Ce sang ne sèche jamais vraiment, le sang des victimes des occupants nazi et de leurs complices. Les noms des otages et résistants sont arrachés ce soir à l’oubli en une furieuse litanie, d’une voix rageuse, sans merci. Les feuilles de papier tombent à terre au fur et à mesure de la lecture, mais les images persistent, des crimes et des supplices, intolérables, obsédants. Pas de place ici pour la distance, encore moins pour l’élégance. A prendre comme un bloc, l’engagement total de Nadège Prugnard, qui se heurte à l’indicible, yeux endeuillés de noir, qui crie et pleure ce texte et cette révolte sans reprendre son souffle. Les mots s’abiment et souffrent comme les corps humiliés sous les coups, évoquent les larmes, la sueur, la merde, la terre, la peur, haissent et demandent justice, et aiment comme l’amour éperdu, sans retour, des amants arrachés l'un à l'autre par l’Histoire. L’expérience du spectateur n’est ce soir pas plaisante, la performance salutairement excessive, à rendre bien d’autres propositions dérisoires. Faudrait-il oublier tout cela comme de l’histoire ancienne, noyée dans l’inflation des génocides? Ou se souvenir encore ces crimes, toujours imprescriptibles, refuser la banalisation, déjà à l’œuvre quand un ancien fonctionnaire chargé des question juives siégeait au gouvernement de la France dans les années 70, quand l’un des organisateurs de la rafle du vel’d’hiv’ avait dans les années 80 ses entrées à l’Elysée, alors, qu’il n’y a pas si longtemps, le leader d’un parti politique français jugeait que l’occupation allemande n’avait pas été particulièrement inhumaine.
C'était Suzanne takes you down de et par Nadège Prugnard, au Lavoir Moderne Parisien.
Guy
Commentaires
Excellent billet !