On va présenter le flanc pour se faire lapider par les sectateurs de la grande prêtresse de Wuppertal, et Dieu sait s'ils sont nombreux.... Mais allons y quand même- et ce n'est pas pour le plaisir sacrilège de dénigrer la demi-déesse. Juste par dépit, par ennui...
Il est tout beau et tout propre, euphorisant, le monde de Pina Baush. Suspendu en douceur dans une ère new age, avec un défilé de jeunes gens souriants et bien faits, c'est presque un défilé de mode. En horizon un mur végétal et une cascade d'eau- l'eau va beaucoup servir. Les belles robes aussi, assorties, pour bercer des nostalgies pastels. Donc les robes sur les danseuses sont bien vite mouillées, ensuite on aspergera les robes, plus tard on versera de l'eau dessus, pour suggérer de belles formes. Et oser une audace inoffensive. Toujours en douceur, et en rythme. Rien ne s'arrête jamais. Dans le flux continu de la musique, aussi ommniprésente que dans un centre commercial, non stop, equalisée dans les tons medium de l'easy listening. On a jamais le temps de s'ennuyer ni de s'interroger d'ailleurs, les interpretes rentrent et sortent en zapping, courent sans drames, voyagent valises à la main, on voyage avec eux du regard comme dans les rues d'un village Potemkine. Les corps sont harmonieux, tout sauf furieux. Chacun y va de son solo en joliesse, sourires obligatoires et imperturbés. A force, l'on sourit aussi, bercé par la musique. Tout est agréable, rien ne surprend vraiment, rien ne peut fâcher. Tout varie pour ne jamais lasser: flirts, clins d'oeil appuyés, beaux portés, déjeuner sur l'herbe, numéro de cirque avec les chaises, courses poursuites burlesques, et encore des robes mouillées...Tout s'évapore comme la fumée des cigarettes. On peut se laisser aller à passer une bonne soirée. Belles et radieuse, les femmes tournent comme des poupée, puis dansent dans les champs (de l'utopie?), comme le commente non sans auto-dérision une interprète. La pub a la vie dure, on a le sentiment de voir un interminable spot pour protections périodiques.
La feuille de salle entreprend de nous conforter en un modèle de tautologie satisfaite: le Théatre de la Ville invite Pina Bausch depuis des décénnies parce qu'elle est toujours venue, on a une chance comme nulle part ailleurs au monde, merci pour sa générosité, CQFD. Pina: c'est Pina. Et, toujours, tout Paris cherche des places. Mais le temps des rentiers est derrière nous. Ce spectacle date de 2000. Ou date-t-il de cette année? Ou de 90? Ou de 2015? Soyons juste: on croit souvent reconnaître des gestes mille fois samplés ensuite par des générations de chorégraphes. Pour celà, merci à elle. Mais ici, maintenant, le savoir faire ne finit par accoucher que de la joliesse et de la vacuité.
C'était Wiesenland de Pina Bausch, avec beaucoup de danseurs et de danseuses, au Théatre de la Ville, jusqu'à bientôt.