Rêve et mystère… On est à nouveau aspiré à la recherche de Madame Gonzalez, ce soir au milieu des étranges images de l’exposition consacrée à Moebius. Le créateur de bandes dessinées a-t-il été associé à la programmation de ces soirées nomades? Il semble que l’univers de Viviana Moin communique avec le sien par de troublantes coïncidences. Les imaginaires s’ensemencent, ouverts. Dés l’apparition de ce corps hybride, en transformation et mouvance. Deux apparences entremêlées, vraies et sociales: c'est-à-dire en dessous la chair crue et à vue, par dessus le costume merveilleux, ridicule, extravagant. Cette robe en morceaux veut briller argentée, et ainsi l’incroyable perruque, comme en un impossible retour à la grâce et l’innocence de l’enfance.
Viviana Moin sait tout oser. Le corps se renverse en souvenirs de figures de ballerine, transformé par des mouvements émouvants de lenteur puis de soudaines et feintes maladresses, impudique se retourne comme un ruban. Il se déplace et nous emmène dans l’espace et dans le temps, dans un va et vient entre Paris ici et là bas Buenos Aires. Entre maintenant et le temps flou d’il y a plus de 30 ans. La voix, irrésistiblement naïve et hésitante, ouvre un portail trans-dimensionnel, dans une belle connivence, une machine à remonter le temps. La fragilité offerte est une force qui balaie les résistances. Le « Je » de la narratrice emporte auteur, interprète, personnage dans les mêmes transfigurations. L’hypnagogie s’étend, le songe suit. Tout est possible maintenant dans la logique forte de l’inconscient: pas de hasard mais des surprises, des rires, et des enchantements. D’un seul trait épuré, d’une phrase, nait un possible, d’un coté le plein et de l’autre le vide, en surgit pour nous submerger toute la matière du récit. Madame Gonzalez, qui jouait du piano au cours de danse, du jour au lendemain a disparu. D’évidence un coup des extra-terrestres, également responsables de la fêlure du carreau cassé sur le chemin de l’école. On est sur le coup convaincu que dans l’Argentine des années 70, il ne pouvait y avoir d’autres explications. L’œil de l’enfant, comme celui de l’artiste voit l’invisible, préfère construire des évidences cosmiques. Le tragique jamais loin, la mort derrière le rideau.
La parole à la fin se tarit, les mystères plus entiers que jamais et le corps plus dénudé, qui s’abandonne aux origines, à la transe d’une extraordinaire danse chamanique, vers la vérité, vers son origine ré-imaginée au son des flutes andines.
C’était Ou est passée Madame Gonzalez? de et avec Viviana Moin, dans le cadre des soirées nomades de l’exposition trans-formes consacrée à Moebius, à la fondation Cartier.
Un premier état de la pièce, Madame Gonzalez au Piano, a été créé en février 2010 au Dansoir dans le cadre du festival Indisciplines (voir le texte et les photos de Jérôme Delatour-images de Danse).
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Photo de répétition (X) avec l’aimable autorisation de Viviana Moin