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Unger et Ferron

  • La théorie du 2: une, deux, beaucoup.

    Une apparaît, se dédouble, et encore et plus jusqu'au quintuple. En blanc innocent sur noir de fond, tissus amples et en capuches, pour une promenade insouciante dans une forêt invisible. Et encore s'abandonnent à la répétition, pour les mêmes séquences en boucle, dansent toujours les mêmes figures à l'unisson ou en canon. 

    La théorie du 2.jpg

    Au rythme de cette comptine, notre imagination à partir des ombres autour d'elle(s) dévoile un environnement de contes, la suggestion de mythes. Reste au milieu ce trou noir, une obscure bande de tissu, zone d'ellipses, où elles disparaissent, d'où elles surgissent. Pour réitèrer ces occurrences, circulaires, toutes cinq et indifférentiées. De cette amplification obstinée monte un étourdissement, un vertige entretenu par la musique obsédante, mais au bout de ce chemin vient l'apaisement. Du renoncement au sens vers l'affinement des perceptions. Des différences subtiles sont tissées et dissoutes, se laissent juste deviner. Nous nous tendons à l'affût des évenement, des sens et des signes. Et d'un peu d'ironie. Ainsi sommes nous aussi, bien semblables tous, identités suspendues à une nuance ou deux. Sur la scène des fantômes s'éffondrent, se perdent et se dissolvent. Soudain de plus larges variations s'ouvrent. Il suffit enfin d'une offrande, visages mis à nus- le premier par volonté, le second forcé?- pour que des rôles commencent à exister, que le temps s'écoule. Avec l'ébauche de relations, même de luttes, la naissance de rivalités mimétiques et de victimes, sur un fond de ballade rock. Pour arriver à cette fin, il aura fallu oser une belle maturité, en économisant heureusement le discours pour passer de l'idée à la forme.

    C'était La théorie du 2 (Imago Opus 2) de Frédérike Unger et Jérôme Ferron (Compagnie Etant Donné), Eloïse Deschemin, Solène Hérault, Marie Rual, Nele Suisalu, Aline Braz da Silva. Au théatre de L'étoile du nord avec Avis de Turbulence.

    Guy

    Aprés Pan de Lionel Hoche, Avis de Turbulence se poursuit la semaine prochaine, avec Oups et Opus de la Vouivre.

     photo (DR) avec l'aimable autorisation d'Etant Donné

    Le samedi 16, à Noisy Le Grand, Imago Opus 1 

  • Unger et Ferron: Short, cygnes, poupées

    A la lecture, les intentions énoncées par les plumitifs d' Etant Donné pour ce Show Case Trilogie paraissent un poil sérieuses et auto-centrées ("Explorer les notions constitutives du spectacle: l'idée de la beauté, l'idée du temps, l'idée de vacuité"). Elles laissent craindre un pensum sur la représentation représentée. Mais, soulagement, les chorégraphes mettent ces intentions sur le tapis avec une fraîcheur bienvenue.

    45db99de8175a7866221297499373b42.jpgDémonstration faite avec l'attaque de Let's Dance. Le tapis blanc immaculé apparaît comme un gouffre un peu effrayant dans lequel nos trois danseurs n'osent s'engager, avant de trouver un moyen- joliment enfantin- de d'y risquer. On a vu manière plus ennuyeuse de remettre en perspective l'espace scénique. C'est autant de distance ironique partagée vis à vis de ce qui pourra s'y dérouler ensuite: l'attaque en règle d'un morceau de choix de la matière-répertoire. Tchaikovsky en prend pour son grade, les irréprochables figures classiques en ressortent blessées à mort, même si les cygnes bougent encore. Les décalages sont parfois nets- des gags musicaux dans un esprit cartoon-, parfois installés avec plus de légèreté. Même si on atteint pas les sommets pince-sans-rire qu'ont explorés les Delgado-Fuchs. Mais dans ce jeu, très précis et élaboré, des quatre coins, la jubilation se fait complice. On pense un peu à la phrase de Charles B. (1821-1867) : "Le génie est l'enfance douée d'organes adultes pour s'exprimer".

    En seconde position, Laps est le type même de la pièce urticante. D'un coté il est toujours intéressant de s'intéresser au 9633b6ff6c941e427e5ae6dcab2fd4c9.jpgtemps, de l'autre on reste tout de même très loin de Saint Augustin. D'un coté le sous-titre est remarquable-"solo pour un danseur en short"-, de l'autre on se dit, passées presque cinq minutes de course sur place, que les plaisanteries les plus courtes sont les moins longues. D'un coté on a rarement vu sur scène quelque chose d'aussi sublimement laid que les chaussettes rouges et jaunes de Jerôme Ferron, de l'autre l'usage répété de l'aquarium apparaît d'une gratuité assez lassante. D'un coté il est approprié que Ravel soit la seconde victime, avec un bolero qui ne semble ne jamais commencer, de l'autre la performance ne semble pas parvenir à résoudre la difficulté qu'il y a à montrer l'attente tout en s'interdisant de suggérer plus que le commencement d'autre chose.

    De Beauté plastique, on a déja parlé ici l'an dernier de manière raisonnée. Non sans mérite car les belles Frédérique Unger et Emily Mézière n'arrêtent pas de déshabiller, ce qui trouble un peu le recul critique. Mais ce qui ne nous distrait pas, il est vrai, du sujet en lui 042956ed89810172b731a81f6c60b1f8.jpgmême: l'expérience de la beauté. La pièce gagne encore en cohérence quand ici elle conclue la trilogie: la saturation de notre espace de vision par les poupées (style) barbies prend une nouvelle force en vis à vis du vide aveuglant du tout début. Et la performance en froide efficacité: cette fois pas plus de 3 poupées renversées. La pièce persiste à être la plus construite et équilibrée des trois, et même la plus féroce. Pour autant  l'ensemble reste cohérent et ludique. Quitte sans doute à risquer, pour cette raison même, plus d'un procés en superficialité et insignifiance... Acquitté!

