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gasteropodes

  • Quatre Performances

    Première performance: un jeune homme projette un film sur un écran blanc. Il est assis à une table. Il utilise un vieux projecteur. Les couleurs sont délavées. On voit des paysages. On voit une voie de chemin de fer. On voit des ruines. On voit des personnages. On voit l'image du jeune homme. L'image du jeune homme danse sur l'écran. Le vrai jeune homme danse devant son image sur l'écran. Il y a une musique. La musique est emphatique. L'image est fixe. L'image est l'image d'une pellicule brûlée. Le jeune homme colle une bande de papier sur l'écran. Il n'y a plus rien sur l'écran.

    Seconde performance: La performeuse sort dans la rue. Elle met un truc avec des plumes. Elle est très maquillée. Elle enlève son jean. Elle porte des collants et un string. Elle est habillée en danseuse de revue. Elle met en marche un lecteur de cd. La musique est exotique. la performeuse fait des pas de danse. Elle sourit d'une manière forcée. Elle part dans les rues de la Goutte d'Or. Elle danse en marchant. Les spectateurs accidentels sont noirs. Ils sont jeunes. Ils sont bruyants. Ils sont excités. Ils sont étonnés. Les spectateurs intentionnels sont blancs. Ils sont silencieux. Ils sont plus vieux. Ils semblent calmes. Ils ne semblent pas étonnés. La performeuse s'arrête sur un chantier de voirie. Elle met en marche des voitures de police-jouets. Elle plonge sa tête dans le sable. Elle ne bouge plus. Elle sort la tête du sable. Les spectateurs intentionels applaudissent. Elle revient à l'Olympic café.

    Troisième performance: il y a quatre performeuses. Elles performent au sous-sol. Elles sont habillées de noir. La première performeuse est devant une table. Elle ne peut pas s'asseoir. Elle est attachée par son chignon à une corde. La corde est attachée au plafond. Elle lit à voix haute un dictionnaire franco-japonais. La seconde performeuse savonne son costume noir avec du savon blanc. Elle enlève son costume. Elle est en sous-vêtements. Elle savonne son corps blanc avec du savon noir. Elle met du typex sur ses ongles. Elle noircit son visage. Elle remet son costume. Elle met une perruque. la perruque cache son visage. Elle quitte la salle. Elle fait un tour au bar du haut. La troisième performeuse est devant une table. Elle peigne une peau de mouton. Elle parfume la peau. Elle utilise différents accessoires. Elle fait des tresses à la peau. Elle porte des tresses noires aux joues et au menton. La quatrième performeuse porte des salades. Elle monte sur un bar. Elle s'allonge face au bar. Elle se couvre de salades. Elle pose des escargot sur la salade. Elle pose des escargots sur son costume. Elle pose des escargots sur sa tête. Elle plonge sa tête au bord d'une boite de plastique. La boite est remplie d'eau et d'escargots. Elle ne bouge plus. Les quatre performeuses performent en même temps. Les spectateurs bougent d'une pièce à l'autre. Les spectateurs ne parlent pas.

    Quatrième performance: une femme danse.

    C'étaient les performances d' Art_tuilage 6 du C.R.A.N.E. à l'Olympic Café. Avec (1) Yoshitsugu Tsukamoto. Avec (2) Edwige Mandrou. Avec (3) quatre performeuses dont on a pas noté le nom sauf celui de Lea Le Bricomte qui figurait au programme. Avec (4) Isako Wakao

    Guy

    P.S. : quelques photos d'une version rurale de la performance d'Edwige Mandrou, ici

    Re- P.S. : la version urbaine: ici.

  • Jesus (Sevari): la femme à la tête de choux

    Il s'en trouve toujours un, hélas, pour raconter le début, vendre la mèche. Soyons le premier, et spolions allégrement, tant pis pour les effets de surprise. Jesus Sevari nous attend allongée à l'entrée de la salle, juste vêtue de talons aiguilles et sur le visage une souche, son corps colonisé d'escargots. Tout partout, gastéropodisée des pieds à la bouche, jusque dans la bouche. C'est la seconde femme limace  qu'on rencontre cette année, mais pour le coup c'est inédit, audacieux et saisissant. On est content. Jesus bouge parcimonieusement, les escargots aussi, mais encore plus lentement, ils glissent, et cela pourrait durer longtemps encore.

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    A compter de l'instant où les spectateurs ont compris qu'il faut considérer ce tableau comme la première scène du spectacle, et qu'il n'y a pas d'inconvenance à s'arrêter là pour scruter la baveuse performance, ils font demi-tour depuis leurs sièges. Puis font attroupement debout en demi cercle. Avec une fascination plutôt amusée, avec sans doute un peu de difficulté à prendre du recul pour réfléchir au concept. Régression vers l'animalité? Ou une simple exhibition absurde, une provocation calme et démystifiée? Mais déjà les deux autres partenaires de la danseuse détachent un par un les animaux de ce terrain humain. Avec beaucoup de précautions, avec presque du respect. Ce soir on ne plaisante pas avec les escargots. Un moment d'émotion chez les témoins de la scène: alors que la danseuse se relève on voit qu'un des gastéropodes été oublié entre ses pieds, en grand danger d'écrasement. Soupir de soulagement quand l'animal est in extrémis repéré, récupéré. Passage du public dans la salle, au risque de décevoir après ce prologue. On se surprend à imaginer ce que cette performance aurait pu devenir si elle avait osé durer et devenir danse: dressages utopiques, apprentissage d'une lenteur extrême, interactions improbables, vertigineux contrastes.

    Mais il y a encore une heure de spectacle, après. Saturée par- citons le programme-: 40 escargots, 7 salades, 6 masques, 5 costumes, 3 paires de chaussures à talons aiguille, 2 musiciens, 1 comédienne, 1 danseuse, 1 litre de lait, 1 guitare électrique et 1 corde à sauter. La liste n'est pas exhaustive, on pourrait y rajouter: des ventilateurs, des ballons multicolores, un beau sourire, des ailes d'ange, un costume de Dark Vador, un ordinateur Apple, une robe glamour, pas mal d'impudeur et un peu de danse, des yeux en gros plans, des bouches, des bâches et des bûches, des discours rêveurs et des souvenirs rêvés, et le guitariste bite au vent. Diagnostic: c'est le syndrome trés répandu du bric a brac, maladie de jeunesse qui avait déjà frappé d'autres victimes dans F for Fake, pour ne prendre qu'un exemple. Autour d'un concept trop généraliste, que l'on pourrait réduire à un manifeste de l'introspection exhibée, une exploration du domaine fantasmatique. Appliqué avec une volonté explicite de pluridisciplinarisme. Mais cette ambition n'est pas toujours soutenue par des moyens suffisants. A chaque changement de genre: baisse de tension.

    La création existe, pourtant, intrigante et originale, si l'on se résout à prendre, à retenir ce qui nous intéresse. Quitte à un peu oublier le reste, essentiellement ce qui est parlé. Pour se souvenir du meilleur: de trop brèves séquences de belle danse contemporaine, bras collés au torse, ou buste penché en avant, une danse singulière à en faire oublier la belle robe, ou la nudité. Se souvenir aussi des gestes en échos entre la danseuse et son double "ordinaire", l'actrice Sylvie Deslande, cette dernière au corps moins "artistique" dans son dévoilement, d'où un dialogue d'autant plus intéressant. Se encore souvenir de ces mises en situation d'un absurde troublant et décomplexé, sans provocation ni agréssivité tant la chair semble sereine, tableaux surréalistes habités par des personnages à tête de salade. Se souvenir pour finir d'un véritable rêve éveille dans la pénombre, avec ces images organiques projetés sur la danseuse. Une belle conclusion sur un corps qui se songe apaisé.

    C'était (la première) de Como salir a buscar una estrella con las dos manos ocupadas ♥♥ de Jesus Sevari-Compagnie absolumente  avec Jesus Sevari, Sylvie Deslande, Gonzalo Alarcon, Sven Lava, à Mains d'Oeuvres.

    C'est ce soir toujours, et samedi encore...

    Guy 

    P.S. : ...et un moins aprés aussi à l'Ecole nationale d'architecture de Paris, d'où Jérome n'est pas revenu les mains vides 

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  • Blandine livrée aux jardiniers

    Simple limace, pour une performance aussi simple en première apparence que de se laisser glisser molle et engluée le long de l'escalier face à l'entrée du L.M.P., une fois dépêtrée d'une bâche plastique. Est ce un chemin ou une chute? Pour devenir limace jusqu'au fond des yeux, d38eb6c6e82ffccb454c54aae57aeb5d.jpgdégorgée de la pensée humaine, jusqu'au bout de l'idiotie, des mots-bulles tentent de se former avant d'éclater aux lèvres. Sur le corps humide et blanc et sur le mur du fond sont projetées des diapos éducatives d'histoires naturelles. Histoire de rassurer? L'innocence d'avant le langage semble presque à portée de langue, d'avant la sexualité même, un hermaphrodisme placide s'affiche sous la forme d'un postiche naïf fixé sur les reins nus. La régression s'offre trés généreuse, effrayante et délicieuse, vers une grâce pataude en une reptation de bruits mous, slurp. La jubilation de la salissure s'exprime sans retenue, enfantine, sous une cascade de sauce tomate, le corps s'abandonne sans réserves à l'immersion intégrale dans le sel alimentaire, nourri d'oubli. Cette poésie naturelle est gluante et basique, aussi belle que posée sur une feuille de laitue.

    Mais l'utopie est par essence paradoxale, dés le début du projet, et les arrières pensées reviennent sans cesse au jour, humaines et civilisées. Le temps d'un mouvement d'une virtuosité pas si évidente, l'exigence de la danseuse se fait deviner sous le naturel placide de la limace. Les cinq ou six photographes très empressés n'ont rien de jardiniers, et posent par rafales des regards très avides et culturels sur la performance poisseuse. Un drap est dressé contre la porte de la rue, pour isoler des regards du dehors l'obscénité organique montrée sans censure aucune dedans. Une bulle de nature, remarquable, mais forcement acculturée, que la conscience perce dès son émergence. Le problème central de la performance reste le public.

    C'était "tracer sa route #3" de et avec Blandine Scelles des Koeurspurs avec le CRANE au Lavoir Moderne Parisien

    Guy