« T’as vu c’est un triomphe! » « Oui, mais la pièce n’était pas censée faire rire… « jugent deux voisins inconnus. Si cela était vrai, ce serait dommage. On regretterait que cette entreprise théâtrale se borne à révéler froidement les mécanismes du genre, ou se contente de divertir. La force de Ciel mon placard est de fonctionner excellemment à ces différents degrés.
La pièce suit la pente naturelle du théâtre de boulevard, qui souvent tend vers sa propre caricature par la recherche frénétique des effets, mais Nicole Genovese l’emmène plus loin encore. Et franchit les limites de ce genre où il n’est finalement question que des normes de l’économie de la libido, de dérèglements, et au final de retour à l’ordre. Dans l’intérêt suprême de la famille, l’inévitable adultère doit rester sous contrôle. Maitresses et amants retourneront in fine dans le placard. Les mensonges et quiproquo s’enchaineront certes crescendo, avant de résoudre in extremis en pirouettes improbables jusqu’au retour à la normale. Mais ici point. Pour commencer il y a deux papas, la femme clame ses infidélités et n’hésitera pas pourtant à trucider belle maman pour s’assurer un alibi mondain. Tout est à l’avenant (et hilarant). Ne reste que le mensonge sans enjeux. Mireille la bonne- une ennemie de classe dans un théâtre bourgeois ? - est le seul des personnages à dire la vérité, elle doit être exécutée. Dans le final les masques de maitres libidineux, policier demeuré, majordome dépassé, gamine délurée (et cantatrice finlandaise) tombent sur le vide. Pas de résolution. Il y a quelque chose délicieusement subversif à se vautrer intelligemment dans ce genre à contre-courant de l’intellectualisme, traité ici avec un amour évident mais avec encore plus de perversité. Le travail poétique effectué ici sur le langage permet de mettre à nu les clichés et implicites, à coup d’images absurdes et de belles audace. La mise en scène, avec robes criardes et décors délavés- c’était pas mieux avant !- évite l'hystérie et s'appuie sur le non-sens comme cet acteur qui se repose contre un mur inexistant. Les procédés dévoilés fonctionnent avec bonheur à ce 3° degré.
C’était Ciel ! mon placard, de Nicole Genovese mis en scène par Claude Vanessa, crée à La Loge, vu à la MPAA, programmé au Théâtre de Vanves le 22 mai 2015
Guy