Quand on a déja vu une fois Maria Donato D'Ursose fondre morceau par morceau sur/à travers une table truquée, faut-il retourner la voir tourner dans un anneau géant? Pour dire vrai on se disait in petto que non, ne nous y risquant finalement que sur la sollicitation amicale de JD. Moralité: alors que JD, d'avance convaincu, en ressort trés déçu, nous au départ réticent on en revient intéressé. A se mettre les jambes en haut, la tête en bas, puis au milieu et dans tous les sens possibles, elle a finit par tous deux nous retourner.
Plaidoyer: oui d'accord il n'y a ni recit ni morale. Oui, on frise l'esthétique publicitaire. Oui on constate l'épuisement systématique des procédés. Oui d'accord sur tout, et alors? Il faut accepter de revenir à l'essentiel, écouter cette lente respiration qui nous dit: "arrêtez vous un instant, oubliez et regardez, oubliez que vous voyez un corps comme déja vu cent fois et laissez vous surprendre à voir d'autres choses". On repense aux impressionnistes, aux pointillistes, au cubistes, qui réinventaient la forme humaine et le nu. Ici nait un projet du regard au ralenti, à la fois voisin et à l'exact opposé du travail de Claudia Triozzi. Cette dernière jouait sur le plein, la surcharge et l'accumulation. Maria Donata d'Urso épure jusqu'au presque rien, la rencontre de formes qui se détachent en ombres sur le fond. Après les rondeurs de sa précédente Collection particulière posées sur un plan horizontal, ici des lignes brisées de corps qui naissent d'un point de départ foetal, s'élancent et se replient au sein de la rondeur faciale d'un cercle protecteur. D'une performance l'autre la stratégie visuelle se poursuit mais les effets sont loins de se répéter. Bien sûr, on somnole un peu- la bande son est spatiale et la vision floutée- puis on est réveillé par un éclair opportun ou, à coté de nous, par les manifestations d'impatience de JD. Mais une fois qu'on a renoncé à attendre quoi que ce soit, on accepte que des images apparaissent, contours dessinés par les membres, les replis, les chairs de cette femme nue. Les caractères mystérieux d'un alphabet féminin, les aiguilles d'une horloge organique à contresens du temps, les pinces d'un mollusque indolent, une respiration qui lourde s'impose et fait ressentir l'existence du dedans, une pupille palpitante de lumière au centre d'un oeil géant, un personnage au bord d'être emporté par la tempête, pour finir une femme qui médite perchée sur un croissant de lune. L'anneau est un portail vers d'autres dimensions, comme le savent tous les amateurs de fiction: quand la danseuse disparaît d'un coté, alors qu'elle réapparaît, c'est transformée...
Tiens, c'est fini, déja ou enfin. Pour la prochaine performance, plutôt que pour le carré on pose un pari sur la sphère transparente et suspendue. Ou le ruban de Moebius.
C'était Lapsus ♥♥♥♥, par Maria Donata d'Urso, au CND de Montreuil, avec les Rencontres du 9-3
Guy
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