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  • 102 bougies pour le buto

    Dans deux ou trois semaines, tout le Paris qui ecrit parlera buto. Pour la simple raison que Boris Chamatz présentera au Théatre de la Ville , avec Jeanne Balibar, La danseuse Malade  , pièce inspirée par des écrits d' Hijikata.

     

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    Prenons de l'avance. Pour se vacciner contre toutes les variations hasardeuses autour d'Hiroshima, et fêter les 102 ans demain lundi du vétéran Kazuo Ohno, quelques lignes de notre ami Claude Parle à propos de ce qui se passe ici et maintenant:

     

    Samedi et dimanche, deux présentations de travail à la Fond’action Boris Vian, Cité Véron dont on peut dire qu'elles augurent de ce qui pourrait être un "post-Buto" ...

     

    Joan Laage est tout à fait surprenante et fonde sa pièce sur une opposition de personnages …

    On voyage comme à la poursuite du « Hollandais Volant » pour atterrir, un peu brutalement avec une ombre féminine qui s’enlise pour se diluer dans l’espace …Musique étrange …Vivaldi à l’accordéon, puis évolutions électro minimalistes pour finir avec un chant particulièrement prégnant …puis tout à la fin l’accordéon… back to the future ? …

     

    Masaki, impressionnant, comme toujours, traîne avec lui la carcasse ravagée d’un mendiant boiteux dont un bras ne fonctionne pas …Les démons surgissent à foison de ce corps ruiné, l’agitant des spasmes de leurs infernales possessions. La musique … entrelacs de grillons et de sons déformés de la Symphonie N° 3  d’Arvo Pärt… Un monde en cours d’enfouissage ? ou déjà englouti ? toujours aussi étonnant …

     

    Quant à Moeno, elle a présenté deux pièces fort différentes …

    La première, en silence, toute en tension pointe en un effort incessant et désespéré le corps, comme inerte vers un semblant d’incarnation … Mais la durée de la pièce ne permet d’augurer d’aucune vie concevable …La danse est magnifique ! …

    La seconde, accompagnée par Claude Parle, autorise, par la musique, l’irruption du corps comme volonté de mouvement … A un stade de la performance, Moeno à contre jour de la fenêtre, semble mue par la poussée d’Archimède d’une musique tissée de micro tonalités évoluant vers les accords et vers l’aigu comme un arbre qui tombe, prouvant par là qu’une musique même médiocre (1) peut porter le danseur à une certaine force d’évidence lorsqu’elle agit à bon escient ! …

     

    Sur quels axes en effet tourne ce buto contemporain qui ne cesse de s'actualiser ?

    D'abord autour d'une évidente volonté de représentation et d'un argumentaire, qu'il soit narratif ou purement suggestif

    Ensuite l'utilisation d'un espace structuré comme un dévoilement de la construction narrative-représentative

    Le fonctionnement, l'utilisation de la musique comme élément

    L'utilisation du corps comme matériau, comme matière.

    On connaît bien le travail de Sankai Juku qui utilise la scène comme un espace de représentation avec une trame qui si elle n'est pas à proprement parler narrative donne au moins le sentiment d'une évolution historique de la pièce. Mais les principes esthétiques et scéniques en font un travail qui est plus proche du ballet (voire même ballet classique) que de la volonté de déstructuration de l'espace propre au Buto.

    D'autres formes s'apparentent plus au théâtre dansé ( Ariadone,  années 70 ; Yumiko Yoshioka à Berlin )

    D'autres encore (Atsushi Takenutchi) renouent avec une forme invocante du sacré

     

    La musique, comme élément au sens où il s’agit d’une action sur la matière même de l’espace (et du temps)

    Généralement les danseurs utilisent de petits sons ou bien des sons déformés, plutôt qu’une musique « de scène » ce qui, avec le silence comme élément de tension contribue à tisser avec l’espace de représentation un univers projectif spécifique.

     

    Le corps, comme matériau plutôt que moyen est une grande caractéristique de ce Buto contemporain …

    Masaki est un très bon exemple de ce type de fonction … Maki Watanabe parfois…

    Difficile en peu de mots de cerner cet aspect. C’est un corps de transformation mais au sens du déroulement de la pièce. Support des paysages intérieurs mais direct, sans artifice …Kazuo Ono insistait tout particulièrement sur l’interdépendance des êtres, des éléments, Akira Kasai avait un rapport tout à fait original sur ce point …

    Tous ces gens sont la force d’un buto contemporain qui à force de chercher ce qu’il devait être a fini par déboucher sur ce qu’il est maintenant…

    A suivre …

     

    Claude Parle

     

    (1) Ce qui prouve que Claude, musicien et performeur tous terrains, est également d'une irréprochable modestie...

