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handicap

  • Ali Fekih ouvre les portes

    Ce vendredi soir, Faits d'hivers est à quelques heures de retourner hiberner. A 19H c'est le dernier moment des découvertes. Commençant par l'exploration d'une salle obscure avec Jean-Pierre Bonomo. Juste à peine éclairée par quelques lampes de poche, et encore, placées face aux murs. Quelque part dans cette pièce il y a une danseuse, que l'on voit peu, par éclipses de lumière dévoilant des tableaux figés. C'est sûrement dans cette frustration, dans l'attente et la parcimonie, en déplacements furtifs, que se joue le concept, chic et plastique. Soit. C'est vrai qu'on est toujours chaque fois curieux de la nouvelle position que l'on découvre, en suivant pas à pas l'inconnue jusqu'à ce qu'elle  émerge entre deux obscurcissements. A terre. Contre le mur. Debout. Inerte. Vivante. Au milieu de la pièce. Les membres étayés de planches. Habillée. Torse nu. Le dos envahi de plastique. Affublée d'un nez rouge démesuré, qui mute en béquille. Équipée d'ampoules. La belle bleue, la belle rouge! Joli. Interpellant. Mais à chaque extinction des feux, on revient au tout début. Pour une nouvelle, toute belle, image fixe... sans scénario? On cherche sa place. On finit par s'asseoir, prés de là où la danseuse finira bien par venir poser. Et cela continue, chic et relaxant, où sont les petits fours?

    Après cette performance en pointillés et clair-obscur, détonne la présence frontale, évidente, atypique et assumée d'Ali Fekih. Qui se paye le 975308699.jpgluxe d'attaquer son solo par un face à face silencieux avec le public. Est ce pour affirmer une fois pour toutes: "Je suis bien là"? C'est vrai qu'il est très improbable que le personnage ait pu arriver jusque sur une scène de danse contemporaine, avec sa dégaine à lui demander ses papiers, avec sa polio et sa patte folle, avec sa taille en dessous des normes. Mais Ali est bien là, avec ses béquilles, ses expériences tous-terrains, et pas mal de crânerie. Sans ses masques ce soir. Il est là, et tant mieux. Dés cette entrée la partie est en passe d'être gagnée. Aucune baisse de tension ne déçoit ensuite, le danseur se joue des styles pour devenir marionnettiste, animant par moulinets de béquilles des personnages de papier de journal. La même élégance est mise en oeuvre quand le solo en revient à la danse. A un corps inhabituel, un nouveau vocabulaire chorégraphique à inventer, qui exploite ses particularités physiques, un style marqué par une énergie bien mise en évidence. Puissance du torse, lutte de la force et de la souplesse contre les contraintes physiques. Contre la vulnérabilité. Ce combat-vérité est organisé avec le souci du spectaculaire, et un sens infaillible du tempo. "Il est fou Ali!" répète un enfant au premier rang. On a notre hypothèse pour expliquer cette efficacité. L'artiste vient de l'école du spectacle de rue et cumule sûrement bien plus d'heures de travail-sans filet et face au public- que beaucoup de ses camarades confinés aux seuls studios. On se lamentait en choeur, il y a quelques temps, à l'initiative de Faits d'Hiver et en présence de Nicolas Maloufi et d'Ali Fekih justement, sur la grande misère de la danse contemporaine, et toutes les difficultés à faire connaître la discipline au delà d'un milieu d'initiés. Que les gens d'Uterpan  poussent la logique jusqu'au point 0, l'hara-kiri artistique, est symptomatique. Mais qu'Ali Fekih, ovni dans ce milieu, soit accueilli ici, qu'il puisse ouvrir les portes, pour aérer le genre, est un signe beaucoup plus encourageant. Et il reste un malentendu à éviter: Ali Fekih n'a pas besoin de son handicap pour être un danseur remarquable. C'est plutôt sa danse qui nous fait voir le handicap autrement.

    C'était Ceci est mon corps ♥♥, de Jean-Pierre Bonomo, avec Vanessa Tadjine  (ou Tiana Delome?), et Des équilibres... à quoi ça tient ♥♥♥♥♥, de et avec Ali Fekih,co-mis en scéne par Anne-Catherine Nicoladzé, à 650845841.jpgMicadanses dans le cadre du festival Faits d'hiver, clos ce vendredi 1er fevrier.

