Pas de musique, pas d'effets multimedia. Pas de bruitage, pas de trucage, pas de décors. Pas de prologue, ni de commentaires au second degré, ni clins d'oeil, aucune mise à distance. Ni mouvement de projecteur, ni hémoglobine, ni fumée, ni chorégraphie, ni pluridisciplinarité, ni nudité, ni violence physique, ni costume hors contexte.
Mais juste trois interprètes sans défauts, sur un simple plateau, au service des mots de Montherlant, pour que ceux ci résonnent d'une incroyable violence, d'autant plus efficacement dans ce contexte dépouillé. D'une violence essentielle: celle - toute psychologique- qui s'installe au coeur d'une relation familiale. Entre un père imbu de lui même et son fils retrouvé, le "Fils de Personne".
Le fils est un adolescent, ni plus ni moins que cela, un coeur pur et simple. Le père ne peut l'accepter tel quel, s'obstine à la recherche impossible d'un autre lui-même. Un double idéal. Tel un Don Alvaro laïque, il occille entre élans d'affection et morgue, et la mêre, témoin, n'y peut rien. Les personnages de Montherlant, décidément, ont bien du mal à aimer.
On a rarement l'occasion d'entendre des mots aussi cruels sur une scène de théâtre, tels ceux que le père déçu adresse à son fils, et cela constitue une provocation bien plus efficace que toutes les outrances visuelles.
Par provocation, entendons la capacité de provoquer chez le spectateur des réactions, dont l'impact survit à la sortie de la salle.
Le contexte- la France d'après la débâcle de 1940 qui a sépare tant des familles- est discrètement restitué par le phrasé, par les costumes, par le maquillage, par les quelques accessoires. Sans que cela n'ait au fond d'importance, sans que cela ne date la pièce. Universelle, au coeur de son sujet.
Montée par Edith Garraud, et suivie de "Demain il fera jour"- avec les mêmes personnages et les mêmes interprètes, qu'on ira voir- promis- bientôt.
Toujours au T.N.O.
Guy