     

    Guy

     

    A voir aussi un regard plus extérieur ici.

     

    A voir lundi 3 novembre Hijikata à la cinémathèque de Paris

     

    photo de Moeno Wakamatsu par Jerome Delatour (Images de Danse) avec son aimable autorisation, prise lors d'une performance antérieure dans le même lieu.

     

    PS. Le jeu du jour: trouver Claude et Guy, cachés dans cette vidéo de Moeno d'octobre 2006

     

  • Mildred Rambaud, au coeur de la matière

    Il arrive rarement, trop rarement, qu'une performance s'impose brusquement à l'oeil et au coeur avec la force et la beauté de l'évidence. 57115615.jpgÉvènement insoupçonné l'instant d'avant, indispensable dés la première seconde, ensuite 15 minutes essentielles. Qui n'auraient pu être autrement, avec une telle simplicité. La danseuse debout, portant bras au dessus de la tête un vase lourd et humide de terre, à la forme féminine. Cette matière encore instable vit et se courbe, et les épaules sous le poids. L'eau de la terre suinte le long de la robe brune contre la peau. Le corps de la femme devient matière originelle, la terre sur la peau glisse par devant et s'affaisse, s'éffrite, se rompt, par fragments sur le corps vers la bas, les jambes se plient, le regard part au delà. La terre s'assèche, les gestes sont douloureux. C'est une lente fusion organique, une métamorphose jusqu'à terre, un retour tout près de l'être avant qu'il ne se relève. L'ensemble ne se voit plus en gestes que le regard critique pourrait appréhender, mais en en états élémentaires. Ne transporte plus ni joie ni douleur. Une sérénité première?

    C'était Pot, ♥♥♥♥♥♥  de et avec Mildred Rambaud, présentée par Moeno Wakamatsu, et durant la même soirée: Kiyoko Kashiwagi (Métamorphose),  tombo (Atari) Chirstos Vlassis avec Gen Shimaoka (Kreonta), et Moeno Wakamatsu.

    Ce soir encore, à la Fond'action Boris Vian

    Guy

  • Moeno oiseau, corde, pilier

    L'aube du cinquième jour se lève à l'identique sur cette scène, la veille abandonnée au crépuscule. De dos une femme est assise sur la même pierre de craie. Sur la courbe du dos nu s'écoule le noir de l'encre à nouveau, goutte après goutte. Inscription d'un sens mystérieux, ou souillure, l'encre marque en tous cas le prélude muet à une nouvelle métamorphose. Un lent déploiement d'ailes invisibles, qui nous emmène très loin de l'humanité, mais prés de l'émotion à s'y brûler, qui fait basculer la forme en un constant déséquilibre. En suspension démesurée à un fil, la marche est impossible. L'image s'impose de l'albatros de Baudelaire.

    La sixième soirée commence comme endormie encore, les fenêtres grandes ouvertes laissent rentrer comme un souffle de fraîcheur les rumeurs du dehors d'après la pluie: chants d'oiseaux, cri d'enfants, conversations assourdies, échos de chansons perdues. La danseuse, à la robe ample, est ailleurs, et humaine à nouveau, différente plus que jamais. Les gestes sont inédits, surprenants, d'une violence peut-être plus exprimée: sauter contre un pilier à s'en meurtrir, s'y enrouler, s'en servir comme appui pour s'imposer d'incroyables retournements.  

    Septième départ, en robe noire et une corde est tirée. Des gages d'humanités. Le même chemin est parcouru, qui se rompts toujours au départ par une chute, mais jamais dans les mêmes pas. On est très loin ce soir des performances du début, épuisées d'elles-mêmes, disparues dans un don éphémère. Le corps s'étire moins, renonce à la rupture, regardant vers lui-même. La danse se fait moins physique, plus sobre, tendant un peu plus vers le jeu et le mime.

