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  • Thierry Baë danse pour de vrai

    N'est ce pas trop audacieux, d'ouvrir d'emblée cette performance en annonçant l'absence de Thierry Baë qui serait resté en rade en Chine, remplacé sur scène par un amateur? Attaque quasi-suicidaire, qui pose sans préambule la question même de la possibilité du spectacle. Puisqu'on reste là à regarder, le spectacle est quand même, mais l'on plonge droit au coeur du sujet: la perte, l'incertitude, la disparition, le doute, l'inquiétude.

    Mais est ce pour de vrai audacieux? Car on connaît bien ce vieux truc de bateleur: un candide mais comparse qui soit disant remplace la vedette au pied levé, histoire de rafraîchir d'authenticité le spectacle, signifier que tout est vrai à nouveau, que tout peut arriver, et que l'artiste tout à l'heure pourra tomber pour de bon, de trés haut, sans filet. L'amateur de ce soir - Denis Robert, le journaliste de Clearstream- dés le début comme par hasard tombe en dansant. Mais prend bientôt soin de préciser que cette chute était intentionnelle, d'avance répétée. Connivence forcée, les pistes sont brouillées. On ne pourra prétendre qu'on était dupe. Pourtant... Plus tard Denis Robert de raconter que Thierry Bae et lui même, plongés en plein doute créatif, croisent sur une place un S.D.F.. Aprés s'être soulagé, le S.D.F. tombe d'un coup en arrière sur le pavé. "Tu vois: ça c'est de la danse contemporaine" s'exclame le chorégraphe. De l'art à l'état brut? En tout cas un point de départ qui s'ancre dans le réel (ou le vraisemblable?), histoire de vaincre l'angoisse de la page blanche. Et de fait, entre le pas-grand-chose et le presque-rien, quelque chose dans le spectacle finit par exister. Denis Robert, toujours de corvée, sur scène dans le rôle du S.D.F., tombera pour vraiment pour de faux. Fausse chute, et vrais faux documentaires filmés pour évoquer la genèse du projet. Des rencontres cocasses et en impasses avec Mathilde Monnier, La Ribot, etc... qui glissent habilement du vraisemblable au franchement abracadabrant. C'est que, comme dans un documentaire d'Orson Welles, le factice s'insinue et déborde pour mieux mettre à jour une vérité signifiante, l'autofiction a fini par contaminer la danse.

    Denis Robert fait fonction de doublure et commentateur à la fois, relâché à un ton second degré pas toujours de la plus grand finesse, un ton tel que peut s'autoriser un ami d'enfance du danseur (D'ailleurs, sont ils vraiment amis d'enfance, où est-ce une mystification supplémentaire?). Un biais peut-être, pour traiter de manière supportable, sans affect qui viennent nous prendre en otage, les thèmes graves qui affleurent sous le comique de situation: la maladie grave qui menace la pratique artistique et physique, voire la vie même du danseur, son arrivée à l'âge de la maturité à l'âge du jeunisme, et, tout court, la difficulté d'encore créer. De fait, à chaque rencontre filmée que fait le personnage de Thierry Baë, c'est son identité d'artiste qui est remise en question, voir niée, avec toute la gentillesse du monde. Sous le regard amical ou professionnel de l'autre, trop vieux, trop malade, trop faible, trop incertain surtout. Il faut donc bien partir à neuf pour revivre. Loin. Pour y trouver quelque chose à chercher? Très loin. Jusqu'à Taiwan par exemple.

    Le danseur escamoté, que devient la danse? La danse, raréfiée, en devient très précieuse, vraie surtout. Elle survit malgré tout, ombre d'elle même, fragile, remise en doute, fatiguée, hésitante, mais vraie, par sa volonté de vivre, malgré tout. Et...surprise!

    C'était Thierry Baë a disparu , de Thierry Baë, au Centre National de la Danse, avec le festival 100 Dessus Dessous

    Guy 

    P.S. Le Tadorne n'avait pas été convaincu par ce tour de passe-passe, c'est à relire ici

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    P.S. du samedi 28: Thierry Bae présente actuellement son journal d'inquiètude au Théatre de la Bastille, et a droit à une pleine page de l'Express cette semaine.