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Danse

  • L'Eden d'avant Adam

    S'imposer sur scène dés avant l'arrivée des spectateurs, avec tant de force et sérénité, c'est d'abord affirmer une sensation de réel, une continuité d'avant la représentation. Un état stationnaire. Aussi déjouer d'emblée par la nudité en pleine lumière, toute interprétation érotique pour s'affirmer ailleurs. D'évidence dans le domaine du féminin, de la communauté, en toute égalité. It's a woman's world.
     

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    Tranquilles, elles mangent: pommes, raisins, fruits du jardins... Est-ce ici une utopie? Dans cet Eden: ni homme, ni péché, ni serpent et c'est bien ainsi, pour laisser place nette à d'autres enjeux. Le texte de Monique Wittig me traverse sans vraiment m'éclairer, comme musical il me laisse des repères évocateurs. Ces mots me renvoient à la sororité: diversité des corps de tous âges et tempérament, des peaux claires ou mates, mais que les gestes unissent. Ce soir les regards, mouvements et énergies de chacune semblent s'offrir avant tout au groupe. Nous en sommes les heureux témoins, à l'orée de la clairière. La communauté se constitue en cercle, se divise, apprend des contributions de chacune, s'étire et revient. Ces modulations s'épanouissent avec une grande richesse. Les bassins ondulent lents, les protocoles se transmettent en duo-miroir, figurent des échanges d'où rapports de force sont absents. Il y a de la vigueur pourtant, quand les amazones s’entraînent pour un combat qui ici n'aurait pas à être livré, courses, rougeurs, sueurs et claquements. Mais une vigueur joyeuse, sans violence. Avec amour.
    Sans doute qu'on ne nait pas sœurs, qu'on le devient.
     
     
    Amazones: conception et chorégraphie Marinette Dozeville. Interprétation Léa Lourmière, Elise Ludinard, Florence Gengoul, Frida Ocampo, Delphine Mothes, Lucille Mansas, Dominique Le Marrec. Musique Dope St Jude. Voix Lucie Boscher, Dope St Jude. Conseillère artistique Julie Nioche. Dramaturge Rachele Borghi.
     
    Vu le 2 février au Carreau du temple avec le festival Faits d'hiver
     
    Guy
     
     
    Photo de Marie Maquaire avec l'aimable autorisation de la compagnie
  • Low art, high art?

    Vulgaire, ou sexy? Réduit à ce dilemme, l'inventaire moral des poses de pole-danse tourne vite à l'absurde et au comique. Mais Solène Cerutti sort avec humour la barre (phallique?) du cadre, et entreprend de traiter la discipline controversée manière danse contemporaine. Mal vue, car les origines strip-teasantes du genre le rendent d'emblée suspect aux yeux féministes. 
    La chorégraphe s'emploie à secouer les préjugés, sur la tige de l’ambiguïté. Par la danse, avec les mots. Que faire de ces enroulements pas forcement lascifs, de ces acrobaties autour de la colonne? D'où les voir? Dans ce travail en cours, la chorégraphe travaille déjà finement notre regard sur ses mouvements, polarise ce regard justement. Le sexualise... ou pas. Elle déplace par moment notre ressenti vers l'esthétique, il lui suffit d'une suspension improbable-un exploit circassien- pour échapper à toute catégorisation trop facile. Autre direction, elle donne à voir son propre regard critique sur son corps en action, dans les canons.
    Quel sens prendra ce travail déjà passionnant? Celui d'une réappropriation féminine? A voir en 2021.

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    Sandrine ou comment écrire ENCORE des spectacles quand on est féministe (et qu’on aime la pole dance) , travail en cours de Solène Cerutti vu à Point Éphémère le 9 octobre dans le cadre de la plateforme professionnelle Danse Dense.
     
    Guy
     
    Photo d'Alexandre Barre avec l'aimable autorisation de la compagnie
  • Good Vibrations

    Des mois de grisaille, enfermé, le printemps confiné. Puis le temps de la lourde lumière de l'été, la canicule qui nous fige dans l'oubli.

