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Tartuffe: à l'Odeon Orgon s'enfonce.

Vraiment épatant, tout le monde l'a bien remarqué, ce décor qui, acte après acte, s'élève, pour laisser les personnages s'enfoncer dans des bas-fonds aux murs lézardés. C'est bien connu: dans le cauchemar la maison figure la personnalité. Et celle d'Orgon est de plus en Tartuffe.jpgplus délabrée. Chacun ici perd ses repères: Orgon flou et absent à lui même. Et- moins évident- Tartuffe plutôt vulnérable, victime de ses passions, qu'expert en manipulation. Perdu nous aussi on l'est un peu dans les codes de jeux. Les deux personnages principaux évoluent dans les demi-teintes de la subtilité et de l'inattendu. Mais Dorine en rajoute des tonnes de bon sens et de gouaille. Non sans drolerie, mais où sommes nous? Dans les rimes, dans le non-dit, ou dans les conventions d'un théâtre naturaliste, voire celles d'une comédie de boulevard? C'est peut-être l'hébétude adolescente de Mariane qui réussit à nous surprendre. Et la belle neutralité d'Elmire, qui laisse la sensualité se deviner par transparences. Chacune des partitions- prise à part- est bien réglée. Mais on n'apprend rien de plus qui nous permettrait de mieux comprendre la folie d'Orgon, qui gagne toute la maison. On est pas plus avancé: on s'enfonce. Le décor vient de grimper d'un étage, et les portes aussi: Damis tient son effet et fait rire la salle à bon compte, en ne pouvant sortir par où il est rentré. Justement, on ne sait plus où l'on est. On reconnait l'extraordinaire, implacable, texte de Molière. Rien à dire: impeccablement articulé, respecté à la lettre. Traité avec trop de respect? On n'arrive pas à s'en contenter, sans un engagement vraiment affirmé dans la mise en scène. L'ambiguité géne plus qu'elle ne stimule. Pourquoi ce choix de l'indécision, ce retoilettage de l'oeuvre, par touches de brillant effets? Orgon s'effondre, les murs continuent à s'élever, les personnages à accompagner la chute de la maison Usher. En haut le ciel, en bas l'enfer? Pourtant, il est plus question de folie que de religion, même si Tartuffe finira précipité par une trappe plus bas encore. D'ailleurs on ne sait plus vraiment de quoi il est question. En tout cas, quand on est tombé tout au fond du trou, guêre d'espoir en vue, le Roi justicier et omnipotent nous apparait dans le même costume puritain new look que celui de Tartuffe et d'Orgon. Dans ce décor qui, vu de loin, semble une boite qui nous laisse enfermé.

C'était Tartuffe de Molière, mis en scène par Stéphane Braunschweig, au Théâtre de l'Odéon. Jusqu'au 25 octobre.

Guy

P.S. : La programmation de Tartuffe par Olivier Py en début de saison à l'Odéon est elle une réponse au procés d'intention qui lui avait été fait à sa nomination par Libération sous l'accusation de prosélitisme catholique? 

Commentaires

  • Merci pour vos critiques théâtrales ou musicales toujours intelligentes et spirituelles.

  • Molière ne souffre pas l'analyse psychanalytique!! Le jour où Braunschweig aura compris ça, l'humanité aura fait un grand pas. (Ok, je suis méchante.)

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