Voici le moment de faire provision d’émerveillements.
Sur l’écran tournoient des galaxies ou des atomes élémentaires. Hubert Reeves, accompagné de l’ensemble musical Calliopée, évoque 14 milliards d’années d’histoire du monde, du big bang aux périls écologiques d’aujourd’hui. Cela fait beaucoup en 60 minutes de temps. Le vieux savant est parfait et au naturel sur scène dans le rôle du sage-enfant. Entre ses mots les notes s’osent, démontrent l’imprévisibilité des combinaisons du vivant. Le discours peut sembler naïf dans la forme, il est surement essentiel dans le fond, il ne pourrait être plus important. J’accepte les questions posées sans réponses, le souffle des vents et le frottement des cordes me donnent un peu de respiration, interrogent et éveillent sans révéler.
De l’intelligence du vivant on se concentre sur l’humain en quête de sens. Un cercle de craie est tracé au sol, mais loin de cadrer la créativité des deux interprètes. Vite, les corps courent et les mots s’enchainent en jeu de sonorités, se bousculent et se répètent style marabout-bout d’ficelle. Ces mots forment-ils les limites d’autres enfermements? D’in-articulations en désarticulations, les corps luttent contre en échappées, répondent par charades de gestes en une fébrile déconstruction. C’est un beau duo, Alexis Morel qui se risque en fantaisies flutées, Sandra Abouav bien campée sur son axe mais qui se lance de là vers tant de directions imprévues, mes neurones sont dynamisés.
La conclusion de leur performance est gaiement perturbée par deux fous-furieux, Antonin Leymarie armé d’une simple caisse claire et Rémy Poulakis qui fuse dans tout sens avec sa voix et son accordéon. Ils partent illico en valse-musette, accélèrent sans freins, accrochés l’un l’autre de regards intenses, atteignent de joyeux paroxysmes, jubilent et se relancent. C’est un plaisir d’assister à cette chorégraphie du rythme et de la générosité.
Cosmophonies d’Hubert Reeves et l’ensemble Calliopée, Riz Complet de Sandra Abouav et Alexis Morel, Antonin Leymarie et Rémy Poulakis le 13 juin dans le cadre du festival La voix est libre au théâtre des bouffes du nord
Guy