Il y a la France d'en bas, des c.d. de Julio Eglesias et des secrétaires -comptables surexploitées, des bibelots sur les étagères et des napperons sur les tables, des catalogues de la Redoute et des portes verrouillées à triple tour, des déjà vieilles filles qui reviennent chez maman tous les dimanches, la France qui ne va pas au théâtre et part en voyage organisé, la France qui voit les années passer et ne sait pas ou ne sait plus comment rêver.
Et il y a la France branchée (à défaut de la France d'en haut), des intellos en surface- actrice médiocre et journaliste raté- qui s'enivre de suractivité, qui se doit de mépriser la France des ploucs afin d'oublier sa propre vacuité. Il faut choisir son camp.
Sur scène, la confrontation de ces deux France est cruellement drôle. Réjouissante et grinçante. Trop pleine d'attentes muettes d'un coté, violente de dédain et méchanceté de l'autre. Aurore Monicard, dans le premier de ces deux camps, étonne une fois de plus, en actrice des silences. Et des silences il y en a, autant que de moments de solitude, autant que de moments d'incommunicabilité avec les deux autres personnages: Françoua Garrigues et Sandra Moreno, qui jouent parfait à l'exact inverse dans le genre odieux et sur-agité. En sublimant les stéréotypes, tant il est clair qu'au cours de cette rencontre impossible les personnages eux-mêmes sont condamnés à jouer un rôle pour exister vis à vis des autres, pour exister tout court.
C'était Les Trompettes de la Mort, de Tilly , mis en scène par Thibault Joulié (Compagnie Infraktus) avec Françoua Garrigues, Aurore Monicard, Sandra Moreno. Au Centre d'Animation Les Halles - Le Marais. Jusqu'à vendredi.