texte initialement mis en ligne le 7 octobre 2010: Une Raclette est servie à nouveau au Théatre de Vanves du 11 au 13 janvier.
Bien sur qu'on peut rire de tout (et, avant tout, de soi-même), c'est pourtant trop rare devant une piéce contemporaine. Mais surprise: ici cela fonctionne, d'autant que la forme n'est pas dupe d'elle-même et relativise ses propres prétentions dés le prologue (cela devient alors surement du théatre méta-contemporain).
On craint durant un laps de temps un entre-soi trop étroit, trop catégoriel, lorsque dans la salle comble commence l'appel des spectateurs pour vérifier si on peut commencer la piéce: Mélanie Chéreau (présente), Thibaud Croisy (présent), etc... C'est juste une concession clin d'oeil et factice à la participation du public (et peut-être seulement pour le soir de la première: tout fait si improvisé...), et le grand sujet est bientôt mis sur la table: la bétise. Alors c'est grand, c'est beau, et c'est universel (Ont-ils relu, de Flaubert, le dictionnaire des idées reçues?). Avant tout trés drôle, bien ammené (dommage, j'aurais sinon titré "Indigeste!"). Tellement universel, ce traité de la vacuité, qu'on se voit soi-même sur scène en tics, à enfiler des perles, tel en gros plan le beauf qui en nous sommeille, attablé comme à un repas entre voisins ou plus ou moins pôtes, bien digéré dans cette Raclette. Nous dinons avec eux, par délégation. Une amie était à la sortie décue de ne pas trouver cela assez "politique": voire... La férocité semble se nourrir de la tradition du café théatre, et la dépasse allégrement par échappées soudaines tous azimuth que se permettent ces sales gosses jusque-boutistes. Ca fuse et ça pétille et tombe souvent juste, entre un beau babil intelligible, et blancs idiots, et rires sociaux. Surtout tout est possible, le rêve libéré, finalement dépassées les intentions brocardées au début. Malgré ou grâce aux ratés, plans de partouze un peu forcés, et sorties de route, la piece est portée par l'inattendu (spoiler:qui aurait prévu d'assister au viol de la maitresse de maison par une carotte géante? fin du spoiler) et une suite d'autres moments aussi surprenants et poétiques, mais n'allons pas tout deflorer... Et il y a ces moments, pas forcement les plus exubérants, où soudain la réalité bascule et se fige dans le silence ou dans l'absurde, comme la matérialisation objective de ces instants où tout en assistant à l'evenement social on sombre trés profond et sans retour dans ses pensées. Samedi nous recevons des amis pour diner: est ce encore possible?
C'était Une Raclette des Chiens de Navarre mis en scène par mise en scène par Jean Christophe Meurisse au théatre de Vanves pour l'ouverture de la saison théatre d'Artdanthé.
Encore ce vendredi et ce samedi.
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photo (©Balthazar Maisch) avec l'aimable autorisation de la compagnie