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donald harrison

  • Black Indians à Bobigny

    Iko, Iko: syncopé une fois, deux fois, trois fois, dix fois, après on ne compte plus. Déborde alors tout ce qui bouillait épicé dans la marmite New Orleans: rock'roll, funk, gospel, blues, jazz, cajun, caraïbe... Cette musique ne tient pas en place, accouchée dans le fracas de la rue, le long des défilés sur Bourbon Street. Mais étouffe trop à l'étroit sur scène ici, et nous le cul calé dans nos froids fauteuils de salle contemporaine. Il faut plus d'un morceau pour s'oublier et s'y croire un peu, bien loin là-bas outre atlantique dans l'autre quartier français. Heureusement il y a pour ouvrir la soirée en chorale une trentaine de gamines du 9-3 gauches et appliquées, superbes, qui scandent Hey Pocky A- Way (des Meters), conduites par une chef de chœur désinhibée qui chaloupe des fesses. A leur droite un commando enthousiaste de percussionnistes locaux. Au milieu- lui louisianais pour de vrai, ou au moins vrai noir américain- assure l'altiste Donald Harrison dans le rôle du pro, mais pour autant généreux. Un musicien tout terrain qui a fait ses classes avec Art Blakley. Il souffle, chante, danse, frappe des bongos et fait le pitre. Tranche des phrases de sax coupantes, courtes et répétées, en crescendo à la manière de Maceo Parker. Appuyé par un quartet de jeunes gars qui oublient de se la jouer: batteur et pianiste discrets, jeune bassiste blanc tiré à quatre épingles, guitariste plus chevronné et aux belles envolées, nspirées franchement jazz. Deux instrumentaux soul mais un peu sages ensuite font patienter. Merci aux gamines du 9-3, qui avaient quitté la scène mais reviennent alors du fond de la salle, applaudir, crier, danser, agiter la salle, faire basculer la soirée. Merci: on se dégèle nous aussi, on se lève. Sur scène ont débarqué deux zoulous à plumes. Sapés au delà des limites. Ces deux ambassadeurs exubérants de Congo Square font chatoyer sur leurs costumes de parade plus de couleurs qu'on ne pourrait jamais décrire ici, ils déchaînent Mardi Gras en plein carême. D'évidence, la danse est message, la présence joie. Le morceau d'un titre à l'autre n'en finit plus: Iko-Iko encore, ou autre chose, on s'en fiche. Prétexte pour Harrison à se lâcher en de plus longs soli qui évoquent la générosité de Sonny Rollins, rapper et danser comme un canard qui aurait fumé un pétard. Prétexte pour tout le monde d'oublier de se rasseoir, la première partie s'achève sur les rotules.

    Avec les Wild Magniolas, la reprise est dure. Plombée en introduction par de lourdes démonstrations de rock saturé par les quatre briscards de l'orchestre. La distortion essoufle. Un peu tard aux quatre coins de la salle surgissent des apparitions saturées de vert, bleu, orange, rouge: une tribu d'indiens noirs emplumés qui rejoignent la scène. On y amène aussi Bo Dollis, Big Chief du Mardi Gras, en discontinuité depuis 1964, mais qui a renoncé ce soir à son trop lourd costume. Il ne marche qu'avec peine, ne cache pas les signe d'une santé en pointillés. S'arrache un ixième « Iko-Iko » d'une voix incroyable et étranglée. La rythmique semble empâtée, les danseurs hésitants et la fête lasse, alourdie par les regards inquiets de tous vers le leader, avant qu'on ne l'exfiltre à la fin du morceau. Dollis junior et l'autre vétéran, Big Chief Monk Boudreaux, reprennent le flambeau sur un blues hypnotique. La musique se détend, les indiens remontent peu à peu la pente, agitent tambourins et plumes sans s'économiser, nous font nous oublier la fatigue et nous relever tandis qu'Harrison revient derrière les bongos. Bo Dollis réapparaît par éclipses hors des coulisses, acclamé avec émotion, reprend le micro pour Iko Iko  encore, authentique et inimité. Ne renonce pas, survit telle la ville qui malgré les ouragans, la violence, et toutes les incuries, toujours fait la fête et ne se laisse pas emporter par les flots. Il nous emporte d'un morceau à l'autre, pourtant toujours le même ou à peu de choses prêt. Miracle du Mardi Gras, comme souvent s'agissant de musique, il s'agit moins d'accords que de générosité et d'héroïsme. On l'aime. Somebody screams...longtemps la banlieue bleue résonne des cris des black indians, quelque part les gamines du 9-3 font les fières, peut-être dans la tête l'orgueil de l'Amérique d'Obama.

    C'était Donald Harrison SAXOPHONE, PERCUSSIONS, VOIX, Gerald French VOIX, Detroit Brooks GUITARE, Conun Papas PIANO, Max Moran CONTREBASSE, Joe Dyson BATTERIE, et les ateliers dirigés par Béatrice Cheramy chant, Pierre Allio PIANO, Vincent Lassalle PERCUSSIONS. CHORISTES des Collèges Pierre Sémard et République, et PERCUSSIONNISTES de Canal 93 de Bobigny, et WILD MAGNOLIAS: Big Chief Bo Dollis, Big Chief Monk Boudreau, Second Chief Bo Dollis, Jr., Spyboy Indian Charles Johnson et Flagboy Indian Isaac Johnson VOIX, June Yamagishi GUITARE, « Geechie » Johnson PERCUSSIONS, VOIX, Joe Krown PIANO, CLAVIERS, Brian Quezergue BASSE, Jamal Batiste BATTERIE, à la MC 93 pour la cloture de banlieues bleues.

     Guy

    Et on peut ré-écouter pendant un mois les concerts sur France Musique