On se sent dés après les premières minutes un brin intimidé par le travail de Claudia Triozzi. En lui reconnaissant le mérite de se situer d'emblée loin au delà de la danse. De la danse tel qu'elle est généralement présupposée, telle qu'elle nous est donnée à voir, le plus souvent. Ici pour une fois au moins, parler de recherche n'est pas un vain mot. Comme dans "Plus ou moins l'infini",mais d'une toute autre manière, l'enjeu se détourne du corps et de ses mouvements, prend du recul. Plan large sur la mise en situation croisée des matériaux scéniques et perceptifs: corps et décors, lumières et sons. Jusque là on reste dans les paramètres ordinaires du spectacle, mais la différence est qu'ils sont ici imbriqués à un rare niveau de sophistication. Et sans progression dramatique, qui s'incarnerait en un sujet, qui s'imposerait vraiment. On met un temps à accepter cette règle du jeu.
Mais que voit on alors? La mise en scène d'états évolutifs et flous d'un milieu contrasté dont la danseuse, de dos le plus souvent, n'est que l'une des composantes. Jusqu'à parfois s'effacer, par effet d'illusion. Durant l'exploration de ce labyrinthe baroque de musiques, de formes et de couleurs, la matière visuelle et sonore mise à contribution est d'une exceptionnelle richesse. Pas de ligne elliptique, mais au contraire de l'accumulation, du tout-plein, du luxueux au luxuriant. Ce sont les modifications de l'environnement- de magnifiques toiles imprimées sur des colonnes qui pivotent, motifs baroques, forêts, cascades, villes, intérieurs bourgeois- qui commandent les transformations de la danseuse. Progressant au vertical sur les degrés du décor, celle-ci abandonne chaque fois sa robe précédente pour en découvrir une nouvelle, imprimée des mêmes motifs que le fond. C'est visuellement troublant, même jusqu'au vertige. Le sonore est au même niveau d'originalité, d'humour froid et d'exigence. Heurté et atypique. Cerébral à l'excès? Selon l'adage, quand on met un caméléon sur une couverture écossaise, il risque d'exploser. Et le déroulement est d'une lenteur obstinée- ce qui nous rappelle avec soudain un peu d'hésitation qu'on ira revoir bientôt Maria Donata D'urso. Mais ce sera une autre soirée, l'enjeu est pour le moment de trouver assez de relaxation, ou d'exigence, pour mériter de regarder.
C'était Up to Date ♥♥♥♥ de ..., au Thêatre de la Commune à Aubervilliers, avec les rencontres chorégraphiques internationales du 9-3.
Guy
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P.S. du 11 mai: plus efficace que toutes les tentatives d'explication, plus haut une belle photo, avec l'aimable autorisation de Raphael Pierre
P.P.S. du 12 mai : voir plus bas le commentaire de Cyril Seguin qui rectifie et precise le rôle des différents intervenants pour la création des décors. On en profite pour proposer un lien sur l'échange entre Claudia Triozzi et Vincent Dupont à propos d'Up to Date sur le site des laboratoires d'Aubervilliers
PPPS du 13 mai: à la demande des intéréssés, écrivons une fois pour toutes qui fit quoi:
Conception, interprétation, scénographie: Claudia
Triozzi.
Musique: Haco, Michel Guillet (électronique), Claudia
Triozzi (voix et textes)
Costumes: An Breugelmans
Lumières: Yannick Fouassier
Conception technique et construction décor: Christophe
Boisson
Textures du décor composées par Jacques Ninio.
Régie Son: Samuel Pajand
Régie vidéo: Romain Tanguy
Construction: Damien Arrii
P.P.P.P.S du 30 septembre: Claudia Trozzi à Nightshade: c'est ici