Qui émerge dans le paysage lunaire? Avec des habits de toréador ou de cérémonie. Au milieu des rochers blancs qui effleurent, des ruines. Ils dessinent une carte étrange. Le temps se dilue, et la musique va en cercles. Le corps peut-il y échapper? Par gestes tantôt géométriques et affectés, tantôt primaires et viscéraux, qui ramènent aux ballets russes qui ramènent à l’animalité, qui ramène à avant.
Elle fait l’amour aux rochers, à l’univers entier. Un rituel se répète, comme la mémoire inintelligible, mais incarnée, d'évenements ancestraux, oubliés. Reste ces traces. Elle songe, adossée, à… ? Remplit les intervalles, ceux du temps, entre les rochers blancs, lentement, rapidement, à l’intérieur, toujours prisonnière. L’Ennui plane. J’apprends la patience, voit le temps se perdre en courses accélérée dans l’espace clos. Pourtant le rythme de la musique n’a lui pas varié d’un iota. Les lumières m’engourdissent. J’accepte la fatalité, j’ai perdu le temps et elle évoque Proust. Pas une note de piano plus appuyée que la précédente, il faut imaginer les pulsations entre, et voir monotones les répétitions, déclinaisons, recompositions d’une danse à maturité, le glissement du civilisé à l’animalité.
Le corps fait son superbe avant de s’avachir, le visage grimace et s’enlaidit au ralenti. Il faut croire alors en la magie. Comme cela devrait durer jusqu’au vertige et l'abandon complet, la fin me prend par surprise, c’est une interruption.
C’était Androcéphale de Jesus Sevari, dansé sur Vexations d’Erik Satie et sur des sculptures et lumières de Yann Le Bras. Vu à Micadanses, dans le cadre du festival faits d’hiver.
Guy
photos par Laurent Paillier /photosdedanse.com avec l'aimable autorisation de Jesus Sevari.
En photos, par Laurent Paillier