Expo Scientifiction , Blake et Mortimer au musée des Arts et Musée des arts et métiers: on découvre avec émotion 60 planches (sauvées du pillage) , calques, story-board d'Edgar P. Jacobs, témoins de son travail minutieux et acharné, ainsi que des objets de sa collection: maquettes, documentation préparatoire. Ces œuvres d'art dialoguent avec les artefacts issues des collections du Musée, pour souligner l'omniprésence des sciences et techniques dans le travail d'EPJ. Mais dommage que la mise en scène de l'expo, structurée autour des 4 éléments (Terre, eau, feu, air) ne se saisisse pas d'enjeux évidents de la série au regard de notre sensibilité contemporaine et du lieu: les contradictions et tensions entre les "progrès" de la science, et le bien-être de l'humanité,la survie de la planète.
Je développe: depuis le début de son œuvre de science fiction, Edgar P. Jacob joue les prophètes (de malheur). Le cycle de ''l'Espadon" commence fort avec la 3ème guerre mondiale où l'on voit la civilisation se consumer sous le feu des engins de destruction massive. Le professeur Mortimer rétablit l'équilibre dans la course aux armements par la mise au point de son arme secrète.
Les albums suivants ne voient pas Mortimer se consacrer à quelque activité scientifique pour le bien de l'humanité mais s'opposer aux entreprises de savants fous qui entendent l'asservir par le contrôle mental (La marque jaune) ou dérégler le climat (SOS météores) avec des effets catastrophiques sur toute la planète: 60 ans plus tard, le monde en est là. Les happy-end de circonstance à la fin de chaque album, avec le concours du super-flic Blake, ne trompent personne: chez Jacob le pessimisme est implacable, obstiné. La technologie des atlantes (l’énigme de l’Atlantide) ne protègent pas ce peuple ci contre guerre et cataclysme, le seul salut possible est dans la fuite, vers les étoiles. La machine à voyager dans le temps du "Piège diabolique" nous révèle un avenir terrifiant, moins enviable encore que le darwinisme impitoyable de la préhistoire et les troubles sociaux du moyen-age vus avant: apocalypse nucléaire et masses humaines à nouveaux asservies par les moyens techniques sophistiqués de surveillance et de maintien de l'ordre. Et d'albums en albums, l’amoral Olrik joue avec le feu scientifique pour en retirer son profit à court terme. Jacob nous parle, plus que jamais, du monde qui vient et d'utopies qui meurent.
Guy