Les néons fluctuent, installent une ambiance très David Lynch. Une manière comme une autre d'abolir le déroulement du temps, avant toute chose. Puis, lumières, et deux danseuses, deux présences douloureuses et crispées, en post-nuisettes transparentes, qui peinent à exister et s'étirent bras tordus. Deux secondes et on a compris: ce sera de la danse organique. On devrait donc aimer. De même qu'on aime Cindy Van Acker.
Sauf que c'est long.
C'est beau, mais c'est long.
C'est même très long.Les lumières flottent, la musique aussi. Les danseuses jouent chacune de leur coté l'allégorie de la naissance. On pense à deux poussins qui émergeraient de leur coquille. On trouve ça très buto, mais c'est sûrement personnel. Si quelqu'un prend des photos, elle seront splendides. Deux, trois spectateurs votent avec leurs pieds. Beaucoup plus se plongent dans la performance yeux fermés. Des sons craquent. Pour tromper la temporalité, on relit le texte de la feuille de salle. Les textes des rencontres du 9-3 (signés Gilles Amalvi) sont bien écrits cette année. C'est suffisamment rare (s'agissant de textes pour des feuilles de salle) pour être relevé. Un peu nourri par ces lignes, on recherche de l'oeil des enjeux, jusqu'à guetter au ralenti et au raz du sol les correspondances qui se jouent dans ce faux duo....
Bref, c'est long.
Jusqu'à ce qu'une stridence ne réveille tout le monde. Bien joué. Mélanie Lane est en position d'attaque, vive et révoltée. Très princesse guerrière. L'image évoque une affiche de film de science fiction, ou une couverture de comics. Elle bombe le torse, part et s'envole, belle et altière. On aime. On ne sait pas si on aurait autant aimé si l'on ne s'était pas autant ennuyé avant. Puis des ruptures et des interactions entre les deux danseuses: on décroche à nouveau. Suit Lisbeth Gruwez, en solo. Plus sauvage, voire féline. Remarquablement âpre, singulière. C'est plus original, on reste plus à distance. Pourquoi? L'amour ne se commande pas.
C'était Il2, d' Arco Renz, avec Lisbeth Gruwez et Mélanie Lane à la MC93 de Bobigny, avec les Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine Saint Denis.
Photo de Mélanie Lane avec l'aimable autorisation de Vincent Jeannot- Photodanse