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musique contemporaine

  • Merce Cunningham is a space invader

    Aprés Bill T. Jones, c'est le passage à Paris de l'autre très grand de la danse contemporaine U.S.: Merce Cunningham. Mais alors que Bill T. Jones revisitait le passé en se mesurant aux statues du Louvre , l'octogénaire est quant à lui résolument a5abe9d1dc035e2afca1b09290e63361.jpgbranché technologie. Et à l'entrée fait distribuer des I-Pods au public, c'est la grande affaire de la soirée. On abandonne au guichet sa pièce d'identité- on a failli écrire qu'on abandonne son identité- en échange du petit appareil blanc immaculé et avec si peu de touches. On a fort à faire à procéder au premiers essais écouteurs aux oreilles, et déja s'est ouvert avec la fosse d'orchestre un gouffre entre les spectateurs et la scène, pour ne jamais par la suite être comblé.

    Pour commencer CRWDSPCR  (1993): le ton est donné dès le titre, délibérément abstrait. Sur le plateau toute la troupe, et bientôt tout le plateau occupé à pas de course. Une danse résolument non narrative, modélisé par danceform, i.e. le logiciel expérimenté par Cunnigham pour imaginer et concevoir la pièce, mouvement par mouvement, libérée de toute contrainte. Des enchaînements au kilomètre, impitoyables, impossibles forcement, et pourtant parfaitement exécutés. Les exercices géométriques ainsi modelisés sont transposés en physique. Très intellectuellement, on salue la prouesse. Les danseurs, devenus parfait instruments, habillés de collants d'arlequins pastels, vaguement Star Trek, sont programmés. A la perfection. La musique est sans concession, l'attention toujours se disperse, on essaie de remettre l'hemisphère rationnel en marche, un peu grippé. La virtuosité continue sur scène à se dérouler à vitesse grand V. Quelques giga-octets plus loin, l'humanité s'est définitivement évaporée, reste une armée de soldats d'élite. On se rend compte sur la fin et trop tard qu'il ne vaut mieux pas regarder les visages, faute de ne rien pouvoir y trouver, plutôt se laisser étourdir d'une impression d'ensemble, qui pourrait être causée tout autant par les mouvements de danseurs de synthèse, de figurines 3D.

    Pause, et saut-ou enchaînement-de quarante ans en arrière. Crises  (1960). Déjà la crise du sens, murie et délibérée, déja cette recherche conceptuelle. L'oreille trouve mieux son compte avec le piano de Colon Nancarrow, dissonant dans un deférlement de boogie futuriste. Déja désynchronisé du mouvement. Survit alors encore une thématique, une rencontre allusive entre les sexes, 4 filles et 1 garçon, parfois liés par des élastiques. Mais est surtout ici mise en évidence la cohérence sur le long terme du parcours de Cunnigham, ascétique, innovant, pince sans rire également. En cohérence aussi avec les mouvements convexes dans les domaines de la musique, de la littérature, des arts plastiques. La vrai question est de vouloir le suivre ou non sur ce chemin.

    Pour finir EyeSpace  (2006). C'est enfin le grand moment où on est censé sortir son I-Pod. Pour chacun s'improviser son propre enchaînement aléatoire de plages musicales, et accompagner les perceptions visuelles. Une mise en oeuvre obligée de l'autonomie du spectateur. Un acte de foi aléatoire. Pour dire vrai on a triché et pour passer le temps, déja joué avec l'engin, déjà lassé. La musique de Michael Rouse se décline en variations easy listening, avec pour seule singularité de présenter des rythmes superposés. Alors que sur scène l'action semble plutot réglée sur le tempo immuable d'un métronome absent. Toujours des courses, des arrondis des bras, la coordination des danseurs semble parfois bizarrement approximative. Du pouce on I'pod en rond, en une stérile masturbation, la démarche est tout sauf interactive. Chacun vit son spectacle, seul, coupé du monde et des autres, réveur ou névrosé. Le seul moment d'émotion survient, peu et tard, quand le vieil homme vient en chaise roulante saluer sur scène. Et qu'alors on l'applaudit, d'un inévitable respect.

    C'était CRWDDSPCR, Crises, et Eyespace ♥♥ de la  Merce Cunningham Dance Company au Théatre de la Ville, jusqu'au 8 décembre.

    Guy

    Et on peut voir sur Photodanse le reportage de Vincent Jeannot.

  • Claude Parle /Jean Pierre Robert: cordes, bois, lames, archet, maillet,etc...

    La musique contemporaine se prend-t -elle au sérieux? Ou a-t-elle pour objet de dynamiter les scléroses de la tradition, e96be098fb08736ac3d41d862a5f5458.jpgperruques, harmonies codifiées et noeuds papillon?

    La question tourne un peu autour de cela avant de s'en échapper vite incontrôlée par toutes les issues possibles. Tout est permis jusqu'à un certain point, c'est une jubilation de voir Jean Pierre Robert, qui a la virtuosité narquoise, frapper à coup de maillet les cordes de sa contrebasse tout en suivant scrupuleusement sa partition de Ferneyhough.

    Autant que de se concentrer sur la musique, on est fasciné de suivre les mouvements des64bd48812397d185718f9047ba580959.jpgmains, qui attaquent l'instrument par tous les angles possibles, histoire d'en sortir quelque chose d'inédit et d'abord percussif, coups de paume contre le bois, qui vont chercher des résonances inédites au plus près du chevalet. Le fait est que, de Giacinto Scelsi à Jacob Druckman, le résultat sonne inattendu, entêtant, urticant, réjouissant, abrasif. Mais sonne "juste" à chaque fois. Absolument libre en tout cas. Tout en restant très contrôlé, on s'en rend compte à postériori quand Claude Parle à l'accordéon vient taquiner le contrebassiste pour une improvisation partagée. Le jazz en prend un sérieux coup de vieux. 

    Pour nous laisser quand même avec une angoissante question. Comme pour le sexe, aprés avoir tout essayé, que reste-t-il?

    C'était Jean Pierre Robert, avec Claude Parleà la fond'action Boris Vian, invités par Moeno Wakamatsu dans le cadre du cycle Obscurité de Verre.