    C'était Show Case trilogie: Let's Dance..., Laps (solo pour un danseur en short), et Beauté Plastique ♥♥♥♥ , de et par Jérome  Ferron et Frédérike Unger (Etant Donné), avec aussi  Emily Mézières, à Micadances, avec le festival Faits d'hiver

    Guy

    Photos avec l'aimable autorisation de Jérome Delatour- Images de Danse

  • Unger & Ferron: Poupées plastiques

    medium_beaute_plastique.gifLes poupées, au masculin ou féminin, se font ces temps ci très présentes sur les scènes contemporaines, depuis Brigittte Seth et Roser Montlo Guberna en passant par Christina Ubl, jusqu'à cette piece de Frédérike Unger & Jérome Ferron. Moqueuses allégories de la condition de l'artiste? Pour autant doit se montrer assez patient pour regarder une danseuse aligner implacablement, une par une, soixante-deux poupées barbies nues sur le plateau, tandis que sa partenaire tente de venir à bout de son solo dans un espace ainsi réduit à sa portion congrue?

    Sûrement, car cet envahissement de l'espace par la blonditude en série détermine toute la suite des évènements. Qui s'imposent aux deux plus grandes poupées vivantes, livrées sans aucun accessoires elles non plus. Enfin plus exactement habillées de fausses fleurs pour une entrée adaptée à ce sacre du printemps. Puis bientôt simples Venus pour arpenter la scène, impavides et sur pointes imaginaires: c'est une littérale exposition de la beauté plastique  du titre. Et froidement méthodique: de face, de dos, de profil. Après, se rhabillant- première rupture- à dessein très pauvrement: couleurs de mauvais gout et survet' déchiré aux fesses-pour le solo de l'une, en progression enchainée par basculements au sol, gestes exagérés de poupée et sourire figé. Eclipsant la laideur vestimentaire s'impose alors justement la beauté du geste. C.Q.F.D.? De même pour le solo de l'autre, d'un classique élégant et glacé, modèle de beauté formelle, calibré tout prés de l'irréprochable et pas loin du parodique.

    Incongru entre ces deux soli, medium_beaute_3.gifun déshabillage encore, arrêt sur image pour une nouvelle exposition assumée. Noir, lumière et toutes deux encore immobiles en nudité, avant échange des mêmes fringues au rabais. Après ces danses le x-ième et dernier passage par l'exhibition préludera à son inéductable décadence en une version grinçante: sous-vêtements couleur-chair qui dessinent une grossière caractérisation sexuelle, quasi-industrialisée, masques maquillés de cils et rouge à lèvres d'un vulgaire obscène. La dépersonnalisation, en une féminité réduite à son plus triste stéréotype: c'est le prix à payer pour s'intégrer incognito chez les poupées barbies. Leur transformation ainsi parfaite en femmes-objets, les deux danseuses progressent entre petites poupées sans renverser celles-ci, de gestes stéréotypés en poses imposées d'un triste imaginaire de séduction. On échappe pas aux poupées de plastique, qui à la fin dansent par images grotesques et saccadées jusque sur le fond d'écran. Les vraies danseuses n'ont alors plus qu'à ramper, avec un embarras qui les rendraient presque à nouveau humaines, dans l'espace que les lumières transforment en un milieu onirique et cauchemardesque. Bilan: seulement 6 ou 7 barbies renversées.

    medium_beaute_2.2.jpgSur le thème de la dictature qu'exercent les images de la beauté, dictature exercée sur celles qui tendent à s'y conformer tant que pour ceux qui les regardent faire et s'aliéner, la démonstration est sans failles. Elle s'appuie sur la mise en oeuvre d'une séduction irrésistible au premier degré, pourtant ambiguë dés la première seconde, pour amener à une prise de distance lors de l'apothéose en douche froide. L'exercice n'est pas d'une originalité ébouriffante, mais pour le moins efficace, affûté, cohérent. Portée par ce scénario sans temps morts la danse entendue au sens strict est loin d'être anecdotique. Pour terminer, le rapport conceptuel avec "Le sacre du printemps"de Stravinsky -version un peu psychédélique et arrondie d'échos-  semble ténu. Mais cela fonctionne, étrangement.

    Sur le papier au moins c'était une bonne idée d'enchainer avec ensuite avec "Ta femme en kit" de la compagnie bobainko, car la thématique à priori voisine: les stéréotypes de la femme idéale. Mais on fut moins convaincu. L'exploration méthodique de divers modes de la culture musicale populaire: chanson sentimentale, valse violoneuse, comédie musicale bas de gamme, punk, rap, etc... nous semblait un peu gratuite et surtout dispersée, malgré de beaux effets de robes à paniers. Et on y a entendu une adaptation en français de "Tell it like it is". Sacrilège. Disqualification. Seul Aaron Neville a le droit de chanter "Tell it like it is". 

    C'était Show case #"1 - Beauté plastique de Fredérike Unger et Jérome Ferron, avec Frederike Unger et Emily Mézière-Compagnie Etant Donné à  l'Etoile du Nord. Suivi de "Ta femme en kit"  de Domitille Blanc, Aurélie Burgeot, Vanessa Morisson et Marie Rual. Jusqu'à samedi encore.

    Guy

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