Sylvie Reutena
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Le retour du kitsch ?
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Lear, simplement
Noir et bruits blancs. Le décor est posé. Ou plutôt il roule, monumental, d'un coté à l'autre de la scène, poussé par un corpulent sisyphe. Une cage de bois et de fer et dedans les personnages enfermés. Tout est annoncé: l'errance et la folie qui emprisonne l'être en lui-même. C'est dès cet instant presque gagné. Confirmation quand survient- comme toujours quand Shakespeare (1564-1616) est joué pour de vrai- un moment précieux où l'on se perd, gagné par la démesure du texte: ce soir de lents moments égarés sur la lande en compagnie d'un fou et un vieillard aux orbites vides.
Le Roi Lear est là, dans un rêve de sang et de larmes, que ne peuvent apaiser que la mort et l'oubli. La pitié n'y peut rien. Le jeu est noir et ardent, exagéré comme il se doit. Même si les frontières du superflu sont parfois frôlées d'un sein ou deux, l'essentiel est que l'espace shakespearien s'impose ici bel et bien, entre la fragilité des corps et le tonnerre des voix.
La troupe de ce Roi Lear est enrichie par la présence d'acteurs handicapés mentaux, d'un professionnalisme aussi irréprochable que celui de leurs partenaires, si l'on pouvait en douter. Mais l'important est que ces acteurs, de par leur manière d'être si singulière, de par leur jeu si particulier, font naître sur scène quelque chose de précieusement différent, qui nous entraîne au coeur du texte de Shakespeare. Comme guidés par des passeurs de génie. Ce soir le théatre est le lieu qui nous permet d'accéder à notre propre humanité, par la grace de ce que l'autre offre de lui-même, si semblable et si singulier à la fois.
C'était Le Roi Lear ♥♥♥♥♥ de William Shakespeare, adapté par J.M. Rabeux et Sylvie Reteuna, mis en scène par Sylvie Reteuna au Théatre du Chaudron, avec le collectif Trans.
C'est jusqu'au 7 juillet.
Guy
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