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Jesus (Sevari): la femme à la tête de choux

Il s'en trouve toujours un, hélas, pour raconter le début, vendre la mèche. Soyons le premier, et spolions allégrement, tant pis pour les effets de surprise. Jesus Sevari nous attend allongée à l'entrée de la salle, juste vêtue de talons aiguilles et sur le visage une souche, son corps colonisé d'escargots. Tout partout, gastéropodisée des pieds à la bouche, jusque dans la bouche. C'est la seconde femme limace  qu'on rencontre cette année, mais pour le coup c'est inédit, audacieux et saisissant. On est content. Jesus bouge parcimonieusement, les escargots aussi, mais encore plus lentement, ils glissent, et cela pourrait durer longtemps encore.

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A compter de l'instant où les spectateurs ont compris qu'il faut considérer ce tableau comme la première scène du spectacle, et qu'il n'y a pas d'inconvenance à s'arrêter là pour scruter la baveuse performance, ils font demi-tour depuis leurs sièges. Puis font attroupement debout en demi cercle. Avec une fascination plutôt amusée, avec sans doute un peu de difficulté à prendre du recul pour réfléchir au concept. Régression vers l'animalité? Ou une simple exhibition absurde, une provocation calme et démystifiée? Mais déjà les deux autres partenaires de la danseuse détachent un par un les animaux de ce terrain humain. Avec beaucoup de précautions, avec presque du respect. Ce soir on ne plaisante pas avec les escargots. Un moment d'émotion chez les témoins de la scène: alors que la danseuse se relève on voit qu'un des gastéropodes été oublié entre ses pieds, en grand danger d'écrasement. Soupir de soulagement quand l'animal est in extrémis repéré, récupéré. Passage du public dans la salle, au risque de décevoir après ce prologue. On se surprend à imaginer ce que cette performance aurait pu devenir si elle avait osé durer et devenir danse: dressages utopiques, apprentissage d'une lenteur extrême, interactions improbables, vertigineux contrastes.

Mais il y a encore une heure de spectacle, après. Saturée par- citons le programme-: 40 escargots, 7 salades, 6 masques, 5 costumes, 3 paires de chaussures à talons aiguille, 2 musiciens, 1 comédienne, 1 danseuse, 1 litre de lait, 1 guitare électrique et 1 corde à sauter. La liste n'est pas exhaustive, on pourrait y rajouter: des ventilateurs, des ballons multicolores, un beau sourire, des ailes d'ange, un costume de Dark Vador, un ordinateur Apple, une robe glamour, pas mal d'impudeur et un peu de danse, des yeux en gros plans, des bouches, des bâches et des bûches, des discours rêveurs et des souvenirs rêvés, et le guitariste bite au vent. Diagnostic: c'est le syndrome trés répandu du bric a brac, maladie de jeunesse qui avait déjà frappé d'autres victimes dans F for Fake, pour ne prendre qu'un exemple. Autour d'un concept trop généraliste, que l'on pourrait réduire à un manifeste de l'introspection exhibée, une exploration du domaine fantasmatique. Appliqué avec une volonté explicite de pluridisciplinarisme. Mais cette ambition n'est pas toujours soutenue par des moyens suffisants. A chaque changement de genre: baisse de tension.

La création existe, pourtant, intrigante et originale, si l'on se résout à prendre, à retenir ce qui nous intéresse. Quitte à un peu oublier le reste, essentiellement ce qui est parlé. Pour se souvenir du meilleur: de trop brèves séquences de belle danse contemporaine, bras collés au torse, ou buste penché en avant, une danse singulière à en faire oublier la belle robe, ou la nudité. Se souvenir aussi des gestes en échos entre la danseuse et son double "ordinaire", l'actrice Sylvie Deslande, cette dernière au corps moins "artistique" dans son dévoilement, d'où un dialogue d'autant plus intéressant. Se encore souvenir de ces mises en situation d'un absurde troublant et décomplexé, sans provocation ni agréssivité tant la chair semble sereine, tableaux surréalistes habités par des personnages à tête de salade. Se souvenir pour finir d'un véritable rêve éveille dans la pénombre, avec ces images organiques projetés sur la danseuse. Une belle conclusion sur un corps qui se songe apaisé.

C'était (la première) de Como salir a buscar una estrella con las dos manos ocupadas ♥♥ de Jesus Sevari-Compagnie absolumente  avec Jesus Sevari, Sylvie Deslande, Gonzalo Alarcon, Sven Lava, à Mains d'Oeuvres.

C'est ce soir toujours, et samedi encore...

Guy 

P.S. : ...et un moins aprés aussi à l'Ecole nationale d'architecture de Paris, d'où Jérome n'est pas revenu les mains vides 

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