Toujours sur la scène du T.N.O.,encore des femmes aux cheveux cachés sous des coiffes noires. Mais cette fois vetues de robes d'un blanc immaculé, et croix rouges sur la poitrine: donc des religieuses. Les soeurs du couvent de Port Royal en 1664, qui pour continuer à vivre leur foi à leur façon rentrent en rébellion. Et seront dispersées. L'affrontement montré ici nous est bien familier: celui d'Antigone contre Créon, celui de de Jeanne d'Arc contre Cauchon, de Don Alvaro contre le matérialisme de son époque, de l'idéal contre le pouvoir, de la pureté intransigeante contre le compromis et le réalisme, du spirituel contre le temporel, de la foi personnelle contre celle qu'encadre les canons.
Mais ce soir, autour de quel enjeu? En quoi les doctrines de ces soeurs sont elles à ce point insupportables aux pouvoirs de l'époque? Il est extraordinaire que jamais tout au long de sa pièce Montherlantne nous l'explique vraiment. Les religieuses évoquent, du dedans, les menaces du dehors. Mais rien qui nous éclaire quant au jansénisme, la grace et les controverses théologiques. Rien sur les sujets dont elles devraient parler. Un pari sur la culture du spectateur de 1954? Celui de 2007 risque de se désintéresser un peu du sort de ces femmes, qui s'apprêtent à souffrir pour des motifs auxquels il ne comprend rien. En attendant, à huit nonnes qui attendent, on peut créer de très beaux effets: les habits blancs prennent la lumière superbement. Mais même si la langue est belle, pure et élevée, jusqu'à presque faire oublier les rumeurs qui grondent dehors le cloître, dans ce couvent l'éternité commence au bout d'un temps à durer un peu longtemps, surtout au milieu.
Une seconde pièce commence opportunement sur un nouveau rythme avec l'irruption tonitruante en ce lieu du pouvoir temporel de l'archevêque de Paris- Hardouin de Péréfixe (Jean Claude Sachot)-. Rouge écarlate, corpulent et volume sonore réglé à fond. L'adversaire se montre enfin, brutal ou patelin, qui empoigne littéralement les soeurs ou les embrasse avec effusion. Mais obligé d'utiliser la force faute de convaincre, réduit à perdre pour l'emporter. Et les soeurs confrontées à la question centrale de la pièce: souffrir jusqu'au martyr cette persécution est il le sublime accomplissement de leur démarche spirituelle? Ou n'est ce que folie et désobéissance, péché d'orgueil? Ou pire encore, en l'absence de Dieu, une vaine douleur. Heureusement on est chez Montherlant: on reste libre de penser et de conclure comme on le veut.
C'est Port Royal de Montherlant, mis en scène par Jean Luc Jeener, au T.N.O.
Guy
Portrait de Mere Angélique et Ex votopar Philippe de Champaigne (1602-1674)