« Je suis dans la merde »: telle est l’une des premières répliques de Cher Trésor, la dernière pièce de Francis Weber avec Gérard Jugnot. L’acteur y incarne un chômeur de longue durée. Le ton est donnée, la comédie ne vise pas le fou rire. Plutôt douce-amère, elle résiste à la dépression qui guette. Le jeu est à l’avenant, plus complice que frénétique. Ma génération n’a pas oublié comment la bande du Splendid avait méchamment dynamité les comédies populaires de la fin des années 70. Pour sentir comment se porte la société, il est utile (en plus d’être agréable) d’aller voir Jugnot jouer. Le Père Noël de cette année n’est plus une ordure, ni un clochard inadapté, mais un déclassé, désabusé. Il reste propre, émarge au RSA, et ne squatte pas dans une roulotte mais dans un appartement d’emprunt. Plutôt que de méchants provocateurs, l’acteur incarne maintenant des consolateurs. D’un François Pignon à l’autre, depuis longtemps Francis Weber sait y faire, la mécanique comique tourne au bon rythme: répliques qui claquent et vraies surprises. Nos descendants jugeront s’il était le Molière ou le Feydeau de notre temps. Il sait en tout cas en peindre les vanités et les vénalités, en conjurer drôlement les angoisses, avec ces histoires de nouveaux pauvres sans perspectives qui s’inventent des contrôles fiscaux, des héritages, des problèmes de riches pour échapper à l’invisibilité. En ce 24 décembre, les chiffres mensuels du chômage viennent d’être publiées, avec un nouveau record de 5.176 millions de demandeurs d’emplois. Joyeux Noël.
Cher Trésor de Francis Veber avec Gérard Jugnot au Théâtre des Nouveautés (dernières jusqu’au 4 janvier)