Depuis Man Ray, qui peut encore ignorer les correspondances entre le violoncelle et le corps féminin?
Ce soir la rencontre se fait à nouveau, une fusion qui s'opère en trio: deux danseuses et un instrument. Qui évoluent ensemble avec délicatesse et fragilité, entre les trois on ne pourrait glisser une feuille de papier. Le regard creuse les gestes, interroge ces interdépendances, et refuse toute impatience à voir ces lentes évolutions, prudentes. Ces mouvements se vivent sur le mode des sens sans facilités, de la profondeur, sans brusquerie comme de peur que l'instrumentent en suspend ne tombe, que le charme ne se rompe. Refus du spectaculaire, temps retardé et pesanteur abolie, mais dans l'espace concentré au milieu de l'obscurité prospèrent les détails: rondeur de la chair démentie par l'aigu de l'archet, vertèbres dorées des dos nus en harmonie avec le vernis ... Rien autour si ce n'est l'obscurité pour laisser le champ libre à l'espace musical. Cette dimension s'avère essentielle, consubstantielle. La note tient, ample, consistante. Sa vibration constante installe la permanence. Née du frottement des cordes, elle s'amplifie, se renforce d'harmoniques et entoure les corps en retour, leur rend le sens, nous aussi plongés dans ce cocon de son.
Marsyas de Flora Gaudin, vu au Point Ephémère le 25 octobre dans le cadre du festival Zoa
Guy
Photo de Jeff Humbert avec l'aimable autorisation de Zoa