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Brecht avance masqué

Peut on assister à une pièce de Brecht sans s'empoisonner d'avance l'esprit avec la sempiternelle question de la distanciation? Avec plus d'appréhension encore dés lors que l'on comprend que les comédiens porteront des masques.... 8f57b96b98c3895337088b19daab9011.jpgMais on oublie toutes inquiétudes dix minutes après le commencement, juste le temps de se souvenir que cette fameuse distanciation brechtienne ne fût sans doute à l'origine appliquée que relativement, même à en relire Roland Barthes. Qui voyait dans le théatre de Brecht un art permettant un certain recul permettant des prises de conscience, non un art froid et désincarné. Mais peut être ce débat est il oublié, et si les acteurs portent ce soir des masques, c'est qu'ils jouent une farce. Dans une tradition de comedia dell'arte. Avec un esprit de caricature, des voix déformées, des costumes bariolés, des accessoires loufoques, des courses, des chutes et des chansons.

La farce est toute au service d'une morale sociale, on s'en serait douté. Le patron Puntilla, quand il est soul, est le meilleur des hommes. Quand il est saoul seulement. Car à jeun il redevient ce qu'il est simplement: un patron. Capable de tout, et seulement du pire évidemment. Le truc du personnage à la double personnalité, source de riches péripéties, ne devait pas être nouveau même len 1940 lorsque la pièce fût écrite. Mais il prend ici une signification trés politique: on aura beau être un homme bon, on sera toujours un mauvais patron. Le plus surprenant avec Omar Porras est que l'exposé de cette dialectique n'est jamais pesant ni ennuyeux. L'énergie tornadesque ici mise en oeuvre, avec une précision vocale et chorégraphique sans défauts, permet que les opposés se recontrent. Après 2H20 de beau spectacle, on est devenu marxiste à 100 %, et tout le peuple du Théâtre de La Ville à nos cotés. Quand bien même, on ne peut être insensible à l'éternelle actualité du texte. Le Valet Matti en conclusion appelle de ses voeux des temps heureux où chacun sera son propre maître. On peut attendre longtemps.

C'était Maitre Puntila et son valet Matti de Bertold Brecht, mis en scène par Omar Porras, au Théâtre de la Ville.  Avec Jean-Luc Couchard (Puntilla) et Juliette Plumecocq-Mech (Matti), etc... Complet jusqu'au 26 janvier.

Guy

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