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  • Tragedy Artaud

    Encore sous le charme de Marie Vialle, on retourne dans la salle, et on se console d'abord en s'imaginant enfin assister à un spectacle d'avant-garde d'il y a trente ans. Enfin, d'après l'idée qu'on s'en fait: on était trop jeune alors pour avoir vu ça pour de vrai.

    Sans remonter si loin, pas plus tard qu'en mai dernier on les (La Traversée-Cedric Orain) avait vu jouer "La Mort", de Georges Bataille dans "A court de forme". Hier et ce soir ils investissent  "Trans" pour s'attaquer cette fois à Antonin Artaud (1896-1948): "Ne vous laissez jamais mettre au cercueil".

    Dix contre un que l'an prochain on aura droit à Lautréamont.

    Grimaces douloureuses. Déclamations grinçantes. Diction klingon. Chutes sonores. Poses torturées. Stridences distanciées qui prennent à rebrousse poil.

    On regarde et on écoute quand même, dubitatif, et du bout des oreilles. Mais il y a tant de trouvailles et d'idées, medium_Artaud_Jeanne_d_arc.jpgd'énergie maîtrisée, que l'on finit quand même par se demander pourquoi au juste on arrive pas vraiment à aimer. Et dés lors c'est trop tard on s'est laissé prendre au jeu.

    Jusqu'à admettre que ce n'est qu'à coups d'outrances visuelles et vocales qu'il est possible de rendre compte du monde d'Antonin Artaud. Folie, révolte et souffrance, corps et esprit corseté, emprisonné, médicalisé, éprouvé par les institutions. Curetage à vif du fond commun de désespoir de l'humanité.

    Pour évoquer justement la douleur et le dégoût d'Artaud, il faut bien accepter de regarder-on en revient là- un théâtre de la cruauté au fond des yeux. Que ces deux actrices incarnent en se livrant au saccage de la beauté. Avec rage et précision.

    Puis soudain on comprend. Pourquoi on a finit par rentrer dedans. Pourquoi cela nous paraissait en un sens familier. En se souvenant en quelle haute estime Hijikata et les fondateurs de la nouvelle danse japonaise tenaient Antonin Artaud.On est content, on a découvert ce soir un cousin éloigné du Buto.

    La soirée se concluait en nocturne, avec Europe Tragedy. On aurait du prendre au premier degré les fausses-vraies confidences des acteurs au début du spectacle: considérons qu'il s'agissait hier d'un travail en cours.

    Avec, pour un sujet mythologico-biblique si obscur et qui appelait dans la forme un peu de clarté, trop de ruptures de ton et rythme: faux départ, lectures savantes et pédagogiques, fausses sorties, adresses au public, maladresses faussement improvisées, longs récitatifs, corrida de Dieu antique en bovidé, nu douché au baquet, et pour conclure soudain, le viol d'Europe, insoutenable.

    On reviendra les voir quand le travail sera achevé. Pour de vrai ou non.

    Guy

    P.S. Tout cela reprend ce mardi soir, plus surprenant qu'un huitième de finale

  • Marie Vialle - Contes cruels

    Marie Vialle chante clair et haut dans le noir, joue nue du violoncelle tout en récitant le premier conte de Pascal Quignard. Malgré toutes ces actions simultanées, au début il n'y a presque rien, sinon de l'étonnement. C'est qu'il faut laisser le temps au verbe de naître. Puis tombent peu à peu des cintres les vêtements, alors que s'élèvent les mots et les notes qui l'enrobent.
    Plus la conteuse se retrouve vêtue, plus le récit prend chair et couleur, et sa voix de l'assurance.

    Les contes, comme il se doit, sont cruels, nous font re-goûter aux émotions qui accompagnaient nos frayeurs enfantines, nous plongent dans un passé ré-imaginé et imprégné de magie, envahi par les expressions exacerbées des désirs, du dépit, de la culpabilité, et de la jalousie. Perte de l'innocence, meurtre et amour, pactes imprudents.

    Le débit s'accélère. Insensiblement, de récitante, Marie Vialle devient actrice, investit de ses mouvements tout l'espace scénique, s'incarne enfin en protagoniste, bientôt victime de sa narration.

    Le récit s'emballe en boucles, balbutie, s'affole. Comme dans tous les contes de tous temps, la faute originelle contient en elle les germes de sa punition, que nous anticipons malgré nous avec une impatience cruelle. L'heroine gardera-t-elle  "Le Nom sur le bout de la langue"sans parvenir à dire ce mot pour se libérer, sera-t-elle emportée par le diable à jamais? Pour que meure avec elle, dans sa bouche restée muette, toute mémoire, tout récit, toute fiction?

    On ne révélera surtout pas, si l'histoire finit mal, ou pas....

    C'était hier (et ce soir) au festival Trans au Theatre du Chaudron.

    Mais après cela, la soirée était loin d'être terminée...

    Guy