    Ce soir enfin reviennent les mouvements, les rythmes, les couleurs. A recevoir en plan d'ensemble, à explorer, de loin, de près, en s'égarant dans le mystère des textures, des autres réalités. Ces couleurs, les danseuses s'en saisissent à bras le corps, s'y glissent, les éprouvent, s'y faufilent. Elles renvoient les vibrations qui irradient des œuvres partout aux murs, ou offertes au sol, elles jouent avec le vif des tissus. Qui s'envolent et nous éclaboussent de vitalité. Ça a commencé- on ne saurait dire vraiment quand- sans frontières, aux hasards de la musique, de même que cet espace ouvre assez de génerosité pour nous faire oublier le dehors du dedans. Ça restera beau, toujours inachevé, sans cesse à recommencer. Une minute de danse trouve sa place dans l’œil d'une camera, mais autour le mouvement s'étend, renvoyé d'un corps à l'autre sans plan ni contrôle. On ne demande rien, prêt à accepter, on se laisse porter, bien.

     

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    Reciprocal de Bernard Bousquet, installation et performance avec:  Musicien.ne.s : HBT, Laurent Melon, Reïne
    Danseur.se.s : Maita Aubel, Link Berthomieux, Léa Bridarolli, Sijia Chen, Isabelle Clarençon, Lea Dasenka, Éléonore Dugué, Frida Enciso, Lucile Grémion, Lucas Hérault, Delphine Jungman, Malou Linocier, Federica Miani, Biño Sauitzvy, Yvonne Smink, Eneas Vaca Bualo, Nadia Vadori-Gauthier
    Stylisme : Token Monde

    Vu le 12 septembre 2020 au Générateur

    Guy

  • Spectacle vivant

    Le spectacle vivant se voit, vit et se meurt à chaque instant. (A son sujet écrire ne sert à rien, ni tenter de retenir, mais pourtant encore ici j'écris, avant d'oublier....) 
    Donc maintenant sur scène Christine Armanger, en douceur, vit, égrène les instants - ce soir nous en partageons ensemble 2900 -pour les laisser s'enfuir, elle mesure ceux écoulés depuis sa naissance. Considère les états de soi depuis alors: enfant, fille, jeune femme... et  tous ceux à venir jusqu'à la mort. La mort. Le mot est lâché. En toute lucidité.
     
    Il y a d'abord une incroyable audace, regarder la mort en face, au mépris de toute considération commerciale en faire d'emblée le sujet de cette proposition, ni juste un ressort dramatique, ni l'angle mort du récit.
     
    Il y a le regard, calme et résolu, cette lucidité. Ni pathos ni détachement. L'ironie œuvre en toute intelligence, à l'inverse d'une dérision qui viendrait miner le propos. A vue méditent les vanités: le crâne, ce train électrique qui roule inlassablement...  La voix raconte et renverse les points de vue, le corps s'engage en nudité dans des tableaux saisissants pour échapper à l'étroitesse du présent. Sont évoquées sur ce thème les sensibilités des siècles passés, de l'effroi à la truculence, dans une indispensable relativité. Jusqu'à l'ultime rendez-vous, quand entre le personnage tant attendu: M le maudit.
     
    Il y a enfin la vie, et toutes les surprises que celle-ci peut réserver. Ce soir très particulier, le corps de la performeuse est fort d'un enfant, à quelques jours de la délivrance. Extraordinaire circonstance pour la création de la pièce, celle-ci ayant été conçue antérieurement. Les formes puissantes du ventre, des seins, disent, encore plus que les mots, des millénaires de filiations, remettent le sujet en perspective. C'est plus de la vie que de la mort dont elle parle ici.
     
     
    Guy
     

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    Photo GD

  • Festin froid

    L'espace se déplie sobre, respire comme celui d'un jardin zen, insensiblement: quelques objets, juste elle. Autant de possibilités silencieuses pour un récit en pointillés. Ce plan elle y obéit, avec quelle logique? Ne pas mettre les équilibres en péril, ne pas déranger cette cérémonie composite. Au corps de la performeuse de se plier en poses pour prolonger la stricte géométrie des choses, de supporter sur la pointe des pieds le poids de l'enclume. Les gestes en ordre. Elle est si proche, mais seules les rumeurs du dehors troublent l'ailleurs de cette étrange temporalité. Le kimono est sage, il se gèlerait ici tant de distance, s'il n'y avait parfois l'ombre de ce sourire sur son visage. Sans une plainte, sa bouche porte la lame du couteau, alors qu'elle se renverse: frisson et danger. Soudain, et sans ciller, l’oignon est offert en sacrifice. C'est un festin froid, d'une ironique frugalité. Nature morte: seules les lumières soulignent l'émotion. Durant ce parcours somnambulique, mon attention pourtant ne faiblit pas, même si ma raison reste coite. Le partage s'affirme enfin avec un verre de vin.

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    Not I de Camille Mutel, vu le 28 janvier 2019 au Point Éphémère dans le cadre du festival Faits d'hiver .

