Si pour un amateur monter sur scène est un défi, y aller à poil, est-ce ajouter à la difficulté ou un moyen de se libérer? Les performeurs d’un soir rassemblés par Enna Chaton sont nus, la photographe n’est pas en reste, et il fait tellement chaud qu’il s’en faut de peu que les spectateurs eux aussi se jettent à l’eau. Mais ils restent sagement à observer, de plain pied, ces beaux tableaux vivants avec accessoires de cartons, plutôt naïfs, ironiques et bon enfant, construits de corps des deux genres en leur désarmante vérité, jeunes ou vieux, minces ou gros, fins ou musclés. Tous fiers et affirmés. La nudité est démystifiée. Chacun des spectateurs doit être consolé de ne pas se sentir soi-même un top model. Et à la sortie on spécule pour savoir dans quelles conditions l’on consentirait de même à se dévoiler.
Le corps de Corinne Dadat, 50 ans, femme de ménage, est moins performant selon les critères du spectacle vivant- tests objectifs de souplesse à l’appui- que celui de la danseuse Elodie Guézou. Mme Dadat le reconnait volontiers, mais juge son propre métier plus utile, bien que personne ne l’applaudisse quand elle nettoie les chiottes. Charmée par le lac des cygnes, elle esquisse ce soir quelques pas, d’une beauté soudaine. Qu’en est-il des gestes de son travail quotidien, pourquoi et comment les montrer sur scène? Les deux femmes s’y emploient ensemble : Corinne joue du seau d’eau et du Kärcher, Elodie s’engage de tout son corps, devient à terre serpillère humaine. La belle rencontre se fait, sans s’affadir de bons sentiments.
I feel Awkwad (Je me sens maladroit(e)) d’Enna Chatton et Corps de Ballet de Mohamed El Khatib, vu le 11 octobre à la Loge dans le cadre du festival Zoa.
Guy
Photos d'Enna Chaton et de Marion Poussier avec l’aimable autorisation de Zoa.
Enna Chaton présente une autre performance, son nombre est rose, au festival Frasq le samedi 19 octobre (Générateur de Gentilly)
Commentaires
La nudité eût été démystifiée davantage encore si les spectateurs avaient été invités eux aussi à laisser tomber les vêtements qui semble t-il n'avaient plus d'usage que la seule enveloppe sociale en raison de la témpérature élevée régnant dans la salle.
L'expérience de nudité commune avec mélange des âges et/ou des conditions est très répandue dans certains pays : sauna suédois (mixte pour ce que j'en connais), bains japonais (non mixte, pour ce que j'en connais). On n'a pas la même culture en France (sauf chez les naturistes ou les libertins) et on en fait un spectacle !