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masaki iwana

  • Duos

    L'enjeu évident de ce festival En Chair et en Son est de découvrir sur quel terrain se rencontrent danseurs de buto et musiciens contemporains. Durant cette session du samedi après midi, l'un des duos s'impose avec autorité. En progression dans l'intensité, le vétéran Masaki Iwana danse entre deux genres sexuels, grotesque et magnifique, s'approchant par sursauts de la rupture sans jamais l'atteindre. Les couches de sons posées par Michel Titin-Schnaider l'y accompagnent parfaitement en exacerbation, se font de plus en plus lancinantes pour muter vers percussions de métaux et piano virtuels.
    Mais aussi dans la collaboration entre la chorégraphe Laura Oriol et le compositeur Tomonari Higaki, je perçois quelque chose d'exemplaire. Tout est résonance et équilibre, sobriété. Les sons cristallins et économes convergent avec la retenue des gestes qui font écho, autour des vases d'eau pure au sol. La lumière qui baigne son visage est aussi contraste avec l'obscurité autour d'elle. Ses paupières tremblent, l'agitation est souterraine. Peu à voir. On devine. Ici est capturé dans cet équilibre, dans cette simplicité quelque chose d'essentiel dans la danse buto: le paradoxe d'un art qui semble moins se soucier de sa propre représentation que d'être la manifestation d'une intériorité.

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    la vie de ladyboy Ivan Ilitch de Masaki Iwana et Michel Titin Schnaider et La Plus lente, la plus que piano de Laura Oriol et Tomoari Higaki vus le 8 octobre 2016 dans le cadre du festival en Chair et en Son au Cube 
     
    Guy
     
    Photo par Jéremie Lortic avec l'aimable autorisation de Laura Oriol
  • 102 bougies pour le buto

    Dans deux ou trois semaines, tout le Paris qui ecrit parlera buto. Pour la simple raison que Boris Chamatz présentera au Théatre de la Ville , avec Jeanne Balibar, La danseuse Malade  , pièce inspirée par des écrits d' Hijikata.

     

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    Prenons de l'avance. Pour se vacciner contre toutes les variations hasardeuses autour d'Hiroshima, et fêter les 102 ans demain lundi du vétéran Kazuo Ohno, quelques lignes de notre ami Claude Parle à propos de ce qui se passe ici et maintenant:

     

    Samedi et dimanche, deux présentations de travail à la Fond’action Boris Vian, Cité Véron dont on peut dire qu'elles augurent de ce qui pourrait être un "post-Buto" ...

     

    Joan Laage est tout à fait surprenante et fonde sa pièce sur une opposition de personnages …

    On voyage comme à la poursuite du « Hollandais Volant » pour atterrir, un peu brutalement avec une ombre féminine qui s’enlise pour se diluer dans l’espace …Musique étrange …Vivaldi à l’accordéon, puis évolutions électro minimalistes pour finir avec un chant particulièrement prégnant …puis tout à la fin l’accordéon… back to the future ? …

     

    Masaki, impressionnant, comme toujours, traîne avec lui la carcasse ravagée d’un mendiant boiteux dont un bras ne fonctionne pas …Les démons surgissent à foison de ce corps ruiné, l’agitant des spasmes de leurs infernales possessions. La musique … entrelacs de grillons et de sons déformés de la Symphonie N° 3  d’Arvo Pärt… Un monde en cours d’enfouissage ? ou déjà englouti ? toujours aussi étonnant …

     

    Quant à Moeno, elle a présenté deux pièces fort différentes …

    La première, en silence, toute en tension pointe en un effort incessant et désespéré le corps, comme inerte vers un semblant d’incarnation … Mais la durée de la pièce ne permet d’augurer d’aucune vie concevable …La danse est magnifique ! …

    La seconde, accompagnée par Claude Parle, autorise, par la musique, l’irruption du corps comme volonté de mouvement … A un stade de la performance, Moeno à contre jour de la fenêtre, semble mue par la poussée d’Archimède d’une musique tissée de micro tonalités évoluant vers les accords et vers l’aigu comme un arbre qui tombe, prouvant par là qu’une musique même médiocre (1) peut porter le danseur à une certaine force d’évidence lorsqu’elle agit à bon escient ! …

     

    Sur quels axes en effet tourne ce buto contemporain qui ne cesse de s'actualiser ?

