Interprètes ou chorégraphes: tous les invités-débatteurs se sont trouvés dans l'une ou l'autre de ces deux positions (ou s'y trouveront). Aujourd'hui pour juger de la relation qui lie ce couple, ils sont donc parties et parties. Et passent d'un point de vu à l'autre, avec agilité. Les discussions tournent un temps autour du sujet... mais vite appuient sur ce qui pose problème plutôt sur ce qui serait motif de satisfaction...
Des composantes ou des déclinaisons de cette relation on évoque donc bientôt ce qui est violence plutôt que ce qui est amour. Ou l'on suggère que l'un n'irait pas sans l'autre! Le débat est dés lors impossible et passionnant, nourri avec un peu de gêne et un certain courage de la part des intervenants, comme on se décide à évoquer des secrets de famille ("Je peux en parler maintenant parcequ'il est mort, mais untel nous jetait des chaises à la figure"). Les non-dits pesent autant que les aveux et les réflexions. Certains, parlant en interprètes, avouent leur désir de soumission, le besoin de s'abandonner. A l'inverse, Olivia Grandville se satisfait qu'avec le temps l'on reconnaisse de plus en plus la part de création qu'apporte le danseur. Reconnaît que la liaison reste toujours dangereuse, sans objet interposé entre les deux partenaires, tel le texte pour l'acteur, la partition pour le musicien. Cette liaison ne peut s'affranchir de la séduction, jusqu'à l'explicite entre sexes opposés ou inclinaisons compatibles....Jusqu'où? Quelqu'un rappelle bien à propos une évidence: cette relation de travail si particulière porte sur le corps et sur l'esprit de l'interprête, l'exige donc entier. Olivier Dubois, Gael Depauw, racontent les exigences du travail avec Jan Fabre, l'engagement exigé, mais pour affirmer avoir consenti à tout et ne rien regretter. Assurent en avoir retiré un grand enrichissement, en étant contraint de repousser leurs limites. Sans remettre en cause leur sincérité, doit on les croire objectifs? N'idéalisent-ils pas l'expérience? Gael Depauw revendique, positivement, d'avoir été "traumatisée". Kataline Patkai, elle aussi, assume tout en tant qu'interprête. En tant que chorégraphe, fait son autocritique, regrette ne pas avoir su exiger assez de ses interpretes en certaines circonstances... ou en avoir trop demandé à d'autres occasions, mais sans en avoir eu l'intention!
Echange aprés échange se dévoile un implicite majoritairement partagé. Qu'il ne peut y avoir de création artistique sans dépassement. Derrière cette assertion se profile une autre, plus contreversée: ce dépassement ne saurait être obtenu sans une dose de contrainte et de violence. J'en doute, mais ma propre expérience de témoin est bien limitée. On en vient à avancer, un degré au dessus, que la création, trangressive par essence, devrait donc s'affranchir des règles du droit commun pour trouver les moyens de sa réalisation... Un autre débat à venir?
C'était le débat Chorégraphe - interprète : une relation particulière. (Comment se module la relation entre le chorégraphe et l’interprète ? Jusqu’où le chorégraphe peut-il pousser l’interprète, physiquement et psychiquement ? Qu’en pense l’interprète? ) avec les danseurs et chorégraphes Olivier Dubois, Olivia Grandville (les Carnets Bagouet…), Thierry Malandain(CCN/Ballet de Biarritz), Kataline Patkaï, sans Loïc Touzé (excusé) et avec la performeuse Gaël Depauw, précédé par la projection de Véronique Doisneau de Jérôme Bel et Pierre Dupouey. Dans le cadre des rendez-vous du Dansoir Karine Saporta, animés par Sabrina Weldman.
Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (C. trav. art. L 1152-1).
Commentaires
bonjour ............
