Le spectacle vivant se voit, vit et se meurt à chaque instant. (A son sujet écrire ne sert à rien, ni tenter de retenir, mais pourtant encore ici j'écris, avant d'oublier....)
Donc maintenant sur scène Christine Armanger, en douceur, vit, égrène les instants - ce soir nous en partageons ensemble 2900 -pour les laisser s'enfuir, elle mesure ceux écoulés depuis sa naissance. Considère les états de soi depuis alors: enfant, fille, jeune femme... et tous ceux à venir jusqu'à la mort. La mort. Le mot est lâché. En toute lucidité.
Il y a d'abord une incroyable audace, regarder la mort en face, au mépris de toute considération commerciale en faire d'emblée le sujet de cette proposition, ni juste un ressort dramatique, ni l'angle mort du récit.
Il y a le regard, calme et résolu, cette lucidité. Ni pathos ni détachement. L'ironie œuvre en toute intelligence, à l'inverse d'une dérision qui viendrait miner le propos. A vue méditent les vanités: le crâne, ce train électrique qui roule inlassablement... La voix raconte et renverse les points de vue, le corps s'engage en nudité dans des tableaux saisissants pour échapper à l'étroitesse du présent. Sont évoquées sur ce thème les sensibilités des siècles passés, de l'effroi à la truculence, dans une indispensable relativité. Jusqu'à l'ultime rendez-vous, quand entre le personnage tant attendu: M le maudit.
Il y a enfin la vie, et toutes les surprises que celle-ci peut réserver. Ce soir très particulier, le corps de la performeuse est fort d'un enfant, à quelques jours de la délivrance. Extraordinaire circonstance pour la création de la pièce, celle-ci ayant été conçue antérieurement. Les formes puissantes du ventre, des seins, disent, encore plus que les mots, des millénaires de filiations, remettent le sujet en perspective. C'est plus de la vie que de la mort dont elle parle ici.
MMDCD de Christine Armanger, vu le 3 février 2020 au théatre de Vanves dans le cadre du festival faits d'hiver.
Guy
Photo GD