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espace 1789

  • Observations de l'humanité

     

    isabelle esposito,théatre,espace 1789

     

     

    La Sombre Sautillante est une clocharde, elle est une princesse, un enfant.

    La Sombre Sautillante bondit hors des cases, des classifications, et de près nous ressemble.

    La Sombre Sautillante chevauche dans les rues un matelas en mousse.

    La Sombre Sautillante voit notre monde en évidence: le papier des magazines, l’amour sur le visage des stars sur les affiches, le monde pour ce qu’il est et ce qu’il semble.

    La Sombre Sautillante pleure sur la musique d’Aretha Franklin, danse avec celle de Peggy Lee.

    La Sombre Sautillante, naive et burlesque, finit par exister.

    La Sombre Sautillante vit avec une bassine de matière plastique rose.

    La Sombre Sautillante vagabonde dans les rues, entre scène et écran.

    La Sombre Sautillante pourrait sembler désœuvrée, mais c’est une œuvre à elle toute seule.

    La Sombre Sautillante est en fait très occupée, d’une toute petite voix.

    La Sombre Sautillante solidifie, casse la mélancolie.

    La Sombre Sautillante nous fait voir l’humanité.

     

     

    La Sombre Sautillante, conçue et interprétée par Isabelle Esposito, vue à l’espace 1789, s’est installée jusqu’au 10 février au Grand Parquet

     

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    Guy

     

     

    Photo d'Igor Gabolovki

     

  • Faire part d'une agonie annoncée

    Dans le lit au centre: l'agonisante, ce lit posé dans cette chambre sombre et nue, dépouillée mais que l'on situe quand même au XIX° siècle, une époque où la mort (ainsi que la naissance) n'était pas encore sous-traitée par les familles aux hôpitaux.... LA MORT: le gros mot est prononcé, et dès le titre, sans plus de précautions. Avec Je suis morte  Isabelle Esposito poursuit avec courage ou inconscience son parcours artistique sur un chemin solitaire et escarpé. A l'accompagner on jouit pourtant de points de vue qui valent le déplacement. Mais pour cela il faut un peu oser: dans notre univers mental desacralisé, et borné par l'illusion du droit au bonheur et du risque zéro, l'obsénité artistique la plus impardonnable consiste bien à montrer la mort plutôt que le sexe. 

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    Tout bien pesé, on rit alors beaucoup, au moins en dedans. On rit en silence, la respiration en sursis de la mourante tenant lieu de bande son. Ce silence, on l'accepte aussi. Pâle et diaphane, yeux fiévreux, Maxence Reyest une impeccable agonisante, aux râles inguérissables et aux gestes finissants. En cet instant elle n'est pas seule, plutôt bien entourée, dans l'entre deux. Entourée de morts et vivants. Ce n'est au début pas si facile de distinguer les uns d'autres. De sa place, au milieu. Parmi tous ces personnages, lesquels sont donc les fantômes de ses rêves et regrets? Et parmi eux lesquels sont les derniers accompagnants- frère, soeur, docteur- ceux-là pas au mieux de leur forme, du moins dans le regard de la mourante. Les endeuillés surgissent d'une porte noire et béante, leurs gestes souffrent saccadés et leurs pas tremblent. Les fantômes nés de ses délires ultimes, sont quant à eux souvent des bons vivants, doubles bondissants, qui batifolent, se taquinent et se poursuivent dans le plus simple appareil. Dans ces deux mondes dont elle est le point de rencontre, et sous ces deux lumières, le malaise se dissipe par l'effet libérateur d'un burlesque grinçant. Cette dé-dramatisation ne tourne jamais au ridicule, pourtant. De temps en temps la presque morte s'extrait de sa situation, pour s'adresser à nous posément droit dans les yeux. Ces moments nous permettent de relâcher quelque peu la tension, et aussi de nous faire prendre conscience qu'il s'agit pour le reste d'un pur théatre sans texte. Muet mais jamais ennuyeux, parfaitement chorégraphié et joué avec jubilation- certains matérieux déja travaillés dans vieille nuit ici réordonnés. Le tout est d'une claire et irréprochable construction.

     

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    Sans ostentation, donc un beau pas vers la réalisation de l'idéal interdisciplinaire. Déja à ce stade, car je suis le témoin privilégié d'un premier filage, l'oeuvre a alors encore un mois devant elle pour s'affiner. Isabelle Esposito semble résolue à gommer de la pièce tout ce qui lui semble encore trop naturaliste en état... Pour ma part je suis heureux du premier résultat, les yeux ouvert sur l'insaissable qui se délite, l'âpre fugacité de souvenirs sitôt condamnés. Yeux ouvert sur la mort vue en face sans tricher ni happy end, mais avec lucidité et tendresse, pour exorciser les peurs et cicatriser les regrets. Elle est morte bientôt mais reste vivante... jusqu'au dernier instant.

    Ce sera Je suis morte, mise en scène, chorégraphie et texte d'Isabelle Esposito, artistes interprètes : Christophe Cuby, Thomas Laroppe, Anthony Moreau, Isabel Oed, Maxence Rey, Alexia Vidals, vu en filage le 26 février, créé à partir du 25 mars à l'Espace 1789 de Saint Ouen.

    Guy 

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    photos de Christophe Rivoiron avec l'aimable autorisation d'Isabelle Esposito