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Neuer Tanz: Rien de Neuf

Il y a de plus en plus d'artistes sur toujours les mêmes scènes pour à peine plus de spectateurs, chaque semaine une nouvelle chaîne de télévision pour diffuser des rediffusions, et jour et nuit du bruit partout, des dégueulis d'information en ligne pour copier/coller les mêmes rumeurs et/ou communiqués mille fois répétés et cent moins souvent vérifiés, des gratuits dans le métro avec des articles de cinq lignes et des journaux payants- au bord de la cessation de paiements- qui ressemblent de plus en plus à des gratuits, des contrôleurs de gestion qui formatent les f_239.jpgnouveaux produits culturels les yeux dans les yeux des hommes de marketing eux scrutant à coups de sondages quotidiens l’âme d'un public sous influence des publicitaires, et dans les librairies deux fois plus de nouveaux titres chaque année qu'il y a trois décennies et toujours un peu moins de livres vendus (sauf le goncourt qu'on achète pour ne pas le lire). On dit, en riant jaune, que les seuls encore à vivre décemment de leur metier dans le monde de l'édition sont les transporteurs, qui chaque semaine livrent aux libraires de pleins camions de nouveautés et en remballent autant d'invendus: c.a.d les nouveautés livrées le mois d'avant et à peine sorties des cartons.

Pendant ce temps, les dix de Neuer Tanz déballent des centaines de livres pour les disposer sur le sol, jusqu’à pleine occupation du terrain. Avec méthode et frénésie. Pour dessiner au pied de la lettre le vide ou le trop plein d'un paysage culturel désespérant? Ou illustrer littéralement le dicton, selon lequel moins on a de culture plus on l'étale? C'est en tous cas rien de plus que cette activité qui est donnée à voir, ou- pire encore- ce qui en découle en terme de variations chorégraphiques, répétitives jusqu'à l'écoeurement. L’espace visuel est envahi de signes inintelligibles, livres qui jamais ne seront lus. L’espace sonore saturé d’une techno roborative, superposée sur dix platines. Les manutentionnaires y posent à tour de rôle une note de trompette, dos au public façon Miles Davis dernière manière, plus préoccupé de tendances que de musique. Les va-et-vient des personnages dépossédés, sourires figés, entre livres et cartons se transforme en pas de danse sans sens, qui gagnent leurs voisins par contagion. Ce qui est tristement posé est l’impossibilité de l'identité. "I don't want to be anybody" chante l'un avant de ressembler aux autres. La singularité est une maladie mortelle, qui lorsqu'elle fait à terre une victime fige un instant la communauté dans l'effroi et le silence. Mais une femme fatale agonise dans l’indifférence générale, le temps d'une pause sur un mode piano-bar.

L'exposé est implacable, et tout autant indigeste. Ceux qui avaient trouvé le temps long durant la pièce d'Arco Renz tout à l'heure ne connaissaient alors pas leur bonheur. Arrive enfin le moment où tous les livres sont déballés, la scène entière envahie. Alors le vague espoir d’une sortie du purgatoire. Que quelque chose de vrai survienne. Un commencement. Mais les dix entreprennent aussitôt de tout remballer dans les cartons, tout aussi systématiquement: on prend la triste mesure du temps qui reste, autant qu'on a déja enduré. La démarche tient de l’acharnement. On repart comme aprés avoir subi la fastidueuse démonstration de faits dont on était d'avance convaincu.

C'était Das Chrom + & Du, de VA Wôlfi (Collectif Neuer Tanz), à la MC93 de Bobigny, avec les Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine Saint Denis.

Guy

photo du site des rencontres chorégraphiques

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