    Guy

    Photographie de Charlène Yves avec l'aimable autorisation de faits d'hivers

    A propos de Camille Mutel

    A propos de faits d'hiver

    propos de Point éphémère

     

     

  • Seule, ensemble

    Soulèvement: le sujet serait dans le titre. Mais n'est ce pas paradoxal de danser la révolte en solitaire? Toute seule (et soulevée?), la chorégraphe et danseuse, sous les regards bi-frontaux des sages spectateurs de Chaillot. Sous des clameurs enregistrées- de meetings, de match, de concert? - le personnage de la jeune femme de tout son corps s'emporte et s'excite. Cette rave est-elle un rêve, un fantasme dansé en chambre? Une contagion paradoxale par l'ivresse collective, les écouteurs aux oreilles, regard en dedans? Chacun est star dans son miroir, ou dans son selfie: le personnage se transforme Mylène Farmer par escalade de play-back, boots, bonds et fringues argentées. C'est plus que physique, c'est jubilatoire.
    En s'appropriant une culture très populaire Tatiana Julien fait le grand écart avec les voix enregistrées de Gilles Deleuze et autres Edgar Morin, hédonisme frivole et sérieuse politique se superposent. Dans l'audience séduite mais impassible, je tape du pied et m'interroge à rassembler ces contrastes en une cohérence, tandis que la performeuse danse seule, et toujours plus fort, ce qui ailleurs remue habituellement en groupe. Cela nous suggère-t-il que, peu importe le sujet social en jeu, il ne serait que prétexte, le soulèvement serait lui la rencontre et l'exécutoire des trop pleins d’énergie? 
    Lorsque la transe l'a portée jusqu'au bout de l'épuisement, la danseuse devenue boxeuse, prend voix- et c'est un moment fort- pour porter les mots de Camus, partager la difficulté d'être au monde, seul ou ensemble. Et elle trouve peut-être la réponse en une nudité surprise et joyeuse, pour sauter, glisser et bondir dans le public souriant et complice, lui distribuer des câlins mouillés. In extremis, par cette belle rencontre et le concours bienvenu des incantations de Patti Smith, le passage au collectif est bien consommé.
     

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    Guy
     
    photo d'Hervé Gozula avec l'aimable autorisation de la compagnie
  • Corps et cordes

    Depuis Man Ray, qui peut encore ignorer les correspondances entre le violoncelle et le corps féminin? 
    Ce soir la rencontre se fait à nouveau, une fusion qui s'opère en trio: deux danseuses et un instrument. Qui évoluent ensemble avec délicatesse et fragilité, entre les trois on ne pourrait glisser une feuille de papier. Le regard creuse les gestes, interroge ces interdépendances, et refuse toute impatience à voir ces lentes évolutions, prudentes. Ces mouvements se vivent sur le mode des sens sans facilités, de la profondeur, sans brusquerie comme de peur que l'instrumentent en suspend ne tombe, que le charme ne se rompe. Refus du spectaculaire, temps retardé et pesanteur abolie, mais dans l'espace concentré au milieu de l'obscurité prospèrent les détails: rondeur de la chair démentie par l'aigu de l'archet, vertèbres dorées des dos nus en harmonie avec le vernis ... Rien autour si ce n'est l'obscurité pour laisser le champ libre à l'espace musical. Cette dimension s'avère essentielle, consubstantielle. La note tient, ample, consistante. Sa vibration constante installe la permanence. Née du frottement des cordes, elle s'amplifie, se renforce d'harmoniques et entoure les corps en retour, leur rend le sens, nous aussi plongés dans ce cocon de son.

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    Marsyas de Flora Gaudin, vu au Point Ephémère le 25 octobre dans le cadre du festival Zoa
     
    Guy
     
    Photo de Jeff Humbert avec l'aimable autorisation de Zoa
  • L'homme est-il bon?