Votre article rend bien compte du "ton" général de la rencontre ............ en revanche , comme un résumé de même qu'une traduction génèrent raccourcis de pensées et inexactitudes,je me permets de rappeler certains "points" sur lesquels je suis intervenue..........Tout d'abord j'ai réagi au terme de traumatisme car évoqué dans "la lettre" de Loïc Touzé , hélas absent......je n'aurais sinon pas choisi ce terme ...peut-être , sans doute , aurais-je parlé "d'électrochocs" , et quoi de meilleurs que ces impulsions électriques , certes parfois violentes , pour vous rappeler , d une part que vous êtes en vie , d'autre part que vous avez , certainement choisi cette pu.... voie d'interprète , afin de l'être encore plus..... en vie ......de plus je tiens à rappeler , sans commentaire superflu mon" intervention finale" pour rappeler que sans terribles conflits ,sans guerres fratricides nous pouvons rayer de la carte moult chef-d'oeuvre de la création ............intrigant pour certains (?) , évident pour d'autres...
car oui la vie est violente... .nous venons tous de cette déchirure initiale.........et quelque soit la nature de ce que nous "produisons".......nous aurons un jour ou l'autre à lui faire face............ce parallèle analyste/analysé suggéré par loïc Touzé ( un absent bien parmi nous......) , je tiens modestement , cela va de soi , que toute "bonne" (et là je ne peux m'empêcher de sourire) analyse se doit d'être traversée par de sacrés séismes..( traumatismes , violences,maelstrom , tortures psychiques : cette terminologie n'aime pas les bornes................ voilà............. quel(s) rapports pour quelle(s) création(s) avec quel(s) interprètes.............l'amour de la douceur engendre sans aucun doute de beaux bébés ...(sourires ).........
relu trop tard mon commentaire , infinimment désolée pour quelques incohérences ou manquement de ponctuation (notamment les ? finaux) , ainsi que la disparition de certains mots ....et surtout surtout pour la synthétisation extrême d'une pensée si compressée que .............
bon , on en reparlera !!!!!
gaël
et surtout continuons à causer !
Merci pour cette réaction, à un compte rendu qui ne restituait qu'un petit peu de tout ce qui s'est dit dimanche, à batons rompus...vous ouvrez un sujet intéressant!
Citer le code du travail ! ! .... C'est bien toi ! ! ...
Bon, se pose effectivement le travail en compagnie ...
Mais ces rapports SM entre chorégraphe et interprètes, quand ils arrivent à se démêler ! ... Cela c'est souvent de l'ordre du combat ! ... de l'affrontement, tout dépend des conditions initiales ! ...
Hors des contraintes banales du travail en commun et des conditions matérielles parfois limites, il y a qqch de l'ordre du défi entre créateurs (je dis cela simplement) et on se retrouve fréquemment si contre la limite qu'on ne peut plus décider de quel coté on se (re)trouve encore ...
Humm, cela fait débat....Je devrais lancer une grande enquête sur "la maltraitance artistique"!
Claude tu évoque des rapports "SM" : c'est bien dit car c'est la question du consentement, du désir d'abandon, qui revient toujours sur la table. L'interprête éprouvé déclare (c'est un peu ce que j'ai entendu dimanche) "le chorégraphe m'a bouculé, poussé jusqu'aux limites..mais j'étais volontaire, j'en avais besoin!". Mais est ce la seule stratégie possible pour suciter le dépassement, je ne suis pas sur!
Aussi, je lis bien ce qu'écrit Gael: pas de véritable art s'il ne rend pas compte de la violence de la vie, s'il n'est pas violent dans les modalités de sa création même...Mais Gael ne décrit elle pas ainsi une esthétique parmi d'autres? "L'amour de la douceur"... pourquoi pas! On peut préferer A Love Supreme à Ascension!
Citer le code du travail, cela tenait un peu de la provocation technique, et aussi de la démonstration par l'absurde: il existe dans tous les milieux professionnels des personnages aux comportements caratériels... mais sans l'alibi de ma démesure artistique! mais qui excuserait tout?
On en parle aussi au Québec :
http://www.voir.ca/blogs/fabiennecabado/archive/2009/05/14/changement-de-cap.aspx
Merci Jérome.
et nos amis québécois nous renvoient à cet article d'evene: http://www.evene.fr/theatre/actualite/metteur-en-scene-choregraphe-tyran-theatre-1754.php?p=2