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  • Aprés l'amour

    J'y repense encore.
     
    Parce que l'art que David noir est d'une absolue honnêteté. En plus d'être débordant, singulier. Rien en coulisse et maquillage à vue, tout déballé à nu. Les effets scéniques s'avouent (Par exemple pourquoi ne pas commencer par la regrettée Agnès Varda, puisque tout le monde aime les vieilles sympathiques).... Les masques restent des masques, les corps restent des corps, les sexes restent des sexes, les voix chantent en direct. Le tout imprévisible (plutôt qu'improvisé). Plus question ici de céder aux facilités de la fiction, de l'incarnation et de la continuité. Juste le poids des situations, le choc des images. Le résultat peut être vécu par certains comme provocant... Pour moi cet attitude témoigne d'une haute forme de respect pour le spectateur. Avec peu de moyens matériels une superproduction foisonne en 3D: des dizaines de personnages, plateau foutraque, vidéo, vrai gâteau, pianiste, poésie crue, et animaux.

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    Parce que pourtant c'est émouvant. D'une tristesse infinie. Ce qui n'exclue pas les fous rires. Il est ici encore question d'amour. L'amour vrai, au bout de ses pulsions, jusqu'à l'obscène et la pornographie, jusqu'au delà du mauvais gout, une fois toute l'eau de rose décapée. La pièce est jouée en variations déchirantes sur la chanson "Un accident" de Michel Sardou. Souvent la nudité y dit ce que seule la nudité est capable de dire, et les costumes prennent la parole aussi.

     
    Parce que "Mobil'Homme" dit chaque instant, et en toute intensité, se passer "après". Après l'accident, après la séparation, après le divorce, après la fin des illusions, après la post modernité, après la fin de l'histoire, après la réduction des subventions et la mort de la culture, après la chute du mur, après le réchauffement climatique. Après la présentation de la veille, qui, parait-il, était plus forte encore. Une post-proposition. En ce moment, que reste-t-il à dire quand tout a déjà été dit ? Sinon le redire plus fort encore, et oser en tous sens. Extraire et remuer les souvenirs d'un passé qui s"éloigne hors de vue comme le rivage. Surgissent dans le désordre nombre de monstres sacrés, sublimes et surannés, qui ne font plus peur, encore rêver: Mister Hyde et Nosferatu, Marilyn et Dracula, Kirk Douglas et le monstre de Frankenstein, le tueur à la tronçonneuse et le requin des dents de la mer, d'autres encore... Peut être sans le savoir sommes-nous déjà tous morts, mais à regarder en arrière nous nous souvenons avoir été vivants.

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    Mobil'homme de David Noir vu au Générateur de Gentilly le 20 mai 2019
     
    Guy
     
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  • The Big Note

    Le gros son nous enveloppe, un extraordinaire bourdonnement: place aux saxophonistes venus d'ailleurs. Les officiants sont enveloppés dans des préservatifs géants, affublés d'étranges couvre-chefs, avec un orifice pour le bec. Les costumes irradient et nous renvoient les vibrations des couleurs avec celles des notes. Ils avancent 10 ou 20 ou 30 à l'unisson, en tenues de décontamination musicale, cosmonautes culturels, pompistes de cérémonies, extraterrestres impavides aux langages intraduisibles. Il avancent en majesté, glissent en souffle continu et nous enveloppent dans leurs boucles, c'est une impressionnante procession de derviches souffleurs.

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    L’exiguïté du lieu d'accueil, à l'abri des murs épais des frigos ne permet pas aux performeurs de nous entourer. Mais la note partagée vibre, rebondit, domine, en quatre dimensions. The big note, belle et entêtante, de tout son volume sans jamais être oppressante, portée par des courts motifs implacables. Les octaves s'entassent et résonnent, portées par la chorégraphie des saxophone, voix, guitare vibraphones. Plein les oreilles, l'ivresse me gagne. La musique n'est ni savante ni populaire: essentielle. La musique est une ascension.