    Guy

    Post scriptum le lendemain, samedi, quelque part dans Paris. Une fête d'école, mais d'une école pas tout à fait comme les autres. Réunissant des enfants scolarisés à la maison grâce au dévouement de leurs enseignants et de bénévoles. D'autres béquilles, des chaises roulantes, ou dans beaucoup de petites têtes de grosses difficultés à trouver les moyens d'affronter le monde. Certains ne peuvent venir, on pense à eux. Suivent des spectacles, préparés avec coeur et sérieux: certains enfants montent sur scène, pour se montrer à tous autrement, pour quelques instants. Souvenirs de la veille. La danse aide a comprendre la vie.

    photo d'Ali Fekih avec l'aimable autorisation de Jerome Delatour-Images de Danse

  • Blind Boys of Alabama: Jesus hits like an atom bomb

    Il suffit d’écouter les enregistrements que les Blind Boys of Alabama  ont gravés dans les années (mille neuf cent) 7341a75a873819274c168ec3c3ab9af0.jpgquarante et cinquante pour qu’il n’y ait plus de place pour le doute: c’est dans le feu du gospel tel qu’alors le vivaient à haute voix ces garçons issus de l’Alabama Institute for the negro blind in Talladga, que James Brown, Ray Charles et leurs suiveurs sont venus chercher 90% de leur inspiration. Le Genius et le Godfather of Soul ont depuis peu cassé leur micro, mais les Blind Boys chantent toujours présent, et assez fort pour encore donner en 2007 des leçons d’âmes à de nouvelles générations.

    Les vieux garçons cheminent vers la scène, lunettes noires, chic désuet, costumes lavande et chemises vertes, en file indienne, le bras gauche posé sur l’épaule droite de celui de devant. L'équipage est guidé par les yeux du guitariste Caleb Butler. Avec  l'abandon que la foi permet. Depuis 2001, le temps s’est peu soucié de s’arrêter. Survivaient alors encore trois grand pères aveugles. Ils avaient attendu 60 ans de scène pour miraculeusement se faire connaître au delà des circuits spécialisés du negro spiritual, en tournant dans le monde entier avec Peter Gabriel. Qui les avait engagés sur son label world music . Ne reste ce soir d’origine garantie 1939 que Jimmy Carter (mais ce Jimmy là n’a jamais été président des U .S.A.). Exit le ténor Georges Scott, qui scandait « Jesus hits like an atom bomb » sur l’album éponyme, parti chanter avec les anges. Le leader Clarence Foutain est restéce458ceadb76bd486f751657a00f84be.jpg chez lui soigner son diabète. Tant pis. La présence du dernier des vétérans suffit pour garantir le frisson de l’authenticité. Un lien humain, palpable vers les origines, vers une foi solidement enracinée. Quand bien même: dès qu’« un soldat de l’armée du seigneur » tombe, aussitôt un autre se lève pour le remplacer: assis aux cotés de Jimmy Carter deux nouveaux mais qui n’ont rien de jeunes débutants: Bishop Billy Bowers surprenant colosse sphérique, et Ben Moore, solide et modeste dans le rôle râpeux du baryton. Tous deux sous leurs lunettes noires manifestement aussi aveugles et aussi rocailleux de la corde vocale que leurs prédécesseurs: mais où vont-ils les chercher?

    Les Blind Boys ne sont venus pas venu ce soir pour proposer un divertissement.  C’est tout le contraire. Ils sont venus ramener l’assemblée vers l’essentiel. Vers Dieu, évidemment. Avec amour et fermeté. Comme ils parleraient à des enfants. Leur arme est la musique, puisée dans le pot commun et bouillant du patrimoine afro-américain. Blues, Rythm & blues, gospel, jazz, funk, soul, c’est toujours la même énergie, portée par des voix différentes, mais avec les mêmes harmonies, que celles-ci résonnent dans un bar plutôt canaille ou à l’église baptiste.