    C'était "Ailes d'os d'un oiseau de compassion", "Ce qui est brisé garde le silence entre ombre et lumière", "Une ombre accrochée sur un ongle ensoleillé", par Moeno Wakamatsu, 5°,6° et 7° chapitres du cycle "Obscurité de Verre".

    Le 8° et dernier chapitre: Un corps agonisant atteint à peine un chant, c'est mercredi prochain à la Fond'action Boris Vian

    Guy

  • Mana Hashimoto: entre le ciel et l'enfer

    C'est un étrange parcours, patient, sinueux, que la danseuse dessine à pas mesurés, et conclut en quasi apesanteur. En a58d1c18aab2b672bb84fa381b5bddd0.jpgdessous, au dessus, autour, par basculements gracieux, d'un étrange hamac en équilibre entre ciel et terre. Une juste place enfin trouvée. Lenteur et sérénité. La suspension devient rêverie, sublimée par les jeux de lumières. Une fois redescendue sur scène, la danseuse revient vers nous au plus près et au plus simple. Tout pathos ici est absent, un temps pour la sérénité, cette danse nous apaise, son calme est contagieux.

    Il faut évoquer la cécité de Mana Hashimoto. Non pour verser dans le sensationnalisme. Encore moins pour solliciter de la complaisance. Mais pour souligner combien cette particularité transforme le rapport attentif qui se tisse, le temps de la performance, entre elle l'artiste et nous les spectateurs. D'une qualité très particulière.

    C'était "Sous un ciel variable à la poursuite du fil d'Ariane" de et avec Mana Hashimoto, invitée par Moeno Wakamatsu à la Fond'action Boris Vian.

    Guy

  • Flavia Ghisalberti: une lune dans le caniveau

    Un clochard qui d'un coup s'effrondre, c'est de la danse contemporaine, dixit Thierry Bäe.

    Mise en application, mais un peu trop appliquée: elle et lui titubent à deux en talons-aiguilles, bas déchirés et imper ramasse-poussière. Coule sur la peau la vinasse en gros ruisseaux, goulot forcé entre les dents- geste galant version amour vache?- gigle la chair de l'orange, entre sueur et salive, avant de choir hagard et torturé à poils ou à peu près

    Etc, etc.. dans le genre premier degré, sans surprendre ni transporter, on tue l'évocation à force de coller à la représentation. Sans surprendre ni transporter. On se recule un peu pour éviter les éclaboussures- Maman nous a dit il y a longtemps qu'il ne faut jamais jouer avec la nourriture. On rentre chez soi, et on ouvre plutôt Conte d'Asphalte, d'Anne Calife.

    C'étaient Flavia GHISALBERTI et Grigory GLAZUNOV dans ZERO, invités par Moeno Wakamatsuà la Fond'action Boris Vian.

    Guy 

  • Moeno Wakamatsu: eau, baton, pierre blanche

    Pour installer cette Obscurité de Verre, au premier actes'imposait une remise à zéro, intemporelle, dépouillée à l'essentiel. Oubli et table rase. Au second épisode: une renaissance- Eau nue- la nudité se trouble d'une mince brume de tissu. La vie commence- cela ne peut être un hasard- par une lente immersion dans ce lac d'un calme de 3ce50685dbec46d2f979aac53c4d31e8.jpgmort au fond de la scène, alors que l'accordéon joue le vent. Après l'évocation de l'origine du monde d'une soudaine violence, la robe devient lourde et mouillée, pèse sur le corps et l'existence. Agitée par les soubresaults du dialogue furieux entre les décharges sonores émises par Claude Parle, et la danse de Moeno.

    Au troisième acte, c'est un véritable personnage qui apparaît, un Voyageur habillé d'une robe de temps oubliés, appuyé sur son bâton. Mais nulle joliesse n'est possible ici, la danse échappe au linéaire de la narration, de même que Ninh Lê Quanfait vibrer ses percussions au rebours des productions de rythmes attendus, pour faire surgir par frottements ondes et climats. La robe tombe bientôt de l'effet du chaos intérieur des mouvements. Brûle comme braise une présence charnelle et acharnée, irréductible, démembrant sa forme première en un inhumain mouvement de réversibilité, finissant par s'échapper à elle même en tension du regard vers le haut, juste retenue de l'envol par les extrémités au sol.

