C'est donc minimaliste, obsessionnel, assumé comme tel. Je comprends vite qu'il ne me sera offert dans la pièce d'Ayelen Parolin que des variations, l'exploration de niveaux d'intensité. Les deux danseurs travaillent à l'unisson, en aller-retour des bras et oscillation du buste, bassins rivés. Dans l'économie du mètre carré au sol. Je peux me laisser enivrer par ces répétitions, ces dérapages trés contrôlés, portés par les martellements rythmiques, les accords, les clusters de la pianistes, ses effets percussifs. Cette apreté ne me déplait pas. Je peux me placer à ce niveau très sensoriel, tenter d'y rester perché, et en même temps ressentir de l'empathie vis à vis de la dépense physique des danseurs, bien mise en visibilité.
Mais je réfléchis... Et je lis la feuille de salle, constate les efforts du rédacteur pour mettre en rapport la pièce avec "la condition humaine, soumise aux impératifs d'efficacité et de rentabilité". Et je prends alors conscience d'être moi même un peu fatigué de chercher encore et toujours du sens à toutes ces pièces minimalistes et répétitives, qui se ressemblent un peu, et dont les plaisirs s'évanouissent vite. Je retombe.
Et, au même programme, Jan Martens. Quel télescopage! Sans crier gare, Jan Martens renverse par terre tout l'édifice spectaculaire. Le performer commence à s'installer désinvolte avant la fin de l'entracte, lumières allumées, consulte son son mur facebook et fait ses selfies, le tout projeté sur grand écran. Puis benoitement, il rédige au clavier ses 13 objectifs pour sa performance de la soirée: être provocateur, classique, minimalisme.... Nous avons beau être en période électorale, lui tiendra toutes ses promesses. En usant d'un humour un peu potache mais réjouissant, d'une approche chorégraphique fraiche, d'une honnêteté radicale: il s'affaire seul à la danse, au son et aux lumières, c'est strictement entre lui et nous. L'exercice est radical et salutaire, les mécanismes de la scène mis à nu. Ce n'est surement pas l'effet recherché (et dans d'autres pièces Jan Martens a autant qu'Ayelen Parolin sacrifié au minimalisme et à l'épuisement du geste) mais il m'est ensuite difficile de repenser à la performance précédente avec sérieux.
Hérétiques d'Ayelen Parolin et Ode to the attempt de Jan Martens vu au théâtre de la Ville le 7 juin 2017
Guy
photo de Ode to the attempt par Phile Deprez avec l'aimable autorisation de la compagnie
A propos de sweat baby sweat et A Small Guide on how to treat your lifetime companion