Plein écran en fond de scène, en réponse à une requète google portant sur le niquab plane un nuage oppressant de mots et d'images, de non-dits et d'arrières pensées. En pleine confusion, le corps répond. En s'engageant résolument dans l'expérience de ce voyage dansé sous voile intégral. Héla Fattoumi se livre sans équivoque ici à un acte politique, dont on comprend vite le sens et les convictions. Peut-il s'agir dans le même temps un véritable acte artistique? Je le crois.
Pourtant un moment j'en doute, alors que nous sont lentement infligées, denoncées, ces sourates, reglements d'une étouffante précision, précis d'interdit et de contingentement du corps féminin. Mais j'en suis persuadé, quand ce corps lutte et s'exprime: une forme à deviner dans le tissu, qui joue avec ambiguité (des coudes, ou des fesses, ou des hanches ?) une danse du ventre invisible sur un air de disco arabisante. Une icone chrétienne. Un long moment de face à face impuissant avec un regard prisonnier, d'où rien ne s'échappe, que des larmes perlées. Ce visage confisqué. Un affaissement comme animal, effrayant, en tas destructuré. Une bouche qui se devine, s'asphyxiant lentement d'une respiration opressée. Une origine du monde fulgurante. Une main qui s'échappe, mutine, qui vers nous trouve son chemin. Toujours la révolte et l'impuissance. Clandestinement, la statue de la liberté. Une séance de pliage résigné de tissus sans sens. Surtout en toute beauté un corps féminin qui s'exacerbe en transparence, trouve malgré tout sa voie impudique et et souveraine rendue au soi. Un aveuglement soudain. Jusqu'au déchaînement, comme au sens premier du terme, jusqu'à l'épuisement alors, mais aussi la libération. Pour fionir avec ce chant d'hommage aux femmes qui se révoltent dans un monde d'hommes. Ces images fortes m'engagent, même si de tous ces tissus je perds parfois le fil.
Je vois et je ressens les beaux gestes engagées d'une femme libre. Je ne sais si elle pourra convaincre au delà d'évidences déja partagées par les uns, mais je sais que ses simples gestes sont courageux.
C'était Manta, d'Héla Fattoumi et Eric Lamoureux, au Théatre de la Cité Internationale jusqu'au 16 avril.
avec, samedi 10 avril, une table ronde avec Héla Fattoumi à 17H, et à 16H et 20H VIP défilé de Majida Khattari.
photos de L.Philippe avec l'aimable autorisation du TCI
A lire: le tadorne , Le monde, critiphotodanse, lunettes rouges