maldade de Marcelo Evelin vu au C.N.D. le 15 octobre 2019

    Guy

  • Mme Stéphanie et Docteur Aflalo

    Pour cette conférence performée, Stéphanie Aflalo s'est dédoublée: l'une sur scène , l'autre sur un écran de télé.  Est-ce le corps et l'esprit ? Un dédoublement de personnalité? Le cerveau gauche et le cerveau droit? La tête et les jambes? L'une ordonne, l'autre exécute, les deux philosophent, s'interrogent. Nous interrogent vers essentiel jusqu'à l'impossibilité, en passant chaque fois par la drôlerie. On en sortira joyeusement blindé d'incertitudes.  
    Dédoublement: l'auteure met l'actrice à l’épreuve, sans complaisance. Dans un rythme contre-intuitif. D'abord une attente qui s'étire- l'absence portée jusqu'à sa limite- puis le corps et la voix de la Stéphanie Aflalo physique sous la contrainte de rafales de consignes de son double cathodique. C'est alors que tout le talent fuse, juste, la force d'expression s'impose chaque fois instantannée.
    L'irréprochable rationalité du questionnement de l'une, suscite de l'autre de joyeuses réponses faites de créativité absurde, qui transcendent la rationalité. Et quand la philosophie a achevé son entreprise d'auto-destruction, sur un fond irréductible d'inquiétude, sortie de secours pour ne pas finir en cendres avec le chant et la musique. 
     

    zoa,théâtre,performance,stéphanie aflalo,point 2phémère

     
    Création de Jusqu’à présent, personne n’a ouvert mon crâne pour voir s’il y avait un cerveau dedans de Stéphanie Aflalo ,vu le 25 octobre 2019 au Point Ephémère dans le cadre du festival Zoa.
    Zoa continue jusqu'au 30 octobre
     
    Guy
     
    image avec l'aimable autorisation de Zoa
  • Retour dans la forêt

    Comme le montre ce soir l'interview perplexe de Viviana Moin par une journaliste nommé Héléna Villovitch (d'ailleurs interprétée par Héléna Villovitch), son art de la scène échappe toujours aux catégorisations, faisant semblant de s'excuser, éternellement en travaux, en expérimentation sans prétendre être expérimenté. Les champignons, les sujets graves et chansons gaies prospèrent dans cette indétermination, au cœur de la forêt profonde de la création. Les placards en préfabriqué y retournent à l'état sauvage, déstructurés à coup de scie mécanique, à la recherche de nouveaux agencements. Moyennement rassurante, Viviana feint avec drôlerie de ne pas être ici en représentation, avant par surprise de nous y replonger. Il s'agit avant tout de savoir retourner dans un délicieux état d'enfance, avec assez innocence pour ne comprendre dans un discours politique que des absurdités, avec assez de simplicité pour faire semblant de boire du thé dans des tasses imaginaires. Jubilation.

    danse,théatre,performance,viviana moin,carreau du temple

    Passiflore et champignons dans la forêt profonde de Viviana Moin vu au carreau du temple le 14 septembre 2019 avec le festival Jerk Off

    Guy

    Photo Nicole Miquel