    D'abord autour d'une évidente volonté de représentation et d'un argumentaire, qu'il soit narratif ou purement suggestif

    Ensuite l'utilisation d'un espace structuré comme un dévoilement de la construction narrative-représentative

    Le fonctionnement, l'utilisation de la musique comme élément

    L'utilisation du corps comme matériau, comme matière.

    On connaît bien le travail de Sankai Juku qui utilise la scène comme un espace de représentation avec une trame qui si elle n'est pas à proprement parler narrative donne au moins le sentiment d'une évolution historique de la pièce. Mais les principes esthétiques et scéniques en font un travail qui est plus proche du ballet (voire même ballet classique) que de la volonté de déstructuration de l'espace propre au Buto.

    D'autres formes s'apparentent plus au théâtre dansé ( Ariadone,  années 70 ; Yumiko Yoshioka à Berlin )

    D'autres encore (Atsushi Takenutchi) renouent avec une forme invocante du sacré

     

    La musique, comme élément au sens où il s’agit d’une action sur la matière même de l’espace (et du temps)

    Généralement les danseurs utilisent de petits sons ou bien des sons déformés, plutôt qu’une musique « de scène » ce qui, avec le silence comme élément de tension contribue à tisser avec l’espace de représentation un univers projectif spécifique.

     

    Le corps, comme matériau plutôt que moyen est une grande caractéristique de ce Buto contemporain …

    Masaki est un très bon exemple de ce type de fonction … Maki Watanabe parfois…

    Difficile en peu de mots de cerner cet aspect. C’est un corps de transformation mais au sens du déroulement de la pièce. Support des paysages intérieurs mais direct, sans artifice …Kazuo Ono insistait tout particulièrement sur l’interdépendance des êtres, des éléments, Akira Kasai avait un rapport tout à fait original sur ce point …

    Tous ces gens sont la force d’un buto contemporain qui à force de chercher ce qu’il devait être a fini par déboucher sur ce qu’il est maintenant…

    A suivre …

     

    Claude Parle

     

    (1) Ce qui prouve que Claude, musicien et performeur tous terrains, est également d'une irréprochable modestie...

     

    Guy

     

    A voir aussi un regard plus extérieur ici.

     

    A voir lundi 3 novembre Hijikata à la cinémathèque de Paris

     

    photo de Moeno Wakamatsu par Jerome Delatour (Images de Danse) avec son aimable autorisation, prise lors d'une performance antérieure dans le même lieu.

     

    PS. Le jeu du jour: trouver Claude et Guy, cachés dans cette vidéo de Moeno d'octobre 2006

     

  • Masaki Iwana: le buto est un humanisme

    Cet homme porte une histoire, dés lors qu'il apparaît sur scène, c'est évident. Intimidant aussi. Hirsute et presque nu, le corps sec et noué, sans faux semblants. Dégageant un mélange d'autorité revêche et de vulnérabilité 0e2f58fdbe43e90c94b412e0f7ac3cff.jpgdouloureuse. Il porte une mémoire de 30 ans de parcours artistique et humain, qui nous relie par lui à la mémoire des premiers maîtres du buto. Pour une danse au delà des modes et des compromissions, au delà des tentations du spectaculaire et du divertissement. Une leçon de pure humanité, et de survie ordinaire. D'une lenteur assumée. Le poids de l'histoire est-il trop lourd? Progression incertaine, ivre, chancellement, chute brutale, terrible effondrement sous le poids des caractères japonais, inscrits sur des bandes de papier attachés à son corps. Songe allongé, sombres tentations, plaisir, colère, douleur. Mais l'humanité se reconstitue à terre de ses propres débris, tremble, réussit à se relever. Pour combien de temps?

    C'était L'Eternité de Masaki Iwana, invité par Moeno Wakamatsu dans le cadre du cycle Obscurité de Verre à la Fond'action Boris Vian.

    Guy

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    P.S. : Et on pourra voir Masaki Iwana début juin a l'espace Bertin Poiré, dans le cadre du 8° festival de Buto.