    Ils reviennent loin avant. Profondément. Avant la culture, avant le langage, les vêtements, avant les codes sociaux qui ordonnent les distances entre leurs corps. Les sept performeurs dansent le retour à un état premier. Impossible utopie, nus, ils la tentent.
    C'est dire qu'aucune construction d'ensemble n’apparaît, mais des évidences crues: chacun laissé libre de creuser obsessionnellement sa gestuelle, sa frénésie, son obsession. chacun explore des gammes d'émotions comme vierges: excitation, douleur, agressivité, plaisir, sexualité... Mais un trait d'union: le rythme des percussions qui fait converger les danseurs dans un même crescendo. Et la scénographie brute des tas de bois, dans l'espace  bétonné du sous sol du C.N.D.. On y voit une représentation évidente du niveau zéro de la sociabilité, celui du rassemblement primitif autour du feu. ce dispositif induit un premier embryon d'organisation, des rondes qui vont tout autour s'accélérant, et le bois devient accessoire, arme, instrument, alors que les performeurs partout se déploient.
    Se pose la question de la relation. De la relation entre eux, sans que la notion de méchanceté mentionnée dans le titre ne m'apparaisse évidente au vu des interactions que j'observe. J'y vois surtout de la rudesse, mais de l'innocence. Le groupe tend à exister, interagir, se structurer, peut-être avec des dominants/dominés, des pulsions, on ne peut le nier, mais sans intelligence. Des idiots ensembles. Surtout quelle est la relation avec nous, qui avons été invités dans le même espace réduit qu'eux, sans sièges, ni conventions ni repères. Les plus prudents collés aux les murs, les plus téméraires assis au milieu. Où se placer, se déplacer, par rapport à ces corps dénudés? Nous sommes fascinés et embarrassés, confrontés à ces démonstration de force et de puissance, bousculés sur le trajet d'une horde suante, au delà de l'épuisement. Pas le temps de spéculer sur des implications politiques. Le rythme nous gagne aussi, à leur unisson, sans repères temporels. Gardons nous cette distance, sommes nous tentés nous aussi par la sauvagerie ? 

    C'était A Invenção da Maldade de Marcelo Evelin vu au C.N.D. le 15 octobre 2019

    Guy

  • Retour dans la forêt

    Comme le montre ce soir l'interview perplexe de Viviana Moin par une journaliste nommé Héléna Villovitch (d'ailleurs interprétée par Héléna Villovitch), son art de la scène échappe toujours aux catégorisations, faisant semblant de s'excuser, éternellement en travaux, en expérimentation sans prétendre être expérimenté. Les champignons, les sujets graves et chansons gaies prospèrent dans cette indétermination, au cœur de la forêt profonde de la création. Les placards en préfabriqué y retournent à l'état sauvage, déstructurés à coup de scie mécanique, à la recherche de nouveaux agencements. Moyennement rassurante, Viviana feint avec drôlerie de ne pas être ici en représentation, avant par surprise de nous y replonger. Il s'agit avant tout de savoir retourner dans un délicieux état d'enfance, avec assez innocence pour ne comprendre dans un discours politique que des absurdités, avec assez de simplicité pour faire semblant de boire du thé dans des tasses imaginaires. Jubilation.

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    Passiflore et champignons dans la forêt profonde de Viviana Moin vu au carreau du temple le 14 septembre 2019 avec le festival Jerk Off

    Guy

    Photo Nicole Miquel

  • Sous le Niqab

    Elle danse pour celles qui n'ont pas le choix. Elle tente. Malgré le niqab qui entrave le mouvement, frontière qui clos le regard et l'échange, abolition du corps, enfermement blanc. Le tissu pèse du poids de siècles de patriarcat. La musique oppresse. Par la mince fente, les yeux se noient, émergent. Je dois deviner, vaincre le malaise, guetter ce qui s'évade d'humanité, toutes formes dérobées. Je vois des songes, des affaissements, des désordres, des renoncements, la réduction de la chair à la géométrie, pur triangle, une abstraction desséchée. Les sourates décrètent à l'écran les règles à rallonge de la pudibonderie.
    Mais se manifeste une résistance, une lutte, la main qui émerge. Et même des signes d’espièglerie. La femme ose la transparence, la lumière devient plus puissante que l'obscurité immaculée du tissu. Une séance de pliage vire à une danse frénétique. A force de se déhancher le corps se libère joyeusement. 
    Enfin vient le temps du choix tranquille et souverain des ornements, et de chanter une évidence: It's a man world. 

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    A ce solo poignant de la chorégraphe d'origine tunisienne fait écho un autre manifeste de féminisme et de féminité. La pièce est construite d'émotions et de sensualité, orientale et contemporaine, l'imaginaire niché dans le décor reproduction de l’alcôve d'un palais . Les 4 jeunes interprètes du ballet de l'opéra de Tunis qui reprennent cette pièce assument le défi que représente pour une femme de danser dans un pays arabe aujourd'hui.

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    Manta et Bnett Wasla de Héla Fattoumi et Eric Lamoureux, vu le 18 avril au théâtre Jean Vilar de Vitry sur Seine .
     
    Guy
     
    photos par Laurent Philippe avec l'aimable autorisation de la compagnie