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Enchainements

  • Ebauches

    Chaque fois que j’en ai la possibilité, je viens assister à l’un de ces après-midi « Danse en chantier ». Il me semble que ces présentations sont destinées à une audience de professionnels. Quoiqu’il en soit j’y vais. Des chorégraphes viennent présenter des extraits de créations en cours, à divers stades d’inachèvement. Lumières et musiques font parfois défaut. Et ils en parlent, sur le plateau. Ils s’interrogent à haute voix sur le processus. Pour certains expriment leurs doutes. Ce qui est montré se prête plus à l’échange qu’à la critique. La fragilité est évidente. C’est une situation à risque. Je ne devrais même pas en parler. Je ne devrais même pas écrire à ce sujet.

    Mélanie Perrier présente un extrait de sa création précédente. Je prends acte-inévitablement- de la grande originalité du travail sur la lumière. Je goute à la perte de mes repères. C’est plus troublant encore, quand la chorégraphe parle, pour exposer ses intentions quant à son prochain travail. Je ne comprends rien. Je resterai-je crois- à jamais étranger au langage utilisé dans le milieu de la danse: « donner à voir, interroger un endroit, matière, penser la création d’un langage, réévaluer les paramètres ou le rapport à l’image, travailler la question de l’énergie, déposer un moment de travail, inventer un espace"… les expressions m’égarent.

    La découverte pour moi cet après-midi, c’est Rerererewrinting de Luna Paese. J’aime ne plus avoir me demander s’il s’agit ou non de danse. J’entends une histoire, des histoires, portées d’évidence par la voix, mais auxquelles le corps participe, comique. Je ris, et la remercie de me laisser penser que je ris intelligemment. Cette jubilation est un peu du même ordre que celle je prends à assister aux performances de Viviana Moin- dont l’accent est différent- mais avec aussi  des brusques virages et des fins abruptes, des absurdités et des coqs à l’âne des fils à tirer. Elle sait tirer le tapis sous nos pieds.

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    De ce que je ressens de quelques conversations, Leïla Gaudin est une jeune femme habitée, intense. J’avais été très impressionné par son fort engagement dans son travail sur les SDF (Errance et A la limite). Quand elle explique traiter maintenant du sentiment amoureux (dans une perspective interculturelle), je ne doute pas qu’elle le fera avec la même exigence. L'extrait qu'elle interprete me surprend, montre qu’elle se s’interdit aucun moyen, de la voix à la vidéo, de l’usage des langages, de l’adresse au public. Et –c’est important- ses explications témoignent à la fois de modestie et d'ambition. Le titre est trouvé, il semble qu’il n’aurait pu être autre: I love You.

    Étapes de travail de I love You de Leïla Gaudin, Rerererewriting de Luna Paese, extrait de Nos charmes n'auront pas suffit de Mélanie Perrier, à Micadanses pour Danse en chantier.

    Guy

    photo de la performance de Leïla Gaudin (au regard du Cygne) par Calypso Baquet avec l'aimable autorisation de la compagnie.

  • Mystères et merveilles

    Voici le moment de faire provision d’émerveillements.

    Sur l’écran tournoient des galaxies ou des atomes élémentaires. Hubert Reeves, accompagné de l’ensemble musical Calliopée, évoque 14 milliards d’années d’histoire du monde, du big bang aux périls écologiques d’aujourd’hui. Cela fait beaucoup en 60 minutes de temps. Le vieux savant est parfait et au naturel sur scène dans le rôle du sage-enfant. Entre ses mots les notes s’osent, démontrent l’imprévisibilité des combinaisons du vivant. Le discours peut sembler naïf dans la forme, il est surement essentiel dans le fond, il ne pourrait être plus important. J’accepte les questions posées sans réponses, le souffle des vents et le frottement des cordes me donnent un peu de respiration, interrogent et éveillent sans révéler.   

    De l’intelligence du vivant on se concentre sur l’humain en quête de sens. Un cercle de craie est tracé au sol, mais loin de cadrer la créativité des deux interprètes. Vite, les corps courent et les mots s’enchainent en jeu de sonorités, se bousculent et se répètent style marabout-bout d’ficelle. Ces mots forment-ils les limites d’autres enfermements? D’in-articulations en désarticulations, les corps luttent contre en échappées, répondent par charades de gestes en une fébrile déconstruction. C’est un beau duo, Alexis Morel qui se risque en fantaisies flutées, Sandra Abouav bien campée sur son axe mais qui se lance de là vers tant de directions imprévues, mes neurones sont dynamisés.

    La conclusion de leur performance  est gaiement perturbée par deux fous-furieux, Antonin Leymarie armé d’une simple caisse claire et Rémy Poulakis qui fuse dans tout sens avec sa voix et son accordéon. Ils partent illico en valse-musette, accélèrent sans freins, accrochés l’un l’autre de regards intenses, atteignent de joyeux paroxysmes, jubilent et se relancent. C’est un plaisir d’assister à cette chorégraphie du rythme et de la générosité.

    Cosmophonies d’Hubert Reeves et l’ensemble Calliopée, Riz Complet de Sandra Abouav et Alexis Morel, Antonin Leymarie et Rémy Poulakis le 13 juin dans le cadre du festival La voix est libre au théâtre des bouffes du nord

    Guy