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lia rodrigues

  • Toujours ensemble

    Ensemble? Pas de siège pour le public dans cette salle, nous partageons l’espace de plain-pied avec les artistes, cherchons notre place avec eux. Les danseurs posent au sol une mer de plastique, l’agitent de vagues. Tempête. Je sens les coups de vent. Il n’y a plus rien qui tienne. Une femme s’y aventure, est ballotée d’une rive à l’autre, perd pied, ruisselle, lutte en vain, corps chahuté. La scène est violente, poignante, directe. Forte avec peu. La femme est nue, je pense au dénuement. Elle se noie, je pense aux migrants. Elle est rejetée par les autres des deux côtés, je pense à tous ceux qui ne trouvent pas de place. D’autres lui succèdent sur cet océan, les uns contre les autres, mais s’épuisent en courses et luttes intimes et fratricides, éperdues, sans raison. La dernière scène nous apaise, quand les danseurs nous font nous lever pour disposer partout dans la salle des ballons d’eau-nous redéfinissons ainsi l’espace avec eau. Puis ils rampent pour les éclater. Ils se regroupent, tribu de chair, nous autour d’eux. Le monde retrouve un peu de paix.

     

    danse,théatre de la cité internationale,lia rodrigues

    Pindorama de Lia Rodrigues, vu le 21 novembre au théâtre de la cité internationale avec le festival d’automne à Paris. Jusqu’au 26 novembre, puis au 104 du 28 au 30 novembre et à L’apostrophe le 3 décembre.

    Guy

    photo par sammi_landweer avec l'aimable autorisation du T.C.I.

    Sur le blog, à propos de Ce dont nous sommes fait.

    Et à propos de Pororoca

    Lire aussi Rosita Boisseau dans le Monde

  • Etre (ensemble?)

    En une j'ai vu deux pièces. La première de retour vers les origines. Le regard invité à retrouver de l'innocence. Au milieu de l'espace: nous tous assis à terre et pas de son. Dans un coin de la salle, la lumière se concentre sur un corps en son parfait dépouillement. L'attention se focalise sur cet être revélé, libéré par la lenteur, simple, dans la vérité de la peau, de la chair. Jusqu'à nous permettre de nous libérer nous-même comme par l'effet d'une salutaire amnésie, à pouvoir oublier d'être la partie d'un tout. A connaitre alors la sensation d'une remise en zéro et de nouveaux matins. Les danseurs se succédent, les transitions de l'un au groupe nous accompagnent en douceur. Au tout début un homme, puis deux femmes qui n'en font qu'une en pure sensualité, aprés deux hommes quasi jumeaux chacun penché pour devenir le pont de l'autre. Tous les huit ensemble à la fin. A chacune de ces étapes du voyage de l'identité à la relation, tout n'est que souffles légers mais sans molesse, messages sereins mais force contenue. C'est beau comme cela doit l'être. Nudité rime ici avec humanité. Nous sommes à chaque pause mis nous-même mis en mouvement, poliment et fermement, pour regagner une nouvelle  place de spectateur...

    Quand le groupe (des danseurs) existe enfin, il met paisiblement en évidence- debout, allongé sur le dos, à plat ventre, de face, de dos, de profil, tête en bas- les différences des corps et des apparences et l'égalité des âmes, pour toutes les couleurs de peau, et sexes, tailles, corpulence, complexion, pilosité... C'est une belle démonstration éloignée de toute la trivialité d'un effet Benneton. Conclusion en queue de poisson: les danseurs sont soudain agités de tremblements, entreprennent une migration par reptation, superbes et vulnérables se frayent un chemin nu (1) parmi nous, par dessus, par dessous, de tous les cotés, partagent au plus près innocence et fraîcheur...

    A suivre...

    C'était Ce dont nous sommes faits de Lia Rodrigues dans la salle Panopée du Théatre de Vanves, dans le cadre du festival Artdanthé.

    Guy 

    (1) la pièce a été crée en, 2000, donc bien avant Parterre

  • Les cris des spectateurs

    Le public manifeste, désinhibé comme rarement. Il se partage par manifestations entre incompréhension, soutien, et hostilité. Certains crient, ou rient bruyamment (il me semble à contretemps). D'autres imitent jusqu'à plus soif les bêlements, aboiements, et autres cris bestiaux poussés à un moment par les danseurs. Une spectatrice glousse quand sur scène s'échappe un sein.