    Urban Sax vu et entendu le 26 mai aux Frigos

    Guy

  • Frasq(s)

    Tant d'images, tant de sons, tant de tout, à s'abandonner en totale innocence. Dés le début, m'entoure le chaos, ou alors se contracte vers la fin sans claire conclusion. Entropie. Des indices émergent sur ce qui va venir ou planent des réminiscences de ce qui fut. Ici la féminité se caricature en prothèses de plastique, qui disloquent les stéréotypes. Des révolutions éructent et s'ignorent, ou tentent en vain de se tendre la main. D'où viennent ces voix, où se perdent-elles? De quelques prophètes qui prêchent dans le désert, des micros hors de vue. Dans des enveloppes, des mots d'amour. Je me plonge dans ce flot qui m’accueille doucement. Un corps s'offre aux pinceaux, comme absent à lui même. Regards sans explications. Je m'immobilise pour que tout bouge autour. Là sur un corps voilé de noir, le sourire d'un téton. Tourbillon, je parcours mais sans rien figer, ni parvenir à rien définir. Il y a à deviner sur l'état du monde, beaucoup, se laisser éblouir par des éclats de beauté, nombreux. Des morceaux d'émotions, feux d'artifices. Je m'avance, ose sur le blanc de la peau un trait de couleur, me recule aussitôt. Tout sera effacé, mais plus tard. Le grotesque ricane, cache-cache avec l'obscène. Sous les réalités grouillent les vérités. Trois jeunes femmes dansent comme chez Matisse. Tout se disperse à reconstruire. Une guitare jazz me fait monter en rythme. Les slogans et utopies se perdent dans les échos des chants. Encore des enfants courent et gloussent. A la sono un tube réconcilie les mémoires, transcende la trivialité. Les énergies fluent et refluent. Des nudités s'osent ou se refusent. Des révoltes fusent. Des dentelles dansent. Ni dessein intelligent, ni chefs d'orchestre, mais le chaos créateur, des frictions et des complexités qui s'entrechoquent. Rien à attendre ni regretter, tout à vivre dans l'instant, et loin des yeux les graines qui vont geler ou germer. J'y plonge.

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    Show Your Frasq au Générateur , prochaine édition le 27 juin

    mots et images: Guy

    Dans les archives :

    Show Your Frasq #4 , 

    Show Your Frasq #2

    Show Your Frasq #1

     

  • Le miracle permanent

    La scène jonchée d'objets d'abord sans sens, l'homme s'y affaire, danse. C'est à dire qu'il construit, gestes après gestes, suit une pensée, organisée vers une finalité. Ses mouvements sont poétiques, ses mouvements sont pratiques, en même temps. Ce processus est lent, tout semble si fragile. Tout oscille, branle, dans le mobile géant qu'il assemble. Tout entier le corps en grâce, s'engage dans cette construction , s'y plie, en est le centre de gravité, la variable d'ajustement. Ce corps surprend, émeut d'acrobaties limites, par l'équilibre improbable qu'il maintient. Réalise un miracle modeste et permanent, en poids et contrepoids. Il y parvient. Il y a là deux œuvres à voir. Celle performative dans la durée, soutenue par la musique, celle de l'action qui se fait, espère, entreprend. Et celle de l'instant donné, le moment de la fin, le résultat obtenu: une construction inattendue et en suspend. Cet instant là demeure encore un peu lorsqu'on se lève pour quitter les lieux, baigné d'un optimisme raisonnable. La vie est sans doute aussi fragile que cela, possible pourtant, et ce qu'on en fait.
     
    Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer.- Guillaume d'Orange

     

     

    h o m (résidence #1) from Groupe FLUO on Vimeo.

     

    H O M de Benoit Canteteau , vu au Générateur de Gentilly le 18 février , dans le cadre du festival Faits d'hivers

    Guy

  • Un soir pas comme un autre

    Clotilde Béoutis, primo-spectatrice samedi au Générateur, raconte Show Your Frasq #4:

    Tout commence par d’épais rideaux de velours rouge, et un petit soleil tamponné sur nos mains. Ce n’est pourtant ni l’entrée d’un théâtre, ni celle d’une boîte de nuit, ou peut-être un peu des deux à la fois. Au milieu des spectateurs qui entrent timidement, un verre à la main, se glisse un petit chien frétillant. Au centre, un ange passe, au sens propre seulement, et s’installe devant sa batterie. Il ne joue pas cependant, et fixe désespérément quelque chose que nous ne pouvons pas voir. A ses pieds une jeune fille dort, serrant son oreiller comme s’il s’agissait de sa dernière attache avec la réalité. La musique commence. Au fond, dans une petite tente qui rappelle celles des SDF ou des migrants, se cache l’allégorie de la république. Un sein à l’air, la Marianne des temps modernes nous raconte des histoires de la guerre, de toutes les guerres, sous les regards amusés d’enfants qui miment le bruit des fusils en sautant sur du papier à bulle.

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    Le chien, lassé des spectateurs, vient lécher la nourriture que son maître se tartine lui-même sur le corps.

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    Une danseuse nous propose de tirer des cartes sur lesquelles sont inscrites des contraintes rythmiques ou corporelles pour la faire danser.

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    Petit à petit, l’ambiance s’électrifie. Les personnages se réveillent. Le niveau sonore augmente, les danses s’emballent. Deux hommes miment un combat. Les enfants s’en mêlent, avec plus de sérieux que les adultes.

     

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    Au centre, insensible à ce qui se passe autour d’elles, deux personnes valsent, casques vissés aux oreilles pour ne pas entendre le bruit ambiant.

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    Les spectateurs sont invités à participer, à danser, à écrire des vœux sur un petit carnet, à se mettre tout nu dans un lit ou à prendre un cours express de mandarin.

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    Le quatrième mur se brise. Le combat s’intensifie, les performeurs se rassemblent peu à peu au centre de la pièce. Un homme et une femme nus et enlacés roulent à terre, puis se lèvent et marchent droit devant eux, les yeux fermés. Ils bousculent des spectateurs surpris.

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    Certains sortent reprendre un verre, d’autres attendent la suite. La nuit ne fait que commencer

    Clotilde Béoutis

    C'était Show your Frasq #4 au Générateur le 15 decembre Avec Margot Blanc • Isabelle Clarençon • Sonia Codhant • David Noir • Ismaera Takeo Ishii • Alberto Sorbelli • Elizabeth Saint-Jalmes • Adrien Solis, Deus & Jaya • Cyril Leclerc • Julien Haguenauer • Marc Planceon • Georges Lesayah, Ida Helene Heidel, Claude Barthélemy & Frédéric Bouquet • Claire Faugouin • Éléonore Didier & Lucia Soler • Olivier Chebab, Thomas Laroppe, Céline Paul, Nicole Ah-Von, Valérie et David Dreyfuss, Elena Missini, Niataé Le Fripon, Valentine Mizzi, Aitana Lou, Alexandre Morzy • Eleni Lni • Anna Ten • Anne-Sarah Faget

    Photos Guy

    lire aussi

    Show your frasq #1

    Show your frasq #2

  • Sur le terrain

    Moi, je n'aime pas le foot. Tous les rites, les vestiaires, les slogans, les chansons, le ballon, le spectacle, la pratique... Mais celles-ci ce soir-sportives et/ou performeuses- font équipe, une équipe 100 % féminine. C'est qu'elles placent là l'enjeu  (et leur jeu, sur le terrain et sur la scène): investir un territoire préempté par les hommes. Rebecca Chaillon utilise ses méthodes à vif, approches rusées et osées, transgressives et incarnées: déconstruire par l’excès. Elles mouillent le maillot. Érotisation publique du sport féminin par ici la répétition de la nudité, ambiguïté des corps, pizzas et bières des spectateurs dits sportifs, enthousiasme et l’idolâtrie des fans, esprit d'équipe et chauvinisme, violence et  fraternité/sororité, sueur et effort, terre remuée. Tout y est, en mouvements et énergie, emboîté là, d’après le pire et le meilleur, livré à notre jugement, à nos sensations. La proposition réussit à dépasser la contradiction d'attirance et répulsion, entre l'appropriation par les femmes de ce sport et de ses valeurs, et la dénonciation de ses travers. En évitant, avec audace et humour, le prêche militant. Dans la partie parlée, la colère fuse et s'explicite, guettée par l'épuisement et la confusion. Chacune des voix porte un point de vue singulier, de par chaque motivation première- sportive, amoureuse, sociale, intellectuelle... et les approches politiques. Ce discours des possibles est à la portée de vieux mâles blancs.
     

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    Où la chèvre est attachée, il faut qu'elle broute par Rebecca Chaillon vu à la ferme du buisson le 17 novembre 2018.
    Au carreau du temple les 29 et 30 novembre.
     
    Guy
     
    Photo de Sophie Madigand avec l'aimable autorisation du carreau du temple
  • Les joies de l'automne

    Trois mois après le solstice d'été, s'incarne avec le corps collectif la nouvelle étape du cycle naturel: le moment de l'équinoxe d'automne. Débordent toujours la générosité et la gourmandise, les courses et bonds, les gestes emportés, le vin qui coule sur les chairs cuivrées. Mais la saison change vers moins de lumières, plus de réserve. Dans la musique la mélancolie des violons domine les emportements d'Elvis, et les feuilles mortes jonchent le plateau. La danse se fait plus mure, dans l'équilibre du jour et de la nuit. Mais toujours les performances de chacun ne prennent de sens que dans l'ensemble, en relations sensibles, dans l'unité d'un rite. Pour nous aider à survivre à ce qui vient: un plein d'énergie. Je reçois, tardive sensibilisation pour un parisien hermétique. Synchronicité: ce samedi je déguste "Les grands espaces" les mémoires d'enfance à la campagne en BD de la toujours drôle et intelligente Catherine Meurisse. Plus tard, peut-être, à nouveau marcher dans une forêt, pour de vrai?
     

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    That's all right mama 2/4:  l'équinoxe d'automne, par le corps collectif vu le 22 septembre 2018 au Générateur de Gentilly
     
    Guy
     
    Photo de Tadzio photovideo avec l'aimable autorisation du Générateur
     
  • Deus ex machina

    L'objet trouble. Énorme, sans angles, mou et sans stabilité de forme. Il flotte. La lumière le fait irradier, vibre. La musique le porte, océanique.
    Il me fascine, m'en impose, voire intimide d'autres. Premier rôle, il focalise notre attention, autant que les belles femmes nues qu'ici et et là il laisse dans son sillage, mannequins figées, alors que lui poursuit sa course avant de revenir les réabsorber. Frayeur des messieurs au premier rang, quand cette masse molle viendra les recouvrir de sa surface plastique. Après au dessus de nous légèrement il s'envolera, en un bref émerveillement.
    Il y a là une idée forte, un choc visuel, une présence énigmatique, monstrueuse ou divine, parente du monolithique de 2001. Une idée d'une forte plasticité, toujours au bord d'être surexploitée... mais il se produit chaque fois à temps un glissement, un changement de perspective. Les danseuses s'animent, toujours dans un rapport d'attraction, de dépendance avec l'objet monumental qui leur donne ou reprend l'existence, vives, vestales ou victimes. Courent les âmes perdues. On se surprend à interpréter. A ce jeu, c'est heureux qu'ensuite la perspective se retourne complètement, nous permette de voir l'envers des mêmes déplacements qui se produisaient au début, la face cachée du dispositif, le truc. Les danseuses actives à manipuler ce qui n'est qui n'est qu'un gros objet inanimé, sans autre force que celle qu'on lui prête : les être humains redeviennent libres et agissants.
     

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    Une autre performance aux Plateaux ce soir repose elle aussi sur l'exploitation systématique d'une belle idée visuelle, jusqu'à peut-être son épuisement. Pour en comprendre le principe, je vous propose de regarder l'image plus bas, ce qui m'épargnera de laborieuses explications. D'abord, c'est très drôle. En plus, dans l'exécution, d'être remarquablement virtuose. Ceci posé, où cette expérience nous mène -t-elle?  Il serait trop primaire d'y voir une invitation à regretter l'effacement de la "vraie vie" , de la corporalité, face à l'envahissement des virtualités et à l'usage croissant des écrans. Toutes les vidéos utilisées ont été postées par des inconnus sur You tube. Nous sommes ainsi invités au tour d'un monde où chacun a droit à son quart d'heure de célébrité, en même en temps de vacuité. Le naïf et le pratique, y côtoient des choses plus surprenantes, les tutoriels de bricolage des pratiques sexuelles marginales, les captations d'animaux domestiques les démonstration d'armes à feu. On pourra ainsi se rappeler que là dans où tout est présenté sans recul et sur le même plan, tout ne se vaut pas forcement pour autant.
     

    Giuseppe Chico et Barbara Matijevic, Forecasting © Jelena Remetin IMG_5243.jpg

     

     

    C'était Wreck-List of extinct species de Pietro Marullo , et Forecasting de Guiseppe Chico et Barbara Matijevic  vu à la briqueterie avec les plateaux

    Guy

    Photo (1: Yana Lozeva, 2 Jelena Remetin) avec l'aimable autorisation de la briqueterie

  • Le sacre d'été

    C'est le solstice, soudain, c'est l'été. Comment, encore maintenant, s'y relier? Alors qu'on ne sait plus lire le vent, le soleil, les saisons, le temps, tout ce que la modernité a déréglé. Le corps collectif invoque pour ce passage un rite sensible, joyeux, animiste. D'abord une agitation, une énergie électrique, comme reçue d'en haut, qui circule et se réverbère sur les postures ouvertes, sur les vêtements aux couleurs légères, elle s'équilibre ancrée à terre, vers les profondeurs buto. Les corps font masse, ça remue fort et transforme, mais libéré de l'utopie d'un retour en arrière vers des célébrations anciennes. Pour ce nouveau rite, notre mémoire collective est réconciliée, du ballet classique à la pop culture d'Elvis et Janis jusqu'aux transes technos. Dans les blés, de la joie, du désir, de la langueur, de la canicule mais plus besoin de sacrifice aux Dieux, seule l'offrande des fruits de la terre par des nymphes et faunes vêtus de fraîches branches et feuilles.
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    That's all right Mama par le corps collectif vu à Mains d’œuvres le 20 juin 2018
     
    Guy
     
    Photo © Le Corps collectif Tadzio, 2018 avec l'aimable autorisation de Mains d'oeuvres​

  • La convergence des arts

    Affirmer ici que les arts dialoguent, ce serait exagéré. Bien sûr, de tous temps, la danse a inspiré la peinture, mais danser dans un musée n'a jamais fait réagir une fresque de Matisse. Même, à sens unique, je peine souvent à lire l'influence des œuvres plastiques sur le geste chorégraphique que je vois vivre devant elles. Pour autant, la situation, l'inattendu de la juxtaposition provoque de la jubilation, autorise le regard à rêver où il veut, créer des correspondances, peut-être.

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    S'agissant de la pièce en sept morceaux d'Anne Vigier & Franck Apertet, la filiation est évidente et revendiquée, avec la photographie In voluptate Mors de Philippe Halsman, où l'on voit Salvador Dali devant sept corps nus qui figurent ensemble une tête de mort. Nous pouvons ce dimanche, durant un temps sans repères, suivre les étapes de la reproduction de cette vanité en un tableau vivant dans les salles du Musée d'art moderne de la Ville de Paris. L'œuvre originale est d'abord décomposée. Les danseurs, séparément, répètent ad nauseam des poses fragmentées, sous les indications des chorégraphes. Mais est-ce une véritable répétition, où déjà une représentation tout du long ? Je perçois une dynamique sans rupture dans cet ensemble d'actions, alors que les danseurs s'isolent ou se rassemblent, se dévêtent ou se rhabillent, migrent de salles en salles. Ils s’efforcent de parfaire la continuité d'un mouvement même durant les labs d'immobilité. Cet entêtement obstiné, sec, témoigne d'une absolue indifférence aux œuvres picturales croisées alentour-on ne peut écrire "rencontrées"- autant qu'aux spectateurs. L'action se joue malgré, contre le lieu, en contraste. Juste une situation. Dans ce spectacle, donc, s'impose comme argument (inattendu dans l'espace public) une nudité calculée, jeune et souple, qui se dévoile progressivement, et jusqu'à son intégralité au moment de la résolution lorsque la figure s'assemble sous le regard vide des danseuses de Matisse, pour alors démontrer qu'il y a plus dans l'ensemble que la somme des 7 parties. Le grand intérêt de la performance est d'organiser la mobilité du visiteur/spectateur- venu ici à priori voir les œuvres du musée. Il peut suivre les danseurs de salle en salle ou les dédaigner. Sans désir préalable, tout l'éventail de ses réactions est potentiellement suscité, de son intérêt et sa curiosité jusqu'à sa fascination où son indifférence, en passant par son amusement. La performance prospère sur les oppositions et les ambiguïtés : sujet morbide et performeurs vivants, allers et retours entre les parties et le tout, espace d'exposition ou de spectacle, répétition ou représentation, plus généralement déconstruction des normes de représentation. Rien d'étonnant puisqu’il s'agit du projet d'ensemble des chorégraphes, qui les mène parfois à des extrémités exaspérantes comme j'ai pu en témoigner dans le livre consacré aux 20 ans de Faits d'hivers, mais c'est une autre histoire...

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    Dans le même lieu, la proposition d'Héla Fattoumi & Eric Lamoureux, en compagnie du compositeur et interprète suédois Peter von Poehl, est plus statistique, plus lisible, et non moins intéressante. Ces soir devant les danseuses de Matisse, avec la rencontre des deux chorégraphes et d'un trio soft-rock, Sympathetic Magic met à contribution trois arts (quatre en comptant les objets réels et vidéos de Claire Willman). Mais c'est avant tout d'un concert dont il s'agit, autour duquel les autres arts s'agencent. La musique, pop anglo-saxonne aux couleurs early seventies, chantée haut perchée, alterne détentes mélancoliques et relatives tensions qui s’exacerbent mais sans jamais sortir ds rails, avec le soutien binaire du percussionniste Antoine Boistelle et aérien du bassiste Frédéric Parcabe. Plus de douceur et de subtilité mélodique que de bruyante catharsis. La danse de Fattoumi et Lamoureux, souple et déliée, est d'une admirable modestie. Souriante, elle s'inscrit en commentaire de ce concert, avec une même délicatesse. De trouvailles en trouvailles, les interprètes jouent avec les accessoires lumineux dans une déclinaison low cost de l’incontournable light show, se prêtent avec humour au rôle de choristes. En parfaire harmonie et synchronisation avec le mood musical. On pourrait ainsi s'imaginer ado dansant gracieusement dans sa chambre, le vinyle préféré tournant sur la platine, intensément pénétré de toutes les sensations musicales et un moment indifférent à la marche du monde.

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    C'était, au Musée d'art moderne de la ville de Paris, Pièce en sept morceaux d'Annie Vigier et Frank Apertet vu le 11 février 2018, et Sympathetic Magic de Peter von Peohl, Héla Fattoumi & Eric Lamoureux, vu le 29 mars 2018.

    Guy

     PS: A la la réflexion, il y a des rencontres ou le la peinture fait corps, et le corps se fait peinture, et la musique vibrations avec le tout, ainsi ici avec Bernard Bousquet, Eleonore Didier , Jean François Pauvros au Générateur:

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