    Le quatrième jour, naît une fleur de lotus,qui s'extrait de ses pétales en déchirements. Cette forme voilée de transparence blanche vient se meurtrir contre la pierre, ose y rechercher assise un impossible apaisement, dans l'équilibre de la douleur. Mais la blancheur est bientôt maculée d'encre, qui tombe goutte après goutte, altérant tout rêve d'innocence et de pureté.

    C'était Moeno Wakamatsu dansant le cycle Obscurité de verre: Eau Nue avec Claude Parle, Voyageur avec Ninh Lê Quan, et Soleil de Lotus, à la Fond'action Boris Vian.

    Guy

    Photo: Jacques Sadoun

  • Claude Parle /Jean Pierre Robert: cordes, bois, lames, archet, maillet,etc...

    La musique contemporaine se prend-t -elle au sérieux? Ou a-t-elle pour objet de dynamiter les scléroses de la tradition, e96be098fb08736ac3d41d862a5f5458.jpgperruques, harmonies codifiées et noeuds papillon?

    La question tourne un peu autour de cela avant de s'en échapper vite incontrôlée par toutes les issues possibles. Tout est permis jusqu'à un certain point, c'est une jubilation de voir Jean Pierre Robert, qui a la virtuosité narquoise, frapper à coup de maillet les cordes de sa contrebasse tout en suivant scrupuleusement sa partition de Ferneyhough.

    Autant que de se concentrer sur la musique, on est fasciné de suivre les mouvements des64bd48812397d185718f9047ba580959.jpgmains, qui attaquent l'instrument par tous les angles possibles, histoire d'en sortir quelque chose d'inédit et d'abord percussif, coups de paume contre le bois, qui vont chercher des résonances inédites au plus près du chevalet. Le fait est que, de Giacinto Scelsi à Jacob Druckman, le résultat sonne inattendu, entêtant, urticant, réjouissant, abrasif. Mais sonne "juste" à chaque fois. Absolument libre en tout cas. Tout en restant très contrôlé, on s'en rend compte à postériori quand Claude Parle à l'accordéon vient taquiner le contrebassiste pour une improvisation partagée. Le jazz en prend un sérieux coup de vieux. 

    Pour nous laisser quand même avec une angoissante question. Comme pour le sexe, aprés avoir tout essayé, que reste-t-il?

    C'était Jean Pierre Robert, avec Claude Parleà la fond'action Boris Vian, invités par Moeno Wakamatsu dans le cadre du cycle Obscurité de Verre.  

  • Masaki Iwana: le buto est un humanisme

    Cet homme porte une histoire, dés lors qu'il apparaît sur scène, c'est évident. Intimidant aussi. Hirsute et presque nu, le corps sec et noué, sans faux semblants. Dégageant un mélange d'autorité revêche et de vulnérabilité 0e2f58fdbe43e90c94b412e0f7ac3cff.jpgdouloureuse. Il porte une mémoire de 30 ans de parcours artistique et humain, qui nous relie par lui à la mémoire des premiers maîtres du buto. Pour une danse au delà des modes et des compromissions, au delà des tentations du spectaculaire et du divertissement. Une leçon de pure humanité, et de survie ordinaire. D'une lenteur assumée. Le poids de l'histoire est-il trop lourd? Progression incertaine, ivre, chancellement, chute brutale, terrible effondrement sous le poids des caractères japonais, inscrits sur des bandes de papier attachés à son corps. Songe allongé, sombres tentations, plaisir, colère, douleur. Mais l'humanité se reconstitue à terre de ses propres débris, tremble, réussit à se relever. Pour combien de temps?

    C'était L'Eternité de Masaki Iwana, invité par Moeno Wakamatsu dans le cadre du cycle Obscurité de Verre à la Fond'action Boris Vian.

    Guy

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    P.S. : Et on pourra voir Masaki Iwana début juin a l'espace Bertin Poiré, dans le cadre du 8° festival de Buto.