    Premières chansons: les voix se chauffent sur un « Down The Riverside » encore raffiné, encore sans trop de surprises. Derrière les trois chanteurs solistes, trois plus jeunes musiciens et choristes, eux bien voyants mais avec juste des lunettes de soleil: les guitaristes 611e15d1c4dbd3e0449aebf9751b896f.jpgJoe Williams et Caleb Butler, et le bassiste Tracy Pierce. A la batterie Rickie Mac Kinnie, lui de la confrérie des cannes blanches. Dès les premières mesures, le dispositif musical se met en place, d’une simplicité biblique: une rythmique discrète et carrée, les voix rassemblées en harmonies viriles et tout en âpretés, l’ensemble au service des prêches énergiques des solistes. Pas de place pour des contre-chants trop policés à la Golden Gate Quartet, ou des surabondances de choeurs en robes façon église surpeuplée. Juste du robuste, du brut, de l'authentique, sur une trame blues qui s'impose avec l'évidence des vérités révélées. Premières notes tenues, aussitôt applaudies, encore avec mesure, premières mises sous tensions, premières prières intempestives, premiers déferlements d’exhortations soutenues à coups de cymbales en crescendo. Les arguments commencent à porter: au premier rang, on tape du pied. Des chorus robustes de guitare bleue électrique font jeu égal avec les couplets des solistes. Quelques pauses, Jimmy Carter économise ccfa4704d1903010ebbda49dc1d5a2f5.jpgencore sa voix de septuagénaire, laisse Rickie chanter un morceau en solo derrière sa batterie, puis les quatre instrumentistes oser un joli a capella façon barbershop quartet. Une petite fille noire somnole au premier rang. Le leader introduit les morceaux avec les plaisanteries un peu éculées, à un public respectueux mais réservé. Puis se rassoit impassible. Il semble presque chercher à gagner du temps, comme incertain, un peu fatigué.

    Le vieil homme a bien caché son jeu: au détour d’un standard, il se permet enfin la coquetterie d’un premier hurlement arraché à sa carcasse fluette. Une note détimbrée, mais maîtrisée et volontaire, qui tient, tient, et tient encore plus que de raison. A la juste limite du faux, à bonne distance du joli, tout prêt de la beauté. Il en sourit d’aise aussitôt après en tendant le micro vers le public incrédule, content de son tour. Et la salle estomaquée répond, un peu plus fort enfin. Soudain en un cri tout a été dit: l’âme est toujours bien accrochée au corps. Même si le corps est fragile, diminué, l’âme n’est rien sans le corps tant que celui ci reste vivant. C’est le corps et la voix que l’âme doit porter aux limites pour se laisser entrevoir. Le gospel ne serait rien sans ce spectaculaire quasi miraculeux qui met l'héroïsme en scène, fait presque oublier tout le métier derrière.

    Jimmy se décide à passer aux choses sérieuses: il pousse «The devil Way Down The Hole » de Tom Waits, comme un manifeste, avec autorité, seul au micro d’un bout à l’autre. Puis laisse ses compagnons enchaîner d’autres morceaux de bravoure, pour les rejoindre dans les choeurs. Billy Bowers soudain s’envole en scats cassants d’une voix flûtée, agite son quintal dans des soubresauts de midinette en transe, puis retombe d’un coup dans un état semi comateux sur sa chaise. Ben Moore proclame « I’m a soldier in the army of the lord »  ce qui en dit plus long que toutes les présentations. Dans l’assistance, nos voix profanes se risquent de plus en plus à répondre à ces injonctions, nos voix commencent tout juste à s’érailler. La grande salle de la Cité de la Musique apparaît déjà moins froide qu’on aurait pu le redouter. Le public semble être le même celui qui fréquente les salles de jazz, juste un peu noir, mais surtout blanc, averti mais bon enfant, prêt à retomber en enfance, en état d'innocence, prêt à se laisser entraîner. Dans ses rangs: Thélonius, lui encore 10 ans, synthétise comme toujours admirablement la situation: «Papa, j’avais déjà vu un concert de Gospel, 1f74a2991542081db73b19652e01eb5c.jpgmais là ce sont les vrais!», avant d’oser être le premier à s’éloigner un tout peu de son fauteuil pour danser. Laissez venir à moi les petits enfants. Même l’ado sort de sa réserve dédaigneuse, pour frapper dans ses mains: c’est le premier vrai miracle de la soirée. Les Blind Boys montent en puissance, sans ne laisser rien retomber de la ferveur ambiante. Certaines chansons viennent de très loin, voire d'avant le déluge, telle l’inusable «Amazing Grace » (plus archi-connu en France sous son dernier avatar: "Les Portes du Pénitencier…"). D’autres morceaux empruntent à l’intensité appuyée de la Soul: « People Get Ready » de Curtis Mayfield , ou ceux, tel « There will be a light »  extraits de l’album live à l’Apollo enregistré avec Ben Harper, blind boy honoraire, dont Joey Williams, reprend sans les perdre en route les parties vocales haut perchées. Autant d’incursions vers un public plus large et hors du strict gospel, mais toujours respectueuses du cahier des charges spirituelles. Et dans la voix d'hommes qui ont fait le chemin de l'Alabama des années quarante jusqu'à aujourd'hui, un tribut aux luttes pour les droits civiques portées par tant d'hommes d'église, le pasteur Martin luther King en tête.

