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Un banquet

Ce serait comme l'un de ces repas de famille élargi à l'occasion par exemple d'un mariage, ou celui de la fête annuelle au bureau, ou le repas d'une association, du quartier... Autrefois, on disait un banquet. Il y aurait les gens que l'on connait, ceux que l'on ne connait que de vue, et ceux que l'on connait pas du tout. Ce soir dans la salle de la Loge on s'attable, spectateurs et acteurs. On se passe les plats, c'est une première occasion pour que les langues se délient, dans une réserve bienveillante, polie. Dans tous ces repas, il y a ceux qui restent discrets, et ceux-toujours les mêmes- qui à voix haute prennent la parole. Ici les acteurs. Comme il se doit, ceux-ci portent des toasts, mais qui glissent peu à peu du domaine des remerciements et banalités à des matières plus étranges, plus intimes. Peu importe le sujet- mais peut-être n'il y a-t'il ici un seul sujet possible: le rapport de soi aux autres, à la société- ce qui est immédiatement troublant est la manière dont nous recevons ces paroles dans un entre-deux entre fiction et vérité. Le décalage crée une qualité particulière. Une communauté de plein pied s'est créé ipso facto autour de cette grande table, en confiance et empathie, et ce que nous entendons de la bouche de ces filles et garçons prend valeur de confidences, de témoignages authentiques, de choses vues et entendues. Ainsi ce premier récit- mais trop construit pour être vrai- qui porte justement sur la perte du langage. C'est qu'il s'agit ici surtout de dérèglements, de lassitudes sociales, d'inaptitudes à s'adapter à un contexte professionnel, de tentatives de reprise du contrôle par le sabotage. De ces constats, dits avec une amère drôlerie, passe-t-on à la construction d'une utopie? Et les spectateurs peuvent-il participer à celle ci? Des pauses nous sont réservées, pour savourer les plats, pour discuter. Ce qui déjà est inhabituel et intéressant. Ma voisine de gauche est une professionnelle de la programmation, elle garde-je crois- une distance analytique. Ma voisine de droite (sans doute de gauche, sans doute dans la vie une actrice) réagit et s'indigne, semble parfois au bord d'intervenir. Une chose est sure: nous ne nous ne levons pas à l'invitation d'un des orateurs de nous approprier les marchandises de la supérette d'à coté. L'expérience-même singulière, même politique- reste une expérience théâtrale.

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C'était Petits effondrements du monde libre- repas utopique, écrit et mis en scène par Guillaume Lambert, vu à la Loge le 10 janvier. Jusqu'au 18 janvier

Guy

photo- GD

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