  • Moeno Wakamatsu à fleur de peau

    Moeno Wakamatsudanse, et cette danse a comme irrésistible effet de faire oublier, pour le temps qu'elle existe, ce qui a précedé, tout ce qui est extérieur à elle. C'est sans appel et sans regrets. Au ralenti une déferlante. Un an. Un an et pour rien? On prend soudain conscience que l'on est revenu pas très loin du point de départ, et assez allégé. Revenu au point d'où on etait parti ou sinon juste quelques centimètres au dessus, aprés un an de regards aléatoires sur à peu pres soixante-dix expériences, pour n'évoquer que celles qui se placent plus ou moins dans le champ de la danse contemporaine. Pour chaque soirée une trace laissée ici, une évocation comme à la lueur d'une lampe de torche, pour voir creuser du regard un peu au delà de la barrière des discours de fumée et des attentes sociales, mais c'est à peine plus, ou même un peu moins chaque fois, qu'une capture d'écran floue, une appropriation arbitraire comme seule alternative à l'oubli radical. Pour un an surtout pas de bilan anniversaire, juste cette évidence qu'on abandonne en passant: c'était un an d'imprévisibilités, une explosion en rafales de formes chaque fois différentes, d'énergies généreuses et de talents obstinés. Merci. Autant pour les déclinologues qui soupirent à chaque saison, pour les entomologistes de tempérament, pour les faiseurs de jugements à l'emporte pièce: le spectacle reste indéfinissable, insaisissable et vivant. Mais ce soir, aprés un an de propositions en tous sens, certaines très scénarisées, d'autres concentrées à percevoir leur propre respiration, collectives ou solitaires, discrètes ou bruyantes, techniques ou basiques, pudiques ou provocatrices, généreuses ou désabusées, enflées ou modestes, bavardes ou elliptiques, naives ou conceptuelles, et certaines qui à forces de surcharges ou de discours nous avaient alors un peu éloigné du corps, on y revient, en plein. On revient à quelque chose de fondamental et inexpliqué. On revient à Moeno. Un an après. Mais qui elle va depuis bien plus loin.

    "Obscurité de verre": c'est un bel oxymore. Plus signifiant qu'il y parait d'abord. Plus immédiatement l'épure s'impose à la conscience, dénudée et transparente, plus le mystère persiste, impénétrable plus que jamais. La performance sera intense et dépouillée, et déja littéralement. Cette nudité qui n'est pas sans risques, non pas tant une question de pudeur ou de provocation, mais plus simplement en termes artistiques: accessoires et ornements qui pourraient accrocher le regard, esquisser comme un scénario, et distraire de l'essentiel, sont ici vite abandonnés, comme cette peau déja morte. Une fois tout ce qui est de l'ordre du social extirpé, que reste t il? Une sourde animalité clouée au sol, qui échoue à s'extraire d'un corps contraint, tous membres étirés en tensions contraires? Ou un réceptacle creux de douleur, lentement ouvert à toutes les forces invisibles prêtes à le traverser? Les interprétations s'épuisent contre le temps et s'évanouissent jusqu'au renoncement. Reste le mouvement: la forme, de foetale devient diaphane, dans un effort décharné se renverse d'un coté puis de l'autre, développée à l'extrême du méconnaissable, visage contre le sol, yeux entre-ouverts qui n'appartiennent plus à personne. Les yeux de la danseuse osent enfin se lever en direction du ciel et le corps debout les suivre. Ce n'est pas la conclusion, pourtant, c'est une nouvelle étape, qui perdure, miraculeuse. On a laché prise mais voit-on mieux, notre regard un peu éduqué à force d'expérience? Rien n'est moins sûr. L'émotion est toujours première, irréfléchie, et cette danse porte en elle même sa résolution. Jamais répétée. Plus forte que toutes les tentatives d'accumulation, elle laisse derrière elle une page blanche. On a rien appris, depuis un an sauf que cette danse s'est encore élevée. On venait d'ici. C'est ici où l'on revient, au tout début, quand les lumières s'éteignent, amnésique, l'inquiétude déjà avivée, saisi par le vertige de tous les possibilités.

    C'était Fleur de Peau contaminée par Moeno Wakamatsu, accompagnée de Claude Parle. 1er épisode du cycle Obscurité de verre en huit parties, tous les mercredis à la fond'action Boris Vian.

    Guy

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  • Moeno vers le Ciel

    Il fut un moment, très particulier, et jamais ressenti jusque là, où peut-être toute la beauté de cette pièce se concentrait soudain, quand Moeno s'était relevée, étirée, et a tendu le bras, la main, le doigt, le regard s'envolant au delà, trés loin.

    C'était "Proserpina et la mort", dernière -jusqu'à l'an prochain ?- des étapes de ce Project Ovid à Paris, c'était toujours toujours au même endroit.

    Guy