    L’heure est déjà bien avancée, et à ce stade une fois les lumières rallumées, ne resterait que le souvenir d’un très bon concert. Mais l’essentiel reste à venir. L'orchestre met en place la phrase hypnotique de « Look where he brought me from »  en tempo acceléré, prete à se répéter à l’infini et monter jusqu'aux cieux. 3 ou 4 secondes obstinées scandées en récitatif par Jimmy et conclues par un "Yeah" des autres garçons. Le gospel train est en marche, lancé sur les rails, à pleine vitesse. Numéro bien réglé et complice, chacun des vétérans fait mine de se lever à son tour de sa chaise, emporté par le rythme et la foi, avant d'être rappelé à la raison et la station assise par la main de Joe Williams posée sur l’épaule. Avant que le guitariste ne sache plus où donner de la tête et s’avoue vaincu. Les aveugles ne voient pas encore, mais les paralytiques se sont levés. Dans la salle les spectateurs plus valides qu'eux ont aussi quitté leur siège, sautent et s’époumonent, sans que personne ne soucie de les faire rasseoir. Sur scène, le péril vient maintenant de Jimmy Carter, qui entreprend une improbable pirouette, réussit son ascension: dans les airs un demi tour presque complet, sans tomber. L'Esprit Saint a fait son oeuvre. Enfin l'aveugle s’aventure aux limites de la scène, un monumental roadie le prend dans ses bras de géant pour le descendre dans la salle. Porté ainsi par ce Saint Christophe, le vieillard semble frêle comme un enfant. Retombé sur ces pied le prophète vient micro en main à la rencontre de son peuple prêcher la bonne parole. Un message simplissime: Do you fell god? Difficile de ne pas hurler 8003f50ec3b762be0dae5c6278e296f8.jpgyeah en réponse. Il y aura demain beaucoup d'extinctions de voix. Tout le monde est sur ses pieds, voire plus haut. Sans remords, sans arrières pensées. Tout le monde chante ou à peu prés. Jimmy Carter, bras tendus vers le ciel, arpente les travées, soutenu de loin par l'orchestre, suivi de près par Caleb Butler. Il se retourne, saute sur place, ré-exhorte au micro, revient au trot sur ses pas, sourit, aux anges. Il passe non loin de nous et nous lui répondont très fort, pour qu'à défaut de nous voir il puisse nous entendre. Pendant tout ce temps l’orchestre n’a pas dévié d'une croche de la phrase musicale entétante. Jimmy Carter fait mine de s’écrouler après avoir tenu un râle prolongé, Caleb fait mine de le relever, Jimmy ressuscité lui échappe, tourne les talons et repart à l'aveuglette chanter dans la salle, marche à travers la foule comme sur les eaux, fait à chaque passage se soulever des vagues de spectateurs. Cela continue encore et encore à ne jamais s'arrêter, enfin dix ou quinze minutes ou moins. Depuis combien d'année le chanteur se prête-t-il à cet exploit unique chaque fois, mais répété chaque soir de tournée. Depuis 10 ans, 20 ans, ou 50? S'écroulera-t-il un soir ainsi pour de vrai? Pourtant rien n'est faux. Ni simulé. Toute l’essence du show est là. Une alliance de ferveur, d’entertaiment, de prosélistime, de rourerie et d'absolue sincérité.

    Jimmy a du enfin remonter sur scène. Conclusion endiablée en tempo accéléré sur le Higher Ground de Stevie Wonder, sous un deluge de guitare wah-wah et de hurlements: Preacher kep' on preaching....Ce qui est une dernière occasion sur scène et dans la salle de sauter toujours plus haut sur ses pieds. Fin? Pas tout à fait. Les lumières rallumées, les Blind Boys restent s'assoir au bord de la scène, accueillant les spectateurs qui viennent les remercier, dire adieu peut être. It may be the last time we ever sing together. C'est une cohue bon enfant, les éclairs des portables crépitent, Jimmy et les vieux garçons serrent les mains tendues avec ferveur, précieux instants de contact véritable, font la bise à quelques minettes ravies: « God Bless You » ! Avec les autres, on va serrer la poigne de Jimmy, malgré tout ému. Qu'il nous voit avec la main, qu'il sache qu'on a été là, pour de vrai. Provoquent–ils ainsi des miracles, des guérisons spontannées? Et est on reparti converti? Ce n’est pas sur. Mais en tous cas rechargé à plein d'amour et de générosité.

    C'était The Blind Boys of Alabama, à la Cité de la musique

    Guy 

  • Lear, simplement

    Noir et bruits blancs. Le décor est posé. Ou plutôt il roule, monumental, d'un coté à l'autre de la scène, poussé par un corpulent sisyphe. Une cage de bois et de fer et dedans les personnages enfermés. Tout est annoncé: l'errance et la folie qui emprisonne l'être en lui-même. C'est 38096198c1d7ba62961915791699ea1f.jpgdès cet instant presque gagné. Confirmation quand survient- comme toujours quand Shakespeare (1564-1616) est joué pour de vrai- un moment précieux où l'on se perd, gagné par la démesure du texte: ce soir de lents moments égarés sur la lande en compagnie d'un fou et un vieillard aux orbites vides.

    Le Roi Lear est là, dans un rêve de sang et de larmes, que ne peuvent apaiser que la mort et l'oubli. La pitié n'y peut rien. Le jeu est noir et ardent, exagéré comme il se doit. Même si les frontières du superflu sont parfois frôlées d'un sein ou deux, l'essentiel est que l'espace shakespearien s'impose ici bel et bien, entre la fragilité des corps et le tonnerre des voix.  

    La troupe de ce Roi Lear est enrichie par la présence d'acteurs handicapés mentaux, d'un professionnalisme aussi irréprochable que celui de leurs partenaires, si l'on pouvait en douter. Mais l'important est que ces acteurs, de par leur manière d'être si singulière, de par leur jeu si particulier, font naître sur scène quelque chose de précieusement différent, qui nous entraîne au coeur du texte de Shakespeare. Comme guidés par des passeurs de génie. Ce soir le théatre est le lieu qui nous permet d'accéder à notre propre humanité, par la grace de ce que l'autre offre de lui-même, si semblable et si singulier à la fois.

    C'était Le Roi Lear de William Shakespeare, adapté par J.M. Rabeux et Sylvie Reteuna, mis en scène par Sylvie Reteuna au Théatre du Chaudron, avec le  collectif Trans.

    C'est jusqu'au 7 juillet.

    Guy

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  • Mana Hashimoto: entre le ciel et l'enfer

    C'est un étrange parcours, patient, sinueux, que la danseuse dessine à pas mesurés, et conclut en quasi apesanteur. En a58d1c18aab2b672bb84fa381b5bddd0.jpgdessous, au dessus, autour, par basculements gracieux, d'un étrange hamac en équilibre entre ciel et terre. Une juste place enfin trouvée. Lenteur et sérénité. La suspension devient rêverie, sublimée par les jeux de lumières. Une fois redescendue sur scène, la danseuse revient vers nous au plus près et au plus simple. Tout pathos ici est absent, un temps pour la sérénité, cette danse nous apaise, son calme est contagieux.

    Il faut évoquer la cécité de Mana Hashimoto. Non pour verser dans le sensationnalisme. Encore moins pour solliciter de la complaisance. Mais pour souligner combien cette particularité transforme le rapport attentif qui se tisse, le temps de la performance, entre elle l'artiste et nous les spectateurs. D'une qualité très particulière.

    C'était "Sous un ciel variable à la poursuite du fil d'Ariane" de et avec Mana Hashimoto, invitée par Moeno Wakamatsu à la Fond'action Boris Vian.

    Guy