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faits d'hivers

  • Le miracle permanent

    La scène jonchée d'objets d'abord sans sens, l'homme s'y affaire, danse. C'est à dire qu'il construit, gestes après gestes, suit une pensée, organisée vers une finalité. Ses mouvements sont poétiques, ses mouvements sont pratiques, en même temps. Ce processus est lent, tout semble si fragile. Tout oscille, branle, dans le mobile géant qu'il assemble. Tout entier le corps en grâce, s'engage dans cette construction , s'y plie, en est le centre de gravité, la variable d'ajustement. Ce corps surprend, émeut d'acrobaties limites, par l'équilibre improbable qu'il maintient. Réalise un miracle modeste et permanent, en poids et contrepoids. Il y parvient. Il y a là deux œuvres à voir. Celle performative dans la durée, soutenue par la musique, celle de l'action qui se fait, espère, entreprend. Et celle de l'instant donné, le moment de la fin, le résultat obtenu: une construction inattendue et en suspend. Cet instant là demeure encore un peu lorsqu'on se lève pour quitter les lieux, baigné d'un optimisme raisonnable. La vie est sans doute aussi fragile que cela, possible pourtant, et ce qu'on en fait.
     
    Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer.- Guillaume d'Orange

     

     

    h o m (résidence #1) from Groupe FLUO on Vimeo.

     

    H O M de Benoit Canteteau , vu au Générateur de Gentilly le 18 février , dans le cadre du festival Faits d'hivers

    Guy

  • Ceci n'est pas un stand up

    Aude Lachaise excelle dans l'art du décalage, du contrepied (Vérification faite, on a déjà écrit cela il y a 2 ans, mais on est bien obligé de le répéter puisque de pièce en pièce elle persiste). Donc la chorégraphe use, l'air de rien, de stratégies obliques pour traiter des sujets qu'elle a choisi. Des sujets même potentiellement sérieux. Pour commencer, ceci n'est pas un stand-up. Même si le festival de danses d'auteurs qui le programme, non catégorisant, ne s'interdit rien. Les codes du stand-up constituent ici juste un point de départ. Est ainsi déjouée par l'excès et la charge une relation performer /spectateurs qui serait trop convenue: entrée en musique pour claquer des mains et taper du pied, accent improbable, bavardage et fausses confidences, banalités sur le "vivre ensemble", le féministe, le racisme, et autres consensus obligés... Tout mis à terre, déconstruit, on peut alors passer aux choses sérieuses. Mais légèrement, en toute hilarité, avec les interventions hors normes de Susana Cook et Paula Pi. Les discriminations liées au orientations sexuelles, aux identités... le sujet, pas évident, passe comme une lettre à la poste. La proposition secoue les genres, dans tous les sens du terme, entrainée par une jubilation du mouvement qui emprunte beaucoup au music hall. Le décalage culturel est à l’œuvre: Phil Spector, Tina Turner et les Temptations sont décortiqués avec autant de pertinence que Karl Marx et Simone de Beauvoir. Pour beaucoup, la montagne reste haute, et la rivière profonde. Après tant de spectacles appliqués et pesants, c'est une bouffée d'oxygène. La politique est une chose trop sérieuse pour ne pas la laisser à ceux et celles qui savent nous réjouir.

     

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    Outsiders, la rencontre / Aude Lachaise from manège, scène nationale-reims on Vimeo.

    Outsiders, la rencontre, par Aude Lachaise, vu au carreau du temple le 1er février dans le cadre du festival Faits d'hiver.

    Guy

    Photo d'Alain Julien avec l'aimable autorisation de faits d'hiver

     

     

  • And then, they were three...

    Au Theatre de la Cité internationale, on pourrait s'imaginer dans une salle de concert des sixties, mais en faisant preuve de beaucoup de bonne volonté, et d'un singulier sens de l'abstraction.

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    Une batterie suffit. Installée au centre de la scène, surélevée, en attente. D'abord- puisque Paul serait mort- elle tient la place d'un absent. Surtout est un symbole elliptique et efficace, sans devoir être un instrument, dont on pourrait jouer, vraiment. Qui d'ailleurs se souciait qu'en play-back à la télévision, les groupes d'alors faisaient semblant? Et les trois garçons sans guitare et en mouvement ne cherchent pas à ressembler aux quatre vrais Beatles, plutôt se figent en caricatures grinçantes. Herman Diephuis applique ici à cette matière d'imagerie (pop)ulaire- les pochettes de disques et photos de promo des fab four- la méthode reproductive déjà éprouvé sur les tableaux des maîtres flamands. Essaie d'agencer ces images arrêtées, de pose en pose. Explorer ce qui peut vivre entre elles, quels mouvements. Dans une démarche voisine de celle de Boris Charmatz (50 ans de danse), pour se heurter à certaines des mêmes difficultés. De front et en connivence, de quoi nourrir intérêt ou exaspération, c'est selon. Les cascades s'enchaînent, qui surjouent comme selon les modèles d'époque la joie de vivre, l'excentricité, la rebellion temperée, l'entertaiment à tout prix. Tout en dehors, rien en dedans. Jusqu'à l'épuisement. Les grimaces tentent de survivre au-delà du temps limite, drôles ou lassantes, savoureuses ou ennuyeuses. « Paul est mort ? » est un spectacle triste, forcement. Savoureux également. Qui se médite plus qu'il ne s'apprécie sur le moment.

    Herman Diephuis montre en quoi un concert n'est pas un concert, ou n'est pas qu'un concert au sens où on l'entend. Les gestes du concert disent quelque chose de plus que la musique, ou à coté. S'émancipent. Comme les gesticulations de Xavier Le Roy en chef d'Orchestre n'interprétant pas le Sacre du Printemps. « Paul est mort », c'est la rumeur qui faisait flores parmi les fans à la fin des années soixante. En tout cas ce soir plane une absence. Est-ce une métaphore de l'art sacrifié en commerce, réduit à la promotion? La musique de Lennon et Mac Cartney, omniprésente, répétée, banalisée, saturée, semble du coup absente, désincarnée. Les gestes à force d'appui et de répétition se vident de leur sens, de même que les bruits de foule noient les chansons. Vers la fin: l'échappée. Paul est mort, un deuil enneigé. Un faux Ringo tente un solo, silencieux bientôt, il faut remballer.

    C'était  Paul est mort ? d'Herman Diephuis, au Théatre de la Cité Internationale, avec le festival « Faits d'Hiver ».

    Guy

     photo par Alain Julien avec l'aimable autorisation du T.C.I.

    A lire ici, sur les croisements scène/musique:

    Tracks

    A Love Supreme