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Blanche Neige: Le cas Barker

Est elle jumelle de la reine Gertrude, cette (méchante?) reine de Blanche Neige?

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Un même goût pour les belles chaussures, une même quarantaine prête à s'exhiber, les mêmes manifestations d'un appétit sexuel, que ni roi ni bûcheron ni princes étrangers- père et fils- ne semblent pouvoir rassasier, la même fertilité inopinée... Mais cette reine de Grimm règne d'une séduction très glacée. Le pouvoir de la frigidité? Habillée robe bleu turquoise, démarche sophistiquée-qui évoque celle l'extra terrestre choucroutée du film de Tim Burton. On la verrait plutôt comme une obsédée du contrôle absolu, contrôle d'elle-même en objet figé et parfait, contrôle par cris supposés feints des mâles alentour. Où est-elle elle-même dépassée, victime? On ne sait, mais le résultat pétrifie: la fixité de son regard est l'aimant autour duquel se polarise la pièce. Les miroirs s'en brisent d'effroi.

Soumise son attraction, ténanisée jusqu'au rire nerveux: Blanche Neige. En robe rouge primaire, avec autant de mal à exister qu'Hamlet. Et bien du mal à rivaliser en féminité, s'offre nue mais en vain au bûcheron. Une seule option: la fugue. Faire les 400 coups avec sept étrangers dans la forêt. La surenchère mimétique a ses limites: le jeune ventre se refuse à s'arrondir. Quant aux hommes, ils paraissent dérisoires confrontés aux forces et rivalités féminines. Le roi aussi éperdu comme Claudius ne sait réagir que par pleurs et supplices. Les apparences du pouvoir sont à ce prix. Tous succombaient autour de Gertrude, ici pour que Blanche Neige puisse grandir, il faut que la reine accepte de mourir. Plus ou moins métaphoriquement...vieillir tout au moins? Ou danser chaussures chauffées à blanc aux pieds, punie par où elle a péchée? Il faut souffrir pour être belle...

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Les personnages de Barker, débarqués des mythes, s'efforcent à haute voix de se définir, étonnés d'y parvenir par bribes. Tout le reste, tout ce qu'on vient ou ce que l'on pourrait écrire n'est que suppositions. Le théâtre de Barker ne se soucie ni de morale ni d'explicite. Il pose sans supposer, nous laisse juste ressentir que le monde est aussi cruel et bouleversé de luttes souterraines que tel il le dessine. Il faut toute l'élégance de la mise en scène de Maragnani pour garder un peu à distance cette cruauté, par lignes claires et contrastes colorés, avec un jeu acidulé, aussi grinçant que le crissement des talons sur le gravier. Un peu froid, pince-sans-rire et admirablement contrôlé.

C'était Le Cas Blanche Neige (comment le savoir vient aux filles) d'Howard Barker, mis en scène par Frédéric Maragnani au Théatre de l'Odéon-salle Berthier.

Guy 

photos par Frédéric Démesure avec l'aimable autorisation du théatre de l'Odéon

A voir aussi: les photos d'Agathe Poupeney

Commentaires

  • Hello mon Guy,
    Apres avoir vu le cas Blanche Neige hier soir je reste un peu sur ma faim. N’ayant jamais lu de textes d’Howard Barker, j’avais simplement lu le programme avant de me rendre à l’Odéon (ton post m’aurait influencé, je ne l’ai lu que ce matin).
    Alors oui Guy, l’essentiel de ce que tu dis est la, la mise en scène est « élégante » et nous tient à « distance », « un peu froid, pince-sans-rire et admirablement contrôlé », oui certes, mais de mon point de vue, à force de distance, la mise en scène finie par affaiblir et diluer la puissance du propos et le rythme. Trop d’espaces, de tartufferies (parfois Feydesque beurk !). Décollant laborieusement cette pièce ne trouve jamais son souffle. Alors oui nous partons avec eux, avec le Roi de tous les Irlandais et son fils, Blanche Neige avec la Reine et surtout le Roi (véritable batterie dans un concert de flute traversière), mais nous ne partons jamais très loin, jamais très longtemps. Mi dramatique, mi drôle, la pièce m’a semblé à demi tout.
    Le texte et la mise en scène m’ont semblé moins puissants que ce à quoi je pouvais m’attendre après avoir lu le programme, suis-je le seul ?
    Allez bonne journée. Kiss

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