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Alban Richard: passage au noir

Ils font leur entrée sur le plateau en courant, cinq ensemble, déjà en état d'urgence. Est ce pour cela que l'on ressent, spontané, comme une évidence, le sentiment d'assister à un évènement fort et singulier? État de chocs. Direct. Sans ménager de montée en puissance. États émotionnels soulevés comme par une vérité aveuglante et corps déjà projetés au paroxysme, comme par électrochoc. Notre réflexion vient après, si elle peut jamais. Mais pour l'instant juste quatre minutes trente, car alors ils repartent en coulisses, nus encore, toujours au pas de course. Et, quelques secondes plus tard, reviennent: répétition de la séquence.

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Et de nouveau les mêmes, trois femmes et deux hommes, sur les mêmes territoires qu'ils s'échangent sans se rencontrer, par mêmes séquences succédées de mêmes durées: pour chacun courses, stupeurs, bonds, brefs états de beauté-ou d'hébétude?-, courtes langueurs, reptations, évanouissements, brusques retours à la conscience, étirements extrêmes, rebonds nerveux. Furieuses recherches d'état d'équilibre, rompus, ou réactions incontrôlées à d'indicibles émotions. Au pluriel. Cinq trajectoires qui d'évidence souffrent, combattent l'invisible, fragiles et instables, mais comme molécules qui pourtant s'ignorent, concentrées sur elles-mêmes: c'est un tourbillon d'essayer de les suivre en ensemble. Et surgit l'évidence de ressentir beaucoup de ce que le buto fait naître souvent, ici développé avec de tout autres moyens de danse. Ces poses dans le sensible font basculer la complète nudité du coté de la vulnérabilité et de l'émouvant. Les corps sont "vrais". S'exposent premiers et entiers, sans apprêts ou intentions. Jeunes ou peut-être un peu moins déjà, l'important est que cela n'importe plus vraiment. A chaque variation de la séquence initiale de quatre minutes trente, la charge émotionnelle rompt ouvertes toutes voies aux interprétations métaphoriques.

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Mais d'une répétition l'autre, dans les luttes s'épuisent les corps, les lumières se rassemblent au centre et faiblissent, les mouvements se ralentissent pour changer de signification, peut être vaincus dés le début. La musique qui se décharge en flux compacts est trop brouillée pour y accrocher des repères. Cette répétition ad nauseam signifie-t-elle enfermement? Une lutte perdue d'avance? Effets de traumatismes inscrits premiers dans la mémoire immédiate, mais jamais surmontées par la raison ou la volonté, de récurrences en récurrences? Séquences après séquences, de départs en retours, les corps se laissent occulter de pièces de tissu, comme par l'effet d'une contagion par le noir. D'abord tuniques courtes et incongrues qui laissent culs nus ou poitrines découvertes, puis vêtements complets qui étouffent plutôt que de protéger, ensuite robes comme cléricales aux étoffes qui se froissent, enfin pour le pire visages masqués. Les lumières meurent vers le crépusculaire, absorbées par un noir funèbre. Agonies solitaires qui s'agitent encore, presque aveuglées, engourdies par la paralysie. Faute- imagine-t-on- qu'il n'y ait jamais eu rencontres entre eux, qu'ils puissent résister ensemble. Le noir englue. Survivent les faibles ombres des mouvements du début. Seuls survivent les souvenirs de leurs gestes qui agitent les robes noires et raides.

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C'était la création d' As far as d'Alban Richard-Ensemble l'Abrupt avec Cyril Accorsi, Mélanie Cholet, Max Fossati, Laurie Giordano, Laëtitia Passard, lumières de Valerie Sigward, musique de Laurent Perrier, à la MC93, avec les Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine Saint Denis.

Guy

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Photos au coeur du spectacle avec l'aimable autorisation de Vincent Jeannot- Photodance.fr

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