Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Angelin Preljocaj: mythes et légendes

A promettre une danse narrative, et au sujet bien défini, ne risque de décevoir des attentes trop précises? Surtout avec un thème aussi intimidant 177395499.jpgque l'Annonciation. Moment fondateur du Nouveau Testament, à la source de la nativité et de la rédemption. Fra Angelico, Filippo Lippi, Leonard de Vinci et des centaines d'autres maîtres en ont offert des représentation picturales aux richesses qui ne se laissent pas épuiser. Mais qui figent l'évènement dans le cadre de certaines conventions. Comment représenter ce thème par le mouvement? C'est bien tout le défi. Ici les fondamentaux sont respectés: les deux protagonistes- Marie et l'Ange Gabriel- sont présents, un rayon de lumière frappe Marie à la manière dont est traditionnellement représentée la parole divine sur les tableaux de la renaissance. La présence coporelle, puissante, permet la naissance de moments intenses et fulgurants. Qui vont au delà de ce qui est montré, traditionnellement. Quand il y a baiser, quand il y a enlacement, quand l'imposition des mains de l'Ange d'un coup pétrifie Marie. C'est juste parfois affadi par les effets exaspérants d'une musique tapageuse. Et d'autres passages déconcertent celui qui y recherche un sens trop précis: pourquoi les deux personnages dansent ils à l'unisson, comment est- il possible de suggérer une égalité de rôles, une symétrie entre eux? Ces perplexités empêchent d'apprécier selon ses mérites cette danse fluide, comme en apesanteur, sans grandiloquence, peut-être aurait-on préféré voir la proposition sans en connaître le titre. Et quitte à voir des annonciations retourner à Florence, aux Offices ou au couvent Saint Marco.

En amont de la tradition chrétienne, est ensuite proposé un point de départ mythologique: les Centaures. Le thème est plus large. Plus libre? 731313247.jpgLa problématique spirituelle ne peut être spirituelle encore, on est tenté de voir ici l'émergence ambiguë d'êtres mi-homme, mi bêtes. Mais l'accent est plus mis sur les rapports entre les créatures que sur leurs combats intérieurs. Ce duo masculin, poitrines et cranes nus, évolue tout en muscles et virilité. Les contacts se transforment tout autant en étreintes qu'en chocs, les bras et jambes s'entremêlent pour redonner naissance à un seul être primitif et fusionnel, les affrontements eux-mêmes se résolvent pour laisser place à des moments d'oubli animal. Ces phases toujours soutenues par un subtil tempo, sous jacent. Le travail des jambes est admirable, ce qui est bienvenu s'agissant de centaures. Le tout aboutit à un résultat d'un beau classicisme, dont on a du mal à départager s'il est sage ou innovant.

Avec Eldorado, on se retrouve transporté dans un dispositif à la Stonehedge. 12 monolithes, chaque danseur au départ immobile devant son bloc, qui laissera derrière lui sa silhouette lumineuse inscrite sur la pierre. Sont-ils les voyageurs d'un vaisseau 1160682842.jpgspatial antique venus peupler une planète? La musique de Stockhausen est elle même d'un futurisme un peu daté. On lit sur le programme que le compositeur a proposé sa musique à Preljocaj, qui avoue avoir hésité devant la difficulté. Doit on comprendre qu'il n'a pas osé refuser? Mais abstraction faite des périls esthétique, la partition propose de beaux défis rythmiques au chorégraphe, qui s'était aussi attaqué au Sacre du Printemps. Sur ce plan, c'est un beau sans-475066573.jpgfautes. Les danseurs enchaînent duos, trios, ensembles, avec rigueur et géométrie, on imagine que rien ne peut les arrêter dans ce crescendo, on s'attend presque à une orgie finale. C'est que le risque de trop de cunnighamisme inhérent à une construction trop formelle est tempéré par une salutaire sensualité, discrète mais qu'on ne peut nier. Le sexe est toujours là, invisible mais présent. Suggéré, comme dans les deux pièces précédentes. Tant mieux.

C'étaient, d'Angelin Preljocaj, Annociation (1995) ♥♥♥, Centaures (1992-1998) ♥♥♥♥♥, et Eldorado (Sonntags-Abschied) ♥♥♥ sur une création musicale de Karlheinz Stockhausen, avec 12 danseurs, au Théatre de la Ville.

jusqu'au 8 mars

Guy

P.S.: sur Scenes 2.0. les points de vue du Tadorne, de Danse à Montpellier et de Clochettes

Re P.S. : voir le reportage photo, sur Photodanse

Commentaires

  • Du sexe dans cet "Eldorado"? Cette idée ne m'a jamais effleuré à moins que tu n'évoques une sexualité virtuelle par internet...
    Il y a un décalage entre ton écrit (plutôt réservé) et les petits coeurs (nombreux) que tu donnes à Preljocaj...!!!

  • C'est un ressenti un peu difficile à argumenter plus avant...mais j'assume! C'est sans doute pour ça que j'ai laché 4 coeurs, en moyenne. Malgré la sophistication du truc. A relire aprés coup "Danse à Montpellier", je crois que je n'ai pas été le seul à voir du sexe partout

  • "Danse à Montpellier" se perd un peu en écrivant sur Preljocaj! Et puis ce sexe partout...cela en devient gênant à force!! Dans "Eldorado", je n'ai vu que mécanismes et rouages. Beurk!
    J'ai rendez-vous fin mai avec Preljocaj pour "Empty Moves" Part II. A coup sûr, un des plus grands chef d'oeuvre de la danse contemporaine.

  • Cou2 les amis,

    Counterfnord, lui, parle beaucoup d'"organique" : un moyen terme entre vous deux, peut-être (http://tinyurl.com/27qe6w) ?
    Je me souviens d'avoir vu Annonciation sur Arte, je crois que j'avais trouvé ça très beau. Il y a plusieurs extraits vidéo du tournage sur le site de la chaîne (http://tinyurl.com/2zs56s).

  • Cette idiote de machine a mis la parenthèse dans le lien, du coup il ne marche pas. le revoici : http://tinyurl.com/2zs56s

  • Merci pour le lien. J'ai vu qu'il y avait aussi des raboteurs, comme au musée d'Orsay!
    Même dans cette annonciation il y avait beaucoup de sensualité (une interprétation logique du thème, à y reflechir). Ce qui m'a personnellement géné, c'est le manque de lisibilité. Sarah -Clochettes y a vu plus de choses que moi, ce qui lui a inspiré de trés jolies lignes

Les commentaires sont fermés.