    Pororoca.jpg

    Une partie du public soutient les artistes en applaudissant ou réclamant le silence. Certains soupirent, discutent à mi-voix avec leurs voisins, ramenés à l'ordre par d'autres dont un Jérome outré. Un long moment d'immobilité- les danseurs face à nous- fait croire à un salut qui déclenche des applaudissements prématurés et autant d'huées. Je ne sais coment recevoir ces réactions du public. Comme une forme d'engagement, une révolte légitime, une prise de parole de spectateurs mécontents et lassés de ne jamais disposer d'un espace pour s'exprimer? Ou comme de la grossiereté brute, un chahut d'école maternelle? Je me sens en tous cas géné pour ces artistes qui ne peuvent s'exprimer pleinement, et en raison du manque de patience, de curiosité et d'écoute de la part du public de ce soir aux Abbesses. Et j'aimerais être persuadé que ce public est aussi indiscipliné lorsqu'il est confronté à des oeuvres indigentes de chorégraphes plus installés que Lia Rodrigues. Mais également, je comprends. Il y a dans cet entreprise quelque chose d'inachevé qui provoque. Qui appelle des interventions, comme un vide qu'il faudrait combler. La montée finale des danseurs dans les travées, prend l'allure d'une désertion de la scène, comme si le propos de la chorégraphe s'était trop tôt épuisé. "Tout le monde n'en profite pas" reproche alors un spectateur placé de l'autre coté N'ont-ils plus rien à dire, aprés à peine 50 minutes écoulées? Quant à leurs intentions, je cherche en vain à les comprendre sur la feuille de salle, et sans plus de succés dans Libération.

    Tout commence bien pourtant, sur un mode collectif et revigorant. Ces jeunes gens déterminés envoient en l'air tout balader, de toutes les couleurs. C'est un beau foutoir. Puis on saisit vite le propos de la pièce, qui n'est pas trés original en soi, mais mené avec énergie: ces filles et garçons entreprennent de vivre à deux, tous ensemble. Et dans la sensualité, objectif jouissance. Les corps se projettent hauts, les hanches roulent exagérées, les peaux se recherchent et se trouvent vite, les regards caressent sensuels et gourmands. Les manoeuvres s'effectuent par couples dans un ensemble tourbillonnant, au rythme des respirations. Cet ensemble prend une belle énergie, une cohérence ébouriffante. Les corps crânent, le mot clé est la physicalité, débridée. Un arrêt sur images inquiète soudain. Puis les manoeuvres recommencent, mais semblent déja patiner. Entre deux pauses, d'une section à l'autre on ne voit que des variations, juste un peu plus que des nuances. Le public commence à attendre quelque chose et ne sait pas ce qu'il attend. Les danseurs s'accordent le temps de savourer des oranges, comme pour gagner deux minutes. Puis reprennent. Les épisodes suivant apportent quelques nouveautés, déclinées sur le thème des relations amoureuses: orgasmes trés verticaux, approches et étreintes plus agressives et forcés, orgie généralisée, retours comiques vers la bestialité, seins qui sortent et culottes mi-baissées. Mais une bonne partie du public s'impatiente, pour ma part je me demande si les improvisations qui ont donné la matière de cette pièce ont été suffisamment canalisées. Je ne parviens pas à donner du sens au résultat, ni comprendre sa progression, malgré la beauté et la vitalité des mouvements. Il aurait pû s'agir de l'épuisement d'une utopie hédoniste, qui sait? Mon attention se détourne par à coups de la scéne vers la salle, se lasse, je suis gagné par la distraction des rieurs et des distraits. Si le sujet de la piece est le "vivre ensemble", avec nous il n'est pas partagé, ou alors de manière trés imprévue et dissipée.

    C'était Pororoca, de Lia Rodrigues, au Théatre de la Ville  avec le Festival d'automne à Paris. Jusqu'à ce soir samedi.

    Guy

    Photo de Vincent Jeannot-Photodanse avec son aimable autorisation.

    P.S. : il s'agissait de la représentation du vendredi (racontée aussi ici), pour lire le recit d'une soirée plus calme cliquer là. Vendredi : Jerome Delatour calme le jeu...a-t-on sifflé sur l'octuple sentier?