Le 5 novembre 1977, nous avons tous perdu René Goscinny, créateur de BD sans pareil et parrain- avec le journal Pilote-de la bande dessinée post-enfantine francophone.
Mais Anne Goscinny, à l'age de 9 ans, a ce jour là perdu son père.
"Le bruit des clés" dit ce deuil au théâtre, avec force et subtilité, deuil raconté par l'écrivain adulte à la recherche des émotions de l'enfant, de adolescente, de la jeune femme enfin.
Un long chemin, si difficile ,sans guide ni carte, du déni initial et de l'incompréhension, en passant par la recherche de substitut, par la colère contre les médecins, jusqu'à l'acceptation. Arrivée à ce point, la mémoire est devenue assez sereine pour faire vivre le père disparu, même à travers lui ceux de la famille du scénariste que la shoah a privé de sépulture.
Le récit est forcement intime, forcement partagé pourtant. Le personnage public nous appartient un peu: ne sommes nous pas d'abord venu ce soir car il s'agit de l'histoire de René Goscinny? Puis nous sommes gagnés par l'universalité du propos, si nous avons perdu, trop tôt ou beaucoup trop tôt, un père. Un peu plus encore si nous avons gardé dans notre cœur une photo de lui prise sur la rivière enchanté du jardin acclimatation.
Le travail de scène, à l'épreuve du monologue, est solide et sensible. Il assume les dimensions publiques et privées du récit- un album d'Asterix trône en bonne place, avec une judicieuse économie d’accessoires-il s'agit de manque et de perte ici, et évidemment pas d'image du disparu Le jeu de l'actrice suit avec justesse et sans heurts les différents âges de la narratrice, fidèle donc à elle même jusqu'à retrouver sa vérité.
Le bruit des clés , texte d'Anne Goscinny (editions NIL) , mise en scène de David Ruella avec Anne Veyry (comédienne) et Wim Hoogewerf (musique) .
Vu à la Comédie Nation le 27 novembre 2021 . les vendredis et samedis jusqu'au 11 décembre.
Guy
Photo avec l'aimable